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Dans la boule de cristal d'Atlantico : les prévisions économiques de Denis Ferrand
©Reuters

Série perspectives éco 2015

Pour l'économiste, le redressement de la France dépendra de l'investissement dans un contexte où la baisse des cours du brut, la dépréciation de l'euro et les niveaux toujours plus bas des taux d'intérêt créent des conditions propices à une amélioration de l'activité. Premier épisode de notre série consacrée aux perspectives éco 2015.

Denis Ferrand

Denis Ferrand

Docteur en économie internationale de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, Denis FERRAND est Directeur Général de Rexecode où il est notamment en charge de l’analyse de la conjoncture de la France et des prévisions macroéconomiques globales. Il est également vice-Président de la Société d’Economie Politique. Il est membre du Conseil National de l’Industrie et du Conseil d’Orientation pour l’Emploi au titre de personnalité qualifiée. Chroniqueur pour Les Echos, il est chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et pour le Master APE de l’université Paris-Panthéon Assas.

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Le redressement en 2015 dépendra du comportement de l’investissement

La baisse des cours du baril de pétrole, la dépréciation de l’euro, les niveaux toujours plus bas des taux d’intérêt créent des conditions propices à un redressement de l’activité en France en 2015. Ces circonstances favorables ne se sont toutefois pas traduites jusqu’à présent par une amélioration du climat des affaires ou une révision à la hausse des anticipations d’activité. Tant que ce ne sera pas le cas, le scénario d’une croissance certes en redressement en France mais plus faible qu’en zone euro restera le plus probable.

Des bouleversements majeurs de l’environnement international de l’économie française se manifestent depuis l’automne. Ce sont en premier lieu ces nouvelles circonstances extérieures qui vont façonner la trajectoire que pourra suivre l’économie française en 2015. D’une part, la croissance européenne et notamment allemande a déçu. Un nouveau sursis de trois mois face à l’absence de maîtrise budgétaire en France a également été concédé par les autorités européennes.

L’environnement économique mondial est hésitant avec une désynchronisation des cycles économiques (découplage Etats-Unis / zone euro et explosion du concept de BRIC qui agrège autant de situations économiques spécifiques que d’initiales). D’autre part, l’orientation franchement baissière des cours du baril de pétrole, de l’euro contre le dollar, de l’ensemble des taux d’intérêt depuis la fin de l’été créent des conditions favorables à une accélération de l’activité. La dernière phase de vive croissance qu’avait connue l’économie française à la fin des années 1990 avait ainsi été précédée par l’atteinte d’un point bas des cours du pétrole en 1998 et avait été accompagnée par une dépréciation régulière du taux de change effectif de l’euro. Le rebond d’activité amorcé à la mi-2009 avait bénéficié de circonstances identiques. Il était toutefois resté de faible durée, s’estompant courant 2011, puis s’inversant dans les affres de la crise des finances publiques en Europe. 

Les mêmes causes entraîneront-elles les mêmes effets en 2015 ? C’est possible mais il est encore trop tôt pour répondre par l’affirmative. Aucun signe de modification des comportements en matière de dépenses et d’investissement n’est d’ores et déjà perceptible dans les données d’enquête de conjoncture. Les dernières connues, réalisées en décembre, ont ainsi stagné à des niveaux bas alors même que la baisse du prix du pétrole avait déjà pris un tournant spectaculaire.

L’impact positif de la baisse du prix du pétrole

Cette dernière occasionne toutefois une restitution de pouvoir d’achat de grande ampleur pour l’ensemble de l’économie. La facture des importations de produits pétroliers pourrait être réduite de près de 5 milliards d’euros (-8 %) en 2014 par rapport à 2013 puis de près de 13 milliards en 2015 si le cours du baril de pétrole se stabilisait à hauteur de son niveau de début décembre. Sous cette hypothèse, l’impact en termes de réduction des coûts de production (hors taxes) serait de l’ordre de 0,7 point de PIB en 2015 par rapport à 2013, à volume d’importations inchangé, un impact qui pour certains secteurs comme l’industrie est équivalent à celui du CICE. Sur un autre plan, cette baisse des prix de l’énergie apporte d’ores et déjà un soutien à la trésorerie des entreprises des secteurs les plus fragilisés au cours des derniers trimestres. C’est en particulier le cas des transports et de la construction, deux secteurs gros consommateurs de produits énergétiques.

Un impact positif de l’euro… freiné par le déficit récurrent de compétitivité

De même, la dépréciation de l’euro crée des conditions propices à une stabilisation des parts de marché des exportations françaises. Celles-ci ont toutefois à nouveau reculé courant 2014 y compris en comparaison des exportations effectuées par des économies travaillant avec la même monnaie. Plus que jamais, le défi de la restauration de la compétitivité extérieure reste à relever.

Outre le handicap récurrent de compétitivité, d’autres freins demeurent serrés empêchant un débridage du cycle économique. Ceux-ci tiennent à l’évolution de l’investissement. Après avoir été pénalisées par le recul des dépenses en logement des ménages (14 trimestres consécutifs de recul mais qui pourraient se stabiliser désormais), les dépenses d’investissement pâtiront en 2015 du recul de l’investissement public. La comparaison avec le comportement de ce poste de dépenses en 1996-97 est pertinente : les circonstances en termes de position dans le cycle électoral (élections municipales en 1995), d’une part, et d’enjeu de maîtrise des comptes publics préalables à l’introduction de la monnaie unique, d’autre part, sont en effet comparables à la période actuelle. Les dépenses d’investissement public avaient alors reculé de plus de 8 % en volume par rapport à leur niveau de 1994. C’est un repli d’un ordre de grandeur un peu plus marqué que nous anticipons pour 2015-2016. Il occasionnerait un recul du PIB de l’ordre de 0,4 point en cumul sur les deux exercices.

L’inconnue principale réside dans le comportement de l’investissement des sociétés non financières Celui-ci a reculé durant l’été pour le troisième trimestre consécutif. Interrogés en octobre dernier, les industriels déclaraient anticiper un repli de 3 % de leur budget d’investissement pour l’année 2015 alors que le solde des opinions des chefs d’entreprise de services sur l’évolution prévue de leurs investissements s’affiche à un niveau médiocre sans réelle tendance. Autant d’éléments qui plaident pour la poursuite du recul de l’investissement productif. Pour autant, la progression des encours de crédit à l’investissement des sociétés non financières relevée par la Banque de France  suggère qu’un pont bas de l’investissement aurait été atteint à défaut d’avoir été déjà dépassé.

Rééquilibrage des évolutions de salaires et de productivité ?

La seconde étape de l’introduction du CICE, la réduction des cotisations sociales employeurs et la première étape de la suppression de la C3S décidées dans le cadre du Pacte de Responsabilité, contribueront à améliorer la situation financière des entreprises. Plus fondamentalement, une inconnue clé demeure quant au comportement relatif des salaires et de la productivité. La progression des premiers a franchement dépassé celle de la seconde au cours des deux dernières années. En l’absence prévisible de créations nettes d’emplois au moins dans la première partie de l’année prochaine dans le secteur marchand, un rapprochement probable en 2015 de ces deux évolutions pourrait alors occasionner une petite remontée du taux de marge des sociétés non financières depuis les points bas qu’il affiche encore en dépit de l’introduction du CICE en 2014. Le taux d’autofinancement de l’investissement serait pour sa part encore inférieur à 80 % en 2015. Cette situation occasionnerait une nouvelle hausse du taux d’endettement des sociétés non financières, un mouvement qui apparaît singulier en France par rapport à la plupart des autres économies européennes où le taux d’endettement des sociétés non financières recule.

1 % de gains de pouvoir d’achat du revenu des ménages en 2015

En raison de la quasi-stagnation probable des prix l’an prochain, le ralentissement des salaires nominaux  n’empêcherait pas une progression supérieure à 1 % du salaire réel. La hausse du pouvoir d’achat du revenu des ménages pourrait ainsi dépasser 1 % en 2015, un seuil qui n’a plus été atteint depuis 2010 mais qui ne permet que de stabiliser la progression du revenu par ménage. Cette hausse du revenu soutiendrait la progression des dépenses de consommation des ménages en dépit d’une probable hausse du taux d’épargne des ménages. Celle-ci s’expliquerait par la poursuite de la hausse du taux de chômage en 2015, la croissance probable restant en-deçà du seuil de 1,5 % nécessaire pour permettre des créations nettes d’emplois et absorber l’évolution spontanée de la population active.

Au total, et pour peu qu’une progression de l’investissement productif s’opère effectivement, une prévision de croissance du PIB en France limitée à 0,8 % paraît probable en 2015, un taux d’accroissement qui serait inférieur à celui attendu pour l’ensemble de la zone euro pour la deuxième année consécutive. Le biais associé à cette hypothèse est clairement positif. Il est toutefois bien trop tôt pour déceler un impact effectif de la libération de pouvoir d’achat permis par la baisse du prix du pétrole sur le comportement de dépenses des entreprises comme des ménages.

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