6% de la population mondiale accro à internet : faites-vous partie des 182 millions de personnes incapables de se déconnecter ?<!-- --> | Atlantico.fr
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180 millions de personnes dans le monde souffriraient "d'addiction à internet".
180 millions de personnes dans le monde souffriraient "d'addiction à internet".
©Reuters

Ma dose !

A l'issue d'un long travail de collecte de données dans le monde entier, des chercheurs de l’université de Hong-Kong ont pu établir ce chiffre pour le moins effarant "d'internetomanes".

Michael Stora

Michael Stora

Michael Stora est l'auteur de "Réseaux (a)sociaux ! Découvrez le côté obscur des algorithmes" (2021) aux éditions Larousse. 

Il est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel.

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Dan Véléa

Dan Véléa

Le Docteur Dan Véléa est psychiatre addictologue à Paris.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les addictions, dont Toxicomanie et conduites addictives (Heures-de-France). Avec Michel Hautefeuille, il a co-écrit Les addictions à Internet (Payot) et Les drogues de synthèse (PUF, Que sais-je ?, Paris, 2002).

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(Cet article est une mise à jour d'une publication antérieure).

Atlantico : 180 millions de personnes dans le monde souffriraient "d'addiction à internet". Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Quelles en sont les manifestations au quotidien ?

Dan Véléa : La e-dépendance et le concept de cyberdépendance sont apparus vers le milieu des années 1990. Les premiers écrits sont nord-américains, d'Ivan Goldberg, suivi sen 1996 par mes écrits français. Le concept concernait l’usage abusif et addictif de l’outil Internet par des jeunes étudiants dans le cadre de leurs études, par des joueurs sur ordinateurs, mais aussi dans des groupes de parole (IRC – précurseurs des chats modernes).

L’évolution des outils informatiques s’accompagne par la suite d’une véritable explosion de demandes de consultations. L'e-dépendance apparaît comme une véritable addiction, répondant à tous les critères scientifiques des maladies addictives : focalisation sur un comportement, repli sur soi, désinvestissement d’autres centres d’intérêt.

Michael Stora : Cela ne se traduit pas tant en terme d’heures passées sur les nouvelles technologies qu’en termes de rupture des liens sociaux réels. L’addiction se manifeste par un décrochage de la vie sociale : refus de participer à des repas de famille, moins de sorties en couple, abandon de ses responsabilités de parent... Pour les enfants cela commence par l’absence de présence au repas du soir et cela peut aller jusqu’à la déscolarisation. Les nouvelles technologies mettent la vie sociale au second plan petit à petit.

Il faut faire le distinguo entre les moments excessifs et l’addiction. On peut avoir des périodes, courtes, d’utilisation excessive du numérique, cela ne traduit pas nécessairement une addiction. Les vrais dépendants ont ce comportement sur une longue période qui peut se compter en mois, voire en années.

Qu'est-ce que cette addiction révèle de notre profil psychologique ?

Michael Stora : L’addiction fait partie des pathologies narcissiques, ce sont des pathologies de la confiance ou de l’estime de soi. Internet est un révélateur, un amplificateur et un facilitateur d’une pathologie préexistante. La dépendance aux nouvelles technologies relève d’une dépendance aux autres, qui existe depuis bien longtemps, on la retrouve notamment dans la passion amoureuse. Cela se traduit par des individus qui vont vivre des histoires passionnelles avec quelqu’un sans jamais le rencontrer via des forums, des guildes… Sur Facebook ou les autres réseaux sociaux, on observe une dépendance au nombre de commentaires, de "likes", des tweets… au final c’est une nouvelle fois une dépendance à l’autre.

L’addiction est une lutte anti-dépressive, c’est une manière paradoxale de se soigner. A la base, il y a une problématique dépressive, Internet va être utilisé comme un « Prosac interactif » qui viendrait colmater les blessures. Chacun d'entre nous a des périodes où sa confiance en lui ou en elle peut baisser, après, chez certains sujets c’est plus grave ; ces derniers  vont chercher dans les réseaux sociaux, dans ces mondes virtuels une manière paradoxale de se soigner.

6 % de la population mondiale serait dépendante... Mais avec l'omniprésence du numérique, ne sommes-nous pas tous, dans une certaine mesure, accros aux nouvelles technologies ?

Michael Stora : D’un point de vue psycho-pathologique c’est très compliqué. Il y un an l’Académie de médecine a déclaré que l’addiction virtuelle n’existait pas, mais ce ne sont pas des cliniciens, ils ont reçu très peu de patients. Les cliniciens sont à peu près tous d’accord pour attester de l’existence de l’addiction numérique.

Ce n’est pas tant l’objet en lui-même qui compte : téléphone, tablette, ordinateur... Même si le Smartphone peut être qualifié de doudou sans fil, qui vient palier une angoisse de solitude, une incapacité à être seul. De plus en plus, les gens décrochent des nouvelles technologies car cela ne leur suffit pas. Ils prennent conscience que les amis sur Facebook n’ont pas autant d’écho que dans la réalité. L’objet n’est qu’un médiateur, il n’est pas responsable de l’addiction en elle-même.

L’addiction au numérique sera-t-elle la maladie du XXIème siècle ?

Michael Stora : Ce n’est pas tant l’addiction virtuelle en elle-même que l’addiction seule qui est la maladie du XXIème siècle. Cela révèle une fragilité profonde. La France est un des premiers pays consommateurs de psychotropes au monde. L’internet en soit n’est pas une drogue, il a des pouvoirs addictogènes, mais la plupart des gens ne l’utilisent pas de manière folle au point de rompre tout lien avec ses proches.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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