"Si le plan de sauvetage de l'euro ne relance ni la compétitivité, ni la croissance, nous n'aurons fait que regonfler un pneu crevé"<!-- --> | Atlantico.fr
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Alain Madelin se prononce sur le dernier plan de sauvetage européen. Prudent, il estime que seul le temps permettra de juger de la confiance des marchés.
Alain Madelin se prononce sur le dernier plan de sauvetage européen. Prudent, il estime que seul le temps permettra de juger de la confiance des marchés.
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SOS Euro

Un énième plan de sauvetage de la zone euro est en cours d'élaboration. Au regard des premières fuites sur son contenu, les marchés semblent -provisoirement!- retrouver un peu de sérénité. En quoi ce plan là pourrait-il être enfin le bon ?

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Dans un premier temps, pourriez-vous re-situer ce dernier plan de sauvetage de la zone euro ?

Alain Madelin : Il s’agit de la mise en œuvre de l’accord du mois de juillet, condition nécessaire mais non suffisante pour la résolution de la crise grecque, et plus généralement de la zone euro.

Je souhaiterais au passage m’élever contre ceux qui dénoncent la crise des banques, des spéculateurs, des marchés, ceci n’a aucun sens. La crise actuelle n’a rien à voir avec celle de 2008, il s’agit de la crise d’un système bancaire qui a fait confiance à la parole des Etats pour acheter massivement des obligations qui lui étaient présentées comme les placements les plus sûrs. Au point que des obligations légales ont été créées pour encourager les acteurs financiers à s’en gaver.

Ces dernières étaient d’ailleurs censées être sûres jusqu’encore récemment, puisque les stress test des banques européennes n’envisageaient aucun défaut. Or, l’accord de juillet envisage un défaut volontaire à hauteur de 20%, et maintenant on parle de provisions d’un système bancaire à hauteur de 50%. Il était illusoire de penser que les obligations grecques valaient à peu près les mêmes taux d’intérêt que les obligations allemandes. Une anomalie de marché que la crise s’est chargée de corriger, au risque de mettre en danger la zone euro.

En quoi ce dernier plan se différencie des autres ?

Aujourd’hui, après la vaticination des beaux esprits, nous arrivons à des propositions plus sérieuses. A savoir quatre grands points

Tout d’abord, la mise en œuvre des efforts demandés à la Grèce : là-dessus, Athènes n’a toujours pas licencié ses fonctionnaires mais en a embauché 25 000, pas de privatisation, même s’il y a eu une réduction de salaires et un allongement de la durée de travail. Dans l’ensemble, on reste très loin du compte.

Or, il est peu vraisemblable de demander aux contribuables Français de payer par leurs impôts les impôts que les Grecs ne paient pas ou aux Allemands de payer, par l’allongement du temps de travail, la retraite anticipée des Grecs.

Deuxièmement, le secteur financier (les banques et les assurances) doit prendre une part de la perte sur les obligations grecques. Encore faut-il calculer l’effort demandé, car la dette grecque ne sera pas intégralement remboursée. En juillet, on leur a demandé un accord volontaire sur une perte de 20%, ce ne sera pas suffisant. Mais à trop demander au secteur financier, on risque de le mettre en péril au détriment de l’économie de la zone euro.

Le troisième point, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui pourrait avoir 300 milliards d’euro disponibles en plus de la contribution du FMI. C’est suffisant pour répondre à la crise grecque, mais insuffisant pour aller au-delà. L’idée légitime est de regarder comment cet argent peut être optimisé pour agir en garantie d’un effort financier plus vaste.
Concernant le FESF, et sous réserve bien évidemment de la complexité juridique des traités européens, l'idée est de lui faire jouer un nouveau rôle : reprendre les obligations grecques avec pour optique un effet de levier, afin d'agir en garantie des banques.

Le quatrième point, et le plus important, la marge d'intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE). Jusqu’à l’arrêt de la Cour de Karlsruhe et la démission du juge Stark, je n’avais guère d’inquiétudes sur la zone euro, convaincu que la BCE pourrait agir en dernier ressort pour monétiser des obligations grecques ou allemandes. A ce jour, elle en a monétisé 150 milliards, chiffre qui pourrait augmenter.

Même si les Allemands sont contre cette monétisation, la question reste de savoir si on préfère la monétisation ou l’explosion totale de la zone euro, qui desservirait par ailleurs les Allemands en premier lieu.

La grande question finalement, c’est jusqu’où la BCE peut aller ? La réponse est dans l’interprétation des articles 123 et 125 du traité de l’Union Européenne, dont il faut faire une lecture intelligente, validant l’intervention in fine de la BCE, qui est la meilleure garantie.

Avec une combinaison intelligente de ces quatre ingrédients, la sauce pourrait prendre. Nous pourrions ainsi éviter une crise, qui n’en est pas encore au stade dépressionniste. La partie n’est pas gagnée, mais c’est la seule voie possible.

Combiné avec un effort grec hors pair au niveau du problème de sa compétitivité (baisser le coût du travail, baisser le coût des actifs, libéraliser son économie, et s’ouvrir à la concurrence), avec un effort du secteur financier et avec une intervention intelligente du FESF, ajouté à une intervention de la BCE pas tant sur les obligations grecques -qui devraient être du ressort du FESF et de la mise sous perfusion de la Grèce - que sur le cordon sanitaire à mettre en place autour de l’Italie.

Pourquoi ne pas avoir engagé ce plan de sauvetage plus tôt ?

On a cherché à acheter du temps, et le temps que l’on croyait devant soi était en réalité plus court. La panne de croissance, plus les hésitations politiques sont venues accélérer l’exigence d’un nouveau plan.

Reste que le débat autour de la crise est empoisonné par des thèses qui finalement nuisent plus qu’elles n’aident, le remède est parfois pire que le mal. Ceux qui souhaitent le départ de la Grèce de la zone euro doivent comprendre qu’il n’y a pas de solution pour sortir la Grèce. Nous ne savons pas le faire au regard des traités, l’entrée dans la zone euro est irrévocable. Comment faire rendre aux Grecs les euros qu’ils tiennent contre leur ancienne monnaie ? Cela supposerait un contrôle des banques, des mouvements de capitaux, un scenario politiquement, économiquement et socialement apocalyptique. Aujourd’hui ce n’est pas une réponse.

Deuxième erreur, l’invention d’eurobonds, qui juridiquement n’est pas envisageable sans une modification des traités qui demanderait deux ou trois ans, sans résoudre le problème de la compétitivité de la Grèce, mais qui permettraient toutefois sa mise sous perfusion, comme les Dom Tom le sont au regard de la métropole. Les Flamands ont du mal à payer pour les Wallons, l’Italie du Nord pour le Sud, l’idée d’une pareille transfusion est donc une idée folle, qui se heurterait aux traités européens, mais aussi à la Constitution allemande. Ce n’est donc pas une solution praticable.

Demander aux Allemands ou aux Français de faire un chèque pour solder la crise de la zone euro, cela suppose un gros chèque, une idée difficile… Leur demander de confier leur carnet de chèque à la Grèce, c’est impensable !

En quoi ce dernier plan serait-il plus crédible aux yeux des marchés ?

Ce que les marchés attendent, c’est un plan d’urgence pour résoudre les problèmes d’aujourd’hui, mais ce que les investisseurs attendent, c’est une perspective crédible à long terme pour la Grèce comme pour la France.

L’on attend pas une taxation des sucreries, mais une vision de plus long terme susceptible de résoudre le déficit public autrement qu’en se serrant la ceinture et en augmentant les impôts, mais une véritable politique de compétitivité pour relancer la croissance.

Mais ce dernier plan n’a pas une crédibilité définitive au regard des marchés, il vise dans un premier temps à gagner du temps. Ce n’est toutefois pas scandaleux dans un univers incertain, le temps de mettre l’Italie, l’Irlande et le Portugal sur un meilleur chemin le temps de voir ce qu’il en sera de la croissance dans les autres pays européens, notamment en Allemagne et en France. Si les nouvelles des différents fronts sont bonnes, ce plan sera considéré comme intelligent par les marchés. Si toutefois ce dernier ne relance ni la compétitivité ni la croissance, nous n’aurons fait que regonfler un pneu crevé.

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