Ces gratte-ciel qu’on a tant aimé détester avant qu’ils ne s’imposent comme icônes <!-- --> | Atlantico.fr
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Le One World Trade Center, construit sur les décombres des Twin Towers
Le One World Trade Center, construit sur les décombres des Twin Towers
©Reuters

Monstres des villes

Du One World Trade Center à la tour Triangle, les projets de gratte-ciel sont souvent montrés du doigt pour leur manque d'esthétisme. C'est oublier que la plupart deviennent de véritable icônes urbaines.

Rares sont les grands projets architecturaux qui fassent l'unanimité. Il suffit de revenir un siècle en arrière pour s'en rendre compte. En 1887, le directeur des travaux de l'Exposition universelle de Paris reçoit une lettre acerbe concernant la construction d'un édifice déjà  décrié. Il s'agit de la Tour Eiffel. "Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la beauté jusqu'ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l'art et de l'histoire français menacés, contre l'érection, en plein cœur de notre capitale, de l'inutile et monstrueuse tour Eiffel." La lettre est signée Charles Gounod, Guy de Maupassant, Alexandre Dumas fils…

127 ans plus tard, le débat est toujours aussi vif. Il ne concerne plus la Dame de fer mais, toujours dans Paris, la très controversée tour Triangle. Prévue pour être installée dans le XVème arrondissement, cet édifice de 180 mètres de haut déchaine les passions et le Conseil de Paris devrait mettre un coup d'arrêt définitif au projet. Les raisons de sa fin sont multiples mais sa prétendue laideur est un des plus forts arguments. "Esthétisme et vertige ne se confondent pas toujours : il y a du beau dans des réalisations modestes, et de la laideur, souvent, dans des réalisations prétentieuses" explique ainsi dans le NouvelObs, Patrice Maire, un des opposants au projet. "Une tour ne représente souvent qu’elle-même, sans considération pour ce qui l’entoure."


Le modèle de la tour Triangle

Le débat est universel. Aux Etats-Unis, c'est le One World Trade Center, gigantesque gratte-ciel exhumé de Ground Zero à New York qui attire les critiques. "Opaque et monomaniaque" commente ainsi le New York Times devant ce building haut de 417 mètres (bâtiment le plus haut d'Amérique). "Raccourcie à son pic, ses coins épais à l'opposé de l'immatériel. Rien pour retenir votre regard." Le constat est dur pour ce qui devait être le nouvel emblème des Etats-Unis, appelée dans un premier temps la "Freedom Tower." Et le journal n'est pas le seul à se montrer sévère mais comme le rappelle Quartz, beaucoup de gratte-ciels emblématiques ont été fortement décriés à l'époque de leur construction. A commencer par les Twin Towers. Juste après leur destruction, le magazine Salon résumait les critiques sur ces deux rectangles parallèles :"banales, arrogantes". Si vastes et pauvres qu'elles ressemblaient plus "à la toundra plutôt qu'à une oasis."

Sauf que les Twin Towers étaient les plus hautes tours de New York. Elles symbolisaient la puissance américaine et le fait d'être choisies comme cibles prouve bien ce qu'elles représentaient au niveau mondial : un véritable emblème.

Le constat est similaire pour de nombreux gratte-ciels dans le monde. Le Gherkin de Londres, affectueusement surnommé le "cornichon" a beaucoup fait jaser car il ressemblait aussi à un pénis. La tour Shard, sa voisine, a aussi subi les critiques lors de sa construction entre 2008 et 2012. "Trop grande" tranche le critique d'architecture Jonathan Glancey dans le Telegraph. "Elle fait passer la cathédrale Saint-Paul pour une petite boîte à bijoux du XVIIème siècle".  Ces deux bâtiments font désormais partie du paysage de la City comme deux icones de la capitale britannique.


Le Sharp et le Gherkin

Mais s'il ne devait n'en rester qu'une. Celle qui cristallise les haines sans que l'on ne puisse imaginer une seule seconde sa destruction, c'est bien la tour Montparnasse, installée en plein Paris. Elue deuxième bâtiment le plus laid du monde par un site de tourisme (derrière la mairie de Boston), le gratte-ciel et ses 59 étages est une tâche d'huile au milieu d'un paysage qui dépasse rarement les 10 niveaux.

"Ce qu'on ne lui pardonne pas, c'est son côté verre fumé," explique l'architecte Frédéric Borel dans Télérama. "Le pire, c'est qu'elle est moche" renchérit François Loyer, historien de l'architecture. "Les architectes n'ont mis dans leur projet aucune rigueur formelle, aucune autre ambition que de monter haut et de caser le maximum de mètres carrés de bureaux."

Pourtant, elle rassemble un million de visiteurs par an pour sa vue exceptionnelle et les Parisiens adorent détester cette construction emblématique des années 1970. "Son problème, c'est sa solitude. Je la verrais bien flanquée d'une grande sœur qui grimperait à plus de 300 mètres" souligne, toujours dans Télérama, Dominique Perrault, l'architecte de la bibliothèque François-Mitterrand.


La tour Montparnasse

Entre amour et haine, c'est le dilemme des tours. L'équilibre entre les aspirations des architectes et les goûts du public qui évoluent. Si la tour Triangle était construite, probablement passerait-elle de la détestation à l'indifférence et enfin à l'emblématique. "La laideur ne dérange personne et la beauté choque" résume le cinéaste Jean-Pierre Jeunet dans 20 minutes. "J’appelle ça le syndrome de la Pyramide du Louvre et des chiottes Decaux. La pyramide du Louvre, en verre, ça ne peut pas être plus beau et ça avait fait tout un scandale. Les chiottes Decaux, c’était des horreurs, mais je n'ai jamais lu une critique négative." De quoi remonter le moral de tous ces gratte-ciels honnis.

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