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Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le front républicain ne servait à rien.
Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le front républicain ne servait à rien.
©Pascal Rossignol / Reuters

Renversement des tendances

Dans une interview au Monde Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le front républicain ne servait à rien et a appelé à voter blanc au deuxième tour de la législative partielle dans l'Aube qui oppose UMP et FN. Dans la dynamique actuelle, pareille configuration pourrait profiter à la droite aux régionales et aux départementales, au détriment quasi systématique du PS. Notamment au regard des triangulaires passées où le FN a pu se maintenir.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quels effets en termes de résultats électoraux peut-on attendre de la disparition du front républicain ?

Christophe bouillaud : En l’occurrence, pour la législative partielle de l’Aube, c’est sans doute à une très faible participation à laquelle on peut s’attendre. Même avec l’appel de Jean-Luc Mélenchon, l’électeur de la gauche critique n’aura sans doute pas envie d’aller faire l’effort de voter blanc, et celui du PS se demandera si cela en vaut vraiment la peine.

Jérôme Fourquet : Mélenchon souhaite profiter du fait que le PS ait un genoux à terre (c'est ce que démontre la partielle de l'Aube) pour engager le rapprochement et le regroupement jusqu'à l'échelle locale avec les Verts et le PC. Cela donnerait naissance selon ses voeux au plus grand parti de gauche.

Intéressant, ses déclarations sur l'Allemagne ou sa prise d'initiative contre le travail le dimanche pour rallier le PC. Il appelle par exemple à la méfiance sur le FN en Allier, qui compte un électorat communiste plus vivace et où pourtant le FN ne fait pas ses meilleurs scores. Pourquoi fait-il cela ? Pour se rapprocher du PC. Il tend la main au PC d'un côté tout en leur signalant qu'un retour d'ascenseur serait bienvenu.

Sur la question du rejet du front républicain, cela n'engage que lui et rien n'indique que son électorat suivra. En tout cas, cela n'engagera certainement pas le PS.

A quelles formations politiques le front républicain a-t-il le plus profité par le passé que ce soit dans une configuration FN-UMP ou FN-PS  ?

Jérôme Fourquet : Aux dernières cantonales, les cas d'école nous permmettent de souligner la vraie dynamique dont le FN a bénéficié durant l'entre-deux tours. Le FN a pu franchir seul la barre des 50 % des suffrages exprimés alors que les deux victoires obtenues aux législatives l’ont été dans le cadre de triangulaires sans que Gilbert Collard ou Marion Maréchal Le Pen n’aient atteint le seuil de 50 % (voir plus de chiffres ici) . Aussi étonnant que cela puisse paraître, il progressait autant en point face à la gauche que face à la droite. Et ce même si les logiques n'étaient pas les mêmes.

Dans le cas de figure PS-FN, il progresse sans surprise puisqu'une partie de l'électorat de droite se rabat mécaniquement pour le FN contre le PS. Dans l'autre cas de figure FN-UMP, la progression est la même. 

Dans le cas du Lot-et-Garonne, la forte abstention fait que le corps électoral change entre le 1er et le 2eme tour. Par exemple, toute une frange de l'électorat de gauche dont les candidats ont été éléminés au premier tour se retire du jeu. Une partie qui vote UMP par front républicain, l'autre qui vote FN. Inversement, de nouveaux électeurs rentrent au second tour. Dans l'Oise par exemple, plus l'afflux de nouveaux électeurs est important plus la progression du FN l'est également. Comme si une partie de l'électorat frontiste ne se mobilisait qu'au second tour. 

Un certain nombre d'exemples montrent que le FN progresse énormément dans l'entre deux tours et rate d'assez peu la victoire (Oise par exemple). Même si le front républicain est moins efficace qu'avant sur le plan électoral, il continue de permettre à la droite quand la gauche est faible de l'emporter.

Pour résumer, le front républicain continue d'être un verrou et un obstacle important pour le Front. Une partie de l'électorat de gauche n'hésite plus à voter Front national au second tour. Et enfin, un autre dégât de ce front républicain à long terme : il est la meilleure incarnation de l'UMPS et sert le discours du Front. Jean-Luc Mélenchon le sait !

Christophe bouillaud : Il serait plus simple de dire à qui cela aura le plus nui, à savoir au FN. En effet, au-delà des appels des appareils partisans du PS et de l’UMP, il s’est toujours trouvé une majorité d’électeurs pour lui faire barrage dans presque toutes les élections majoritaires uninominales à deux tours en votant pour le candidat modéré restant en lice.

Le FN n’a eu après tout que deux députés en 2012 en raison de ce phénomène. Pour le reste, il me semble que les gains ont plutôt été répartis également entre l’UMP et le PS et leurs alliés respectifs. Pour des questions de position, leurs électorats étant contigus, c’est cependant l’UMP qui en a le plus profité ces derniers temps.     

En cas de triangulaires, dans quelles proportions le front républicain encourageait-il au désistement pour le candidat le mieux placé ? A droite comme à gauche ?

Christophe bouillaud : En fait, quand il y avait des triangulaires, les rapports de force entre les grands camps ne bougeaient guère par rapport au premier tour : chaque camp (droite, gauche, extrême droite) rassemblait surtout les siens.

Les électeurs ne sont pas si stratèges que cela dans ce genre de circonstances, et cela d’autant moins que, si le FN était capable d’accéder au second tour,  il était souvent largement hors d’état de gagner faute de réserves de voix très importantes. 

La mort du front républicain constitue-t-elle un risque plus grand pour la gauche ?

Christophe bouillaud : Il me semble que oui, surtout pour un PS extrêmement impopulaire comme aujourd’hui. Il sera très difficile aux dirigeants de la droite et du centre d’appeler leurs électeurs exaspérés par F. Hollande à sauver des élus PS en difficulté lors des prochaines élections départementales /cantonales.

L’enjeu national de ces élections est en effet plutôt mineur vu que les départements sont censés disparaître ou presque d’ici peu, donc les états-majors de droite et du centre seront tentés de laisser faire la nature et de favoriser le déboulonnement des élus de la gauche par ceux de l’extrême droite.

Jérôme Fourquet : Le cas des régionales est particulier, la gauche est sortante sur 21 régions sur 22. Désormais, il n'y en aura plus que 13. Elle risque de se retrouver 3ème dans de nombreux, mais il est peu probable qu'elle se retire.

Imaginons qu'en PACA le FN arrive en tête, que le PS ne soit qu'à 14%. Trois options, soit ils se maintiennent, soit ils fusionnent avec l'UMP mais cela est peu probable, soit ils se font hara kiri. Ce dernier cas de figure signifierait qu'ils n'auraient aucun conseillers régionaux pendant la prochaine mandature. Cela est très peu probable.

Le seuil pour figurer au second tour des cantonales a été relevé à 12,5% en 2011. Conjuguée à l'absence de front républicain, quelles conséquences pour le scrutin de 2015 UMP et PS peuvent-ils attendre de cette nouvelle règle ?

Christophe bouillaud :Dans un contexte de faible participation à attendre et de division probable des forces de gauche, cette règle des 12,5% est plutôt inquiétante pour le PS. Si les électeurs se sentent aussi proches du PS lors des élections cantonales / départementales qu’ils l’ont été lors de toutes les élections législatives partielles depuis 2012 – euphémisme !-, il va y avoir des dégâts.

Heureusement pour le PS, son implantation locale est quand même sans commune mesure avec celle du FN. L’ « effet sortant », surtout dans les territoires ruraux, malgré le redécoupage des circonscriptions, devrait l’aider à faire bonne figure. Du côté de l’UMP et de son allié l’UDI, il n’y a pas grand-chose à craindre, et ne pas appeler au front républicain, c’est une bonne occasion d’affaiblir le PS qui a déjà le genou à terre. 

Jérôme Fourquet : Pour les prochaines élections, le front républicain ne peut être dangereux pour la gauche que si elle est présente au second tour. Encore  le faut-il ! Peu importe que la gauche joue ou non le front républicain, si leur candidat est éléminé au premier tour. Si ces consignes sont appliquées, cela ne changera pas définitivement la dynamique. Une part assez large ira voter pour la droite, que le candidat donne des consignes ou non (l'impact est faible), même si cela marche moins bien qu'avant. 

Dans l'OIse et le Lot-et-Garonne, les candidats UMP étaient très droitiers. Ce qui a bloqué un peu le front républicain. Mais attention, cela dépend donc aussi de la situation locale et du visage politique du candidat UMP. 

Le front républicain allait davantage de soi dans les années 90 avec Chirac au RPR qu'en 2010 avec Sarkozy et l'UMP. L'époque a changé. Le PS peut d'ailleurs le pointer du doigt ce rapprochement.

Dans l'Oise, le candidat UMP au dernières cantonales passe à 51% seulement. A Villeneuve, l'essentielle de l'avance du candidat UMP proviennent des cantons dont il est Maire et Conseiller général. L'UMP se sauve la mise par l'implantation de ses candidats et un apport de l'électorat de gauche qui continue de faire le front républicain.

Jean-Luc Mélenchon a en outre rejeté toute alliance avec le PS pour les cantonales et régionales. Un facteur de risque supplémentaire pour les socialistes ou une menace en l'air (le PCF suivrait-il) ?

Christophe bouillaud : On sent bien qu’il existe une tentation de regroupement des forces à la gauche du PS à l’occasion de ces cantonales /départementales. Le réseau d’élus locaux traditionnels du PCF constitue sans doute une difficulté dans ce cadre. Mais, si cela avait lieu, ne serait-ce que sur une base strictement locale, cela ajouterait encore aux difficultés du PS.

Pour avoir la certitude d’être au second tour dans un contexte aussi défavorable à la gauche, il ne faut pas que la gauche se divise. Si en plus, le regroupement se fait à la gauche du PS en l’excluant, on risque d’avoir à la fois le PS en chute libre et les autres partis de gauche trop faibles encore même rassemblés pour passer la barre.

Toutes les élections législatives partielles depuis 2012, tout comme les européennes de juin 2014, ont montré qu’il n’existe pas de grande dynamique électorale à la gauche du PS – simplement une résistance. Ce qui se passe à sa gauche constitue donc un facteur de risque supplémentaire pour le PS, parce que le sentiment d’avoir été floué (encore une fois certes) par F. Hollande et le PS est très fort dans ce segment (minoritaire) de l’opinion publique.

Jérôme Fourquet : Le cas des régionales est particulier, la gauche est sortante sur 21 régions sur 22. Désormais, il n'y en aura plus que 13. Elle risuqe de se retrouver 3ème dans de nombreux, mais il est peu probable qu'elle se retire.

Imaginons qu'en PACA le FN arrive en tête, que le PS ne soit qu'à 14%. Trois options, soit ils se maintiennent, soit ils fusionnent avec l'UMP mais cela est peu probable, soit ils se font hara kiri. Ce dernier cas de figure signifierait qu'ils n'auraient aucun conseillers régionaux pendant la prochaine mandature. Cela est très peu probable.

Dans le cas d'éventuelles législatives anticipées, à quelle hauteur le FN pourrait-il profiter de l'absence de front républicain ? Et au détriment de qui ?

Christophe bouillaud : En cas d’élections législatives anticipées, les choix des dirigeants de l’UMP et de l’UDI seraient sans doute différents que pour des cantonales. Autant il peut être payant d’affaiblir le pouvoir local du PS en 2015, autant il n’est peut-être pas raisonnable d’aider le FN à avoir un vaste groupe parlementaire lors de législatives. Du côté de Jean-Luc Mélenchon, on observerait peut-être un revirement semblable.

Le PS réussirait sans doute à sauver ses sièges dans l’hypothèse où il serait opposé au FN au second tour. Quant à l’alliance UMP/UDI, je ne suis pas sûr qu’elle soit très gênée par l’absence d’appel au front républicain en faveur de ses candidats restés seul en face d’un candidat FN. En effet, en cas de législatives anticipées, l’écart en siège du vainqueur risque d’être tel qu’il n’aura pas besoin de transiger avec le PS. Je parierai plutôt que l’UMP-UDI viendra au secours de ce qui restera du PS, plutôt qu’il ne l’appellera à son secours, préférant ne rien lui devoir.

François Hollande fait le pari qu'il sera face à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. Sans front républicain, la victoire lui serait-elle acquise ? Et dans le cas d'un duel UMP-FN, Que pourrait-il se passer ?

Christophe bouillaud : Nous sommes là dans la politique-fiction. 2017 est une année très lointaine à mon avis. Mais si l’on fait ici œuvre d’absence d’imagination en faisant mine de croire que rien n’aura changé de fondamental d’ici là, un François Hollande, qui aurait réussi à figurer au second tour face à une Marine Le Pen, passerait sans doute la barre.

Il aurait en effet sans doute réussi l’exploit préalable de redevenir un « président normal », ce qu’il n’est plus du tout à ce jour (moins de 15% de popularité tout de même), avec une popularité raisonnable auprès des Français. Le scénario réel risque d’être moins rose pour lui.

De même dans le cas d’un duel entre le candidat soutenu par l’UMP et M. Le Pen, le premier garderait sans doute l’ascendant, mais avec probablement un niveau d’abstention inédit dans le cadre d’un second tour d’élection présidentielle. L’abstention à gauche serait d’autant plus importante que le candidat de droite apparaîtrait lui-même comme plus droitier et plus proche des thèses du FN, pourquoi un électeur de gauche irait-il choisir entre une Marine Le Pen et l’incarnation de la « ligne Buisson » ?

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