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Ce qu’il y a de chinois chez Zemmour…
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Une tribune de Chenva Tieu.

Chenva Tieu

Chenva Tieu

Chenva Tieu est secrétaire national de l'UMP et candidat à la primaire pour la mairie de Paris. Il est entrepreneur dans les services financiers et fondateur de la société de production Online Productions.

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J’ai récemment commis une imprudence, en ces temps de "Zemmour-mania", qui affole les librairies, balaie de son vent mauvais les plateaux de télévision et flatte la nostalgie artificielle des lecteurs assidus de Valeurs Actuelles : j’ai osé dire de mon amie Fleur Pellerin, lors d’un reportage de Canal Plus, entre autres choses, qu’elle était une "banane". Blanche à l’intérieur et jaune à l’extérieur. Affolement. Clameur. Indignation. Je serais un "communautariste", c’est-à-dire quelqu’un qui diviserait, opposerait les personnes de cultures différentes, bref remettrait en cause le vivre-ensemble républicain.

Lors de ce reportage, je me projette des années en arrière, quand je fais sa connaissance. Lorsque je lui propose de rejoindre le Club XXIème Siècle. Il fallut lui expliquer que la diversité n’a rien de communautariste. Etant de culture à la fois chinoise et française, je crois au dialogue entre les civilisations, à la richesse des spécificités, à la rencontre des idées qui nourrissent d’abord l’individu, ensuite le débat public. Le concept de diversité serait en effet bien médiocre s’il s’arrêtait à celui de "diversité visible" qui met au grand jour une égalité des chances en panne, alors que c’est une condition essentielle du contrat social.

Se faire donc traiter de "communautariste" par Zemmour me fait repenser à cette élite chinoise du XVIIème siècle qui a entrainé la Chine dans le déclin. La "zemmourisation" des esprits a effectivement quelques aspects chinois. J’en distinguerai trois.

Tout d’abord le zèle. La Chine a été colonisée deux fois dans son histoire multi-millénaire. A chaque fois, les étrangers envahisseurs sont devenus "plus chinois que les Chinois" : c’était pour eux un acte d’identité, un précurseur du syndrome de Stockholm. Grâce à cette conversion, la Chine connaît son apogée au XVIIème siècle, avec à sa tête une dynastie non chinoise. Mais les zèles confucianistes sont aussi le point de départ de la décadence chinoise. C’est le syndrome du converti récent : plus confucianiste que moi, tu meurs ! Cette décadence se traduit par plusieurs signes désastreux. Les confucianistes ne veulent pas toucher  au "cycle éternel des saisons" : la Chine rate la révolution industrielle. Les confucianistes de circonstance sont abusivement autoritaires : ils vont bientôt être rejetés par les Chinois... de souche ! L’avènement de la République de Chine en 1921 est un suicide civilisationnel qui marque la fin de deux millénaires de confucianisme.

En deuxième lieu, c’est l’assimilationisme ethnocentrique. Il conduit la société à l’uniformisation, au cloisonnement, au moralisme, à la diabolisation permanente : le terreau chinois, marqué par le fixisme et la peur, devient aride et infertile. C’est ainsi que les Chinois, écrasés par la chape de plomb de l’uniformité monotone et triste, comme seul horizon indépassable, prennent les armes les uns contre les autres : après avoir été signataire du Traité de Versailles aux côté des Alliés, c’est de nouveau une guerre civile qui s’achève par l’affrontement entre les Républicains et les Communistes. La République Populaire de Chine, en 1949 sera l’accouchement difficile de ces années terribles.

En dernier lieu, c’est le jeu de rôle pour enfumer les esprits - un "ying et yang" entre populaire et populiste : un double effet qui ne procure pas le "KissCool" du "Demain, ce sera mieux" mais un "SmashScare" du "Hier, c’était mieux". La taffe d’opium du zélé templier de la foi jacobine où rien ne bouge, rien ne dépasse, tout est semblable, tout s’assemble et se ressemble.

Alors, Zemmour, visionnaire ou Cassandre ? Commençons par lui donner raison. A tout seigneur, tout honneur ! Oui, la France  est plongée dans un marasme : nous sommes incapables de retrouver la croissance malgré le dopage massif aux déficits. Oui, le Suicide Français prouve qu’une peur identitaire est ressentie dans le pays, surtout dans la France périphérique, de la part de personnes apeurées par la mondialisation. Oui, le contrat social tend à se déliter dans une atmosphère de décadence marquée par la banalisation de la violence.

Cependant, n’oublions pas ce que représente fondamentalement Eric Zemmour : c’est un marchand de peur, manipulateur et manipulé du consumérisme, obnubilé par l’effroi qu’il a d’être né à la mauvaise époque, et qui révise nos réalités avec une narration d’un mauvais roman noir. Il a en lui le zèle d’un français "off-shore", déconnecté d’un fait majeur : la France a toujours été une terre de tolérance, de mélange des cultures, de diversités qui font sa richesse. Bref, Zemmour est le nouveau politiquement correct, qui tend à nous faire penser que quoi qu’il arrive, c’était mieux avant, quand tout était carré, lissé, que rien ne dépassait. C’est le Paco Rabanne de la bien-pensance, version 3.0 !

Assumons que faire tenir ensemble la diversité dans une unité est l'une des choses les plus difficiles qui soient, et que la a force de notre modèle n’est pas l’intégration mais l’inclusion ! La force, c’est de faire des français de toutes origines des Français qui porteront haut les valeurs universelles de la France. La force, c’est enfin d’admettre en son sein, comme ses filles et ses fils, les Français nés en France mais issus de l’immigration qu’il est dangereux de tenir aux lisières de tout.

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