25 génériques interdits par l’autorité française du médicament : vous en avez certainement dans vos placards mais personne ne vous le dira<!-- --> | Atlantico.fr
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25 génériques sont interdits par l’autorité française du médicament.
25 génériques sont interdits par l’autorité française du médicament.
©Reuters

Omerta ou inconscience

Mardi 9 décembre, l'Agence nationale de sécurité du médicament a décidé de suspendre l'autorisation de mise sur le marché de 25 génériques fabriqués en Inde. Et la conclusion du rapport indiquant "un manque de respect des bonnes pratiques cliniques" n'aura pas suffit à décider les pouvoirs publics d'en informer ceux qui les consomment toujours...

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris est médecin généraliste.

Enseignant à Paris, il participe à de nombreuses émissions de radio et de télévision sur les questions de santé. Il est l'auteur de plusieurs livres médicaux dont "Santé : la démolition programmée", aux Editions du Cherche Midi.

Il a écrit  "Médicaments génériques, la grande arnaque" aux Editions du Moment.

Son dernier livre s'intitule "La fabrique des malades" aux Editions du cherche midi.

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Atlantico : L'Agence Nationale de sécurité du Médicament a suspendu les autorisations de la vente en pharmacie de 25 médicaments génériques fabriqués par la société indienne GVK Bio. Quelles sont les raisons précises de cette série de suspensions ?

Sauveur Boukris : Pour qu'un médicament ait une autorisation de mise sur le marché, il doit au préalable faire des tests de bioéquivalence, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer que la concentration du principe actif soit la même que celle du médicament original. Ces tests vérifient également la technique de fabrication et l'origine des matières premières. Lorsqu'on avale un médicament, celui-ci passe dans l'œsophage, le foie, puis est éliminé dans les urines. Il passe par différentes étapes du métabolisme, de l'absorption à l'élimination en passant par la diffusion. Et ce test de bioéquivalence mesure donc le taux de molécules pour chacun des passages du médicament dans l'organisme.

Au cas d'espèce, une société privée d'expertise a constaté lors de son enquête qu'il y avait des différences de bioéquivalence par rapport aux médicaments originaux. Le médicament n'a alors plus le même effet thérapeutique, et son efficacité peut en être altérée. Car le médicament générique n'a pas la même équivalence biochimique et thérapeutique que le médicament original.

Le laboratoire indien Ranbaxy, un autre que celui dont il est question ici, a déjà été condamné il y a quelques années par la FDA (l'équivalent de l'autorité française aux États-Unis) à causes de falsifications dans les tests de contrôle et de fiabilité des génériques. Ce qui arrive aujourd'hui est la "face immergé de l'iceberg". Quand ces usines, surtout celles à bas coût, ne respectent pas le cahier des charges de traçabilité et de faisabilité, ce sont les malades qui en subissent les conséquences.

Ces génériques présentent-ils des dangers pour les malades ?

Pour des maladies bénignes ou des médicaments pris sur une courte durée par des personnes saines, en bonne santé, cela ne présente pas de problème. J'en prescris moi-même. Mais pour des patients hyper-tendus, âgées, ayant une fonction rénale altérée ou prenant plusieurs médicaments, il y a un risque d'insuffisance d'efficacité. Avec un mauvais traitement, ils se trouvent exposés à des risques de complications. Pour l'hypertension artérielle par exemple, qui est une maladie chronique nécessitant un traitement à vie, si on donne un médicament qui ne donne pas une tension artérielle stable et constante, et qui entraine des variations de tension, on expose le malade à des risques de complications vasculaires, et d'insuffisance cardiaque. La différence n'est pas visible immédiatement mais les complications peuvent survenir plusieurs années plus tard. 

Pour quelle raison dans ce cas l'Agence Nationale de sécurité du Médicament n'a-t-elle pas rappelé les médicaments ? 

Les médicaments seront retirés du marché dès le 18 décembre et je pense que le taux de patients ayant pris ces médicaments est relativement faible. Mais, et c'est là tout le problème, si on fait sortir les médicaments, on pointe du doigt leur dangerosité et, au-delà, on remet en doute toute la stratégie en faveur des médicaments génériques soit, celle du gouvernement et des autorités de santé qui y ont toujours été favorables. Retirer du marché ces médicaments, dont les experts eux même disent qu'ils sont identiques aux molécules originales, est en plus contre-productif. Il y a donc une volonté des autorités de minimiser les risques pour continuer à vendre les médicaments.

Mais le patient français a du bon sens. C'est lui qui nous a fait prendre conscience que ce n'est pas la même chose. Les pouvoirs publics ont imposé le générique par des campagnes de promotion, par le système du tiers-payant, par des incitations auprès des pharmaciens et des obligations de substitutions. C'est donc toute une pratique de mise en œuvre de la politique du générique qui montre aujourd'hui ses limites.

L'autorité française du médicament veut attirer l'attention et se protéger contre une éventuelle critique extérieure. Mais elle ne veut pas céder à la panique car cela mettrait en cause la politique du générique dans sa globalité. Dans le cas de complications de santé qui peuvent survenir à moyen ou long terme, il sera en effet difficile voire impossible d'en imputer la responsabilité au médicament défaillant.

Dans quels cas peut-on prendre des génériques sans risque et dans lesquels est-ce plus dangereux ?

On peut donner des génériques à des personnes jeunes, plus ou moins en bonne santé, pour des maladies bénignes avec un traitement de courte durée (douleur à l'estomac, crampe, gastrique, diarrhée). Dans ce cas, prendre un générique plutôt que la molécule originale va peut-être prolonger de quelques jours le rétablissement, mais on arrivera au même résultat.

Par contre, si on est âgé de plus de 70 ans et atteint d'une maladie chronique  qui nécessite une prise de médicaments pendant 10, 20 ou 30 ans, il est certain qu'il faut plutôt prendre la molécule originale.

Enfin, si le malade prend le générique et se trouve bien stabilisé et sans effets secondaires, il doit garder toujours la même marque de générique. Car en prenant un autre médicament, on aura plus la même molécule, le même excipient, ou la même concentration. Changer de marque peut entrainer une efficacité inférieure ou une moins bonne tolérance.

Le générique est une politique purement économique, les raisons médicales n'ont pas prévalu lors de leur mise en place. On veut faire des économies sur la sécurité sociale, la santé et on se sert d'arguments scientifiques. Mais lorsqu'on est gravement malade, on ne peut pas se permettre de prendre des médicaments pour lesquels on aurait des doutes en matière d'efficacité. Il fallait faire de la pédagogie et, au lieu de ça, on a imposé le générique.

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