Vous avez payé votre billet d’avion deux fois plus cher que la personne assise à côté de vous mais c’est pour le bien économique de tous<!-- --> | Atlantico.fr
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A l'approche des vacances, la recherche du meilleur tarif pour un billet d'avion peut se révéler un véritable casse-tête.
A l'approche des vacances, la recherche du meilleur tarif pour un billet d'avion peut se révéler un véritable casse-tête.
©Reuters

L'égalité devant le prix

A l'approche des vacances, la recherche du meilleur tarif pour un billet d'avion peut se révéler un véritable casse-tête. Nationalité du voyageur, pouvoir d'achat, destination... La multitude de critères qui influent sur les prix permettent néanmoins de s'adapter à chacun des clients, de remplir les avions, et in fine de proposer des tarifs moins chers à l'ensemble des passagers. Dans certains cas, il peut même sauver des vies.

Xavier Tytelman

Xavier Tytelman

Formateur en aéronautique, spécialiste de la sécurité aérienne et président du Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr), Xavier Tytelman est également chargé d'étude Veille Analyse Anticipation au profit du Bureau Opérations et Gestion Interministérielle des Crises (Ministère de l'Intérieur / DGSCGC).
 
 
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Atlantico : Tous les passagers d’un vol ne payent pas le même prix, comme nous l’exposions dans un précédent article (voir ici). Les coûts pour les compagnies aériennes étant fixes, quel intérêt trouvent-elles à ne pas faire payer le même prix à tous les passagers ?

Xavier Tytelman : Le premier objectif d'une compagnie aérienne est de remplir ses avions tout en limitant la quantité de places bradées. Il est donc important pour elle de déterminer quel type de profile va accepter de payer davantage, ou plutôt quels passagers risque de passer à la concurrence si on leur propose des billets trop onéreux. A titre d'exemple :

- Les passagers favorisent leur compagnie nationale, et celle-ci leur vend donc les billets plus chers. Si vous cherchez un Perpignan - Singapour ou un Barcelone - Singapour avec Air France via Paris, vous verrez que le vol depuis l'Espagne pourra être jusqu'à 200€ moins cher, alors que le trajet Paris - Singapour est parfaitement identique.

- Les passagers favorisent les vols directs à ceux comportant des escales. Une personne habitant Strasbourg et souhaitant se rendre au Pérou devra toujours faire une escale, que le trajet soit réalisé avec Air France ou une autre compagnie. Air France se trouve alors en concurrence avec toutes les compagnies pouvant offrir un vol depuis Strasbourg, comme la compagnie espagnole Iberia... il arrive alors qu'Air France offre le Strasbourg - Paris - Lima à un tarif inférieur à ce que les parisiens pourront obtenir pour le Paris - Lima direct !

- Les professionnels vont payer leurs billets bien plus chers que les étudiants, même s'ils se trouvent dans le même avion... identifier le pouvoir d'achat des voyageurs potentiels permet bel et bien d'adapter le tarif proposé.

Grâce à ces différentes pratiques, les transporteurs arrivent à maximiser leurs revenus. Mais imaginons maintenant un avion dans lequel toutes les places seraient à un tarif invariable. Si le coût de la mise en œuvre d'un avion moyen courrier de 100 places pour un trajet d'une heure est d'environ 30 000€ (incluant pétrole, salaires, maintenance, taxes d'aéroports...) et que la compagnie souhaite réaliser une marge de 2000€, elle pourrait théoriquement vendre toutes les places à 320€. Sauf qu'à ce tarif, l'avion ne serait même pas à moitié rempli... A l'inverse, si un billet à 320€ rebute de nombreux voyageurs individuels, les sociétés qui font voyager leurs cadres seraient certainement prêtes à dépenser jusqu'à 800€ pour le trajet. Si une vingtaine de voyageurs d'affaire payent 800€ pour leur trajet, alors les 80 places restantes pourraient être vendues à seulement 200€, un tarif qui leur permettra d'être écoulées bien plus facilement tout en assurant le chiffre d'affaire de 32 000€ souhaité par le transporteur. L'objectif pour la compagnie aérienne est de cibler chaque voyageur pour lui proposer un tarif adapté, mais aussi de lisser la demande en attirant les voyageurs les plus flexibles sur des avions moins remplis, ce qui accroit au final la demande et le nombre de passagers transportés.

Même si un étudiant ne paiera pas le même prix qu’un businessman pour un même vol, achètent-ils vraiment la même chose ?

Bien évidemment, les billets vendus à des tarifs pouvant varier de 1 à 5 n'offrent pas les mêmes services, mais les questions de flexibilité du vol ou de confort sont secondaires pour un étudiant qui souhaite avant tout passer un week-end dans une capitale européenne et s'y prépare plusieurs mois à l'avance.

Puisque toutes les places des avions décollant les vendredis et dimanches soirs vont être vendues, le coût moyen du billet pourrait être plus faible. Mais à l'inverse, la compagnie va augmenter le coût de ces avions très demandés pour inviter les voyageurs à remplir les avions précédents et suivants. L'étudiant qui vient faire la fête et souhaite limiter ses dépenses de transport est facile à identifier : il souhaite avant tout passer la soirée du samedi à destination, dusse-t-il y atterrir le vendredi soir à minuit. ce système est donc très avantageux pour les jeunes sans le sou.

Si les compagnies aériennes ne pratiquaient pas cette différenciation de prix, peut-on supposer que les voyageurs seraient beaucoup plus nombreux à se tourner vers des moyens de transport alternatifs, dussent-ils prendre plus de temps ?

Si l'on reprend l'exemple précédent, un tarif unique à 320€ pour le billet d'avion pousserait une grande proportion d'étudiants à ne pas voyager ou à préférer des modes de transports alternatifs comme le train, la voiture, le bus ou le bateau...

Vous soulevez la question du temps qui est en effet cruciale, mais elle n'est pas la seule. Il ne faut pas uniquement considérer l'avion comme un moyen de transport rapide et souvent moins cher que les autres : sa fiabilité extrême sauve des vies ! Certains pays ont compris l'intérêt qui existe à favoriser son utilisation au détriment de la voiture. Il y a quelques années, les pouvoirs publics américains ont fait pression sur les compagnies aériennes pour qu'elles n'exigent pas que les enfants de moins de 2 ans soient obligés d'occuper un siège et donc de payer un billet. Cette pratique aurait détourné des voyageurs de l'avion au profit de la voiture, provoquant plus d'accidents de la route et donc de morts... Maintenir des tarifs faibles sur certaines catégories de populations, ici les familles, est au final une façon de sauver des vies du point de vue d'un Etat ! Clairement, le maintien de tarifs avantageux en avion permet d'éviter l'utilisation de moyens de transports alternatifs, qu'il s'agisse de gagner du temps ou sauver des vies.

Au final, qu’est-ce qui permet de dire que la variation des prix sur un même vol profite à tout le monde, autant aux voyageurs qu'à la compagnie ?

On l'a vu, les étudiants et les familles peuvent se voir proposer des billets attractifs pour différentes raisons, et cela se déroule au détriment des voyageurs professionnels d'un point de vue financier.

Mais le businessman y trouvera également son compte. En incitant des voyageurs à bas coût à utiliser des horaires peu demandés, comme le fait de rentrer d'un week-end le lundi matin très tôt à bas tarif plutôt que le dimanche soir, les compagnies peuvent offrir au professionnel le choix de voyager le lundi matin en ayant profité de sa famille jusqu'au dimanche soir. Sans les étudiants fauchés qui remplissent son avions avec des billets 5 fois moins chers que le sien, ce créneau horaire n'existerait probablement pas et le professionnel devrait partir le dimanche soir... Je n'irai pas jusqu'à dire que les compagnies jouent les Robin des Bois avec ces pratiques, mais il est clair que chacun y trouve son compte : plus de flexibilité et d'avions disponibles pour les professionnels, des tarifs plus avantageux pour tous les autres.

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