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Karachi et Hortefeux : comment les journalistes peuvent-ils croire que si une information n'émane pas d'eux, elle n'existe pour personne d'autre...?
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Polichinelle

Le secret de l'instruction est une illusion dans les affaires médiatico-politiques et se heurte systématiquement au droit à l'information

Jérémie Assous

Jérémie Assous

Jérémie Assous est avocat.

Inscrit au barreau de Paris, il s'est fait connaître pour avoir obtenu la requalification du contrat de participation des candidats à ces émissions, en véritable contrat de travail. Il a également défendu, avec Maître Thierry Lévy, Julien Coupat et le "groupe de Tarnac".

Voir la bio »

Atlantico : Royal et  la gauche s'étonnent que l’Élysée ait affirmé dans un communiqué que le nom de Sarkozy ne figurait pas dans le dossier de l’affaire Karachi. Est-il choquant que l’Élysée ait accès à l’instruction ?

Jérémie Assous : Le parquet n’étant pas indépendant et subordonné au ministre de la Justice, il se doit d’informer de l’avancement des dossiers si la chancellerie le lui demande, comme un avocat vis-à-vis de ses clients.

Il n’y a donc rien de choquant – si cette information venait à être confirmée - à ce que la chancellerie use de ses prérogatives.

Ce qui est stupéfiant - en revanche - c’est l’existence même de ce communiqué.   

La publication de conversations téléphoniques d'Hortefeux avec Gaubert, mis en examen dans le cadre de l'enquête sur le financement de la campagne Balladur en 1995, est-ce un viol du secret de l’instruction ?

C’est une violation comme il en existe toujours dans les dossiers médiatisés.

Cependant, celle-ci a deux particularités :

  • L’extrême célérité avec laquelle cette conversation a été retranscrite et publiée.
  • Le fait que se soit un ancien ministre de l’Intérieur qui en soit l’acteur principal.

Le secret de l’instruction est un secret de polichinelle dans ce type de dossier, et ce droit au secret - extrêmement protecteur des personnes mises en cause - se heurte systématiquement au droit à l’information.

En effet, le journaliste qui publie une information issue d’une instruction en cours ne commet aucune faute et ne risque - heureusement - rien car il est protégé par le droit à l’information et le secret des sources.

Les seuls fautifs sont les personnes à l’origine de l’information, donc les sources. 

Ce qui est extraordinaire, dans cette « affaire », c’est la position et les principaux arguments de ceux qui s’offusquent de l’existence et du contenu de cette conversation, à savoir qu’Hortefeux n'a pu que violer le secret de l’instruction puisque le fait que Madame Gaubert ait mis en cause son mari, Messieurs Bazire et Takiedine n’était pas encore paru dans la presse.

Il est amusant de lire en 2011, que des journalistes croient avoir le monopole de l’information et que si une information n’émane pas d’eux, c’est une information qui n’existe pas ou qui doit rester secrète tant qu’ils ne l’ont pas « sortie ».

Comme si une personnalité comme Hortefeux n’avait pas lui aussi un certains nombre d’informateurs, d’amis ou de connaissances pouvant lui communiquer des informations pas encore publiées !

Ce qui est choquant c'est qu’un ancien ministre de l’Intérieur soit à l’origine de cette polémique et qu’il ait agi de manière aussi imprudente.

En même temps, son ignorance est la preuve de sa bonne foi : en effet, s’il avait eu accès au dossier, il aurait su que son ami était sur écoute, et il n’aurait jamais eu cette conversation au téléphone.

Mais cela pose une autre question : comment, après avoir été le chef de la police, pouvait-il ignorer les méthodes de cette dernière, d'autant que Brice Hortefeux savait que son ami avait subi une longue perquisition dans les semaines précédentes ?

Il y a de grandes chances pour qu'il soit lui aussi placé sur écoute depuis cette conversation, ce qui donnera lieu, si c'est le cas, a un nouveau feuilleton. C'est à se demander s’il fut un jour le ministre de l’Intérieur !

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