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François Kalfon : "Si le PS échoue dans son changement de cap, ce sera la dislocation de la vie politique et la confirmation du FN"
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A babord toute !

Le Secrétaire national au Travail, à l'emploi, à la formation professionnelle et au dialogue social du PS s’inquiète du résultat des élections départementales. Selon ses propres études, le PS pourrait en effet perdre jusqu’à 45 départements sur les 61 qu’il dirige, parmi lesquels 3 pourraient être concédés au FN.

François Kalfon

François Kalfon

Francois KALFON est conseiller régional d'Ile-de-France et membre de la direction collégiale du PS

Il a publié avec Laurent Baumel un Plaidoyer pour une gauche populaire : La gauche face à ses électeurs, Editions Le Bord de l'eau (novembre 2011).

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Atlantico : Selon un sondage CSA pour Le Figaro, la gauche serait écrasée par la droite si les élections législatives avaient lieu aujourd’hui, récoltant seulement entre 56 à 66 sièges. Qu’est-ce qui explique cet échec du gouvernement ?

François Kalfon : Il y a toujours une déception liée au manque de résultats sur le front de la croissance et de l’emploi quel que soit le gouvernement en place. Sur la question du pouvoir d’achat on assiste à une hausse d’impôt continue depuis 2007. Cette augmentation frappe les classes moyennes et les classes supérieures qui sont celles qui votent le plus. Les hausses de prélèvements obligatoires concernent à 80 % les ménages.

En matière de fiscalité, il faudrait avoir une CSG progressive et avoir un prélèvement à la source pour que le consentement à l’impôt soit plus facile. Une réforme fiscale permettrait de réaliser des réductions d’impôts pour les travailleurs pauvres. Je regrette pour ma part que nous tardions sur le pacte de responsabilité à exiger des contreparties. Le pacte patronal est rempli du côté du gouvernement mais le Medef s’est assis dessus.

Les sondages s’enchaînent et se ressemblent pour un gouvernement qui a pour le moment perdu toutes les élections intermédiaires depuis les législatives de 2012. Les défaites électorales du PS en 2015 et en 2017 sont-elles inévitables ? Sous quelles conditions le gouvernement pourrait-il stopper l’hémorragie ? 

Une victoire lors des élections départementales est difficile à imaginer. Il faut dès maintenant anticiper un changement de politique plutôt qu’attendre les élections. Je note que les prises de conscience s’opèrent. Les paroles d’Emmanuel Macron et de Louis Gallois cette semaine sur « l’échec » du pacte de responsabilité devraient nous conduire à un changement de pied.

Il faudrait un changement de cap de grande ampleur. Il s’agirait de réaliser une politique d’équilibre entre l’offre et la demande symbolisée par la règle dite des trois tiers. Au moment où le patronat ne remplit pas ses engagements, la somme de 41 milliards affectée à ce pacte devrait donc être répartie différemment : 1/3 pour la réduction des charges, 1/3 pour l’investissement des entreprises car le sujet stratégique est la capacité d’innovation et enfin 1/3 affecté au soutien de la demande intérieure en particulier pour les catégories populaires. Il faudrait aussi donner un signal à la fonction publique qui subit les gels successifs des salaires.

Concernant les investissements, il convient de porter l’effort en mettant la question de la mutation écologique au coeur de ces politiques. La réduction des dépenses publiques est nécessaire mais ne doit pas être faite sous la forme de coup de rabot. Il faut des réformes structurelles utiles. Il y a lieu de territorialiser les politiques comme on le voit notamment au niveau ferroviaire. Cela peut se faire sur la question de l’emploi : Pôle Emploi gagnerait par exemple à être au plus près des territoires.

Il y a lieu de mettre en œuvre des réformes sur le marché du travail mais elles ne doivent pas être punitives pour les travailleurs. Sur la sécurisation des parcours professionnels, par exemple, il s’agirait d’octroyer des sécurités nouvelles pour les salariés en situation précaire - ceux qui enchaînent par exemple des CDD - grâce à un compte personnel formation qui serait étendu. 

Le PS peut-il renouer avec les catégories populaires, alors que 60 % d’entre elles avaient voté pour François Hollande en 2012 selon un sondage CSA ?

Il y a une déception des classes populaires qui ont voté pour François Hollande en espérant voir un changement concret pour leur propre vie qui tarde à venir. Il n’est jamais trop tard pour renouer avec les catégories populaires. C’est pour cette raison que je souhaite un deuxième temps du quinquennat plus conforme au contenu du discours du Bourget de François Hollande. 

La mise en place d’une stratégie est-elle encore possible à l’heure des ambitions présidentielles de Manuel Valls et Arnaud Montebourg, voire de Martine Aubry ?

On assiste à une modification profonde de ce qu’est devenue notre vie politique. On peut mener une politique utile au pays avec une feuille de route stable pendant trois ans mais après on rentre dans un cycle infernal avec ce qui est devenue la première étape de la présidentielle : la primaire. Au bout du congrès socialiste il y a la préparation à la primaire.

C’est pareil pour l’UMP qui vient d’élire son président. Cela pose un problème central et je pense qu’il faudrait simplifier nos institutions. Il s’agit de permettre une participation effective des citoyens et d’instituer une démocratie participative plus vigoureuse. Je suis favorable à l’établissement d’une part importante de proportionnelle aux législatives et à la réduction du nombre de parlementaires Il s’agit de mettre en place un changement institutionnel en instaurant la VIe République.

Vous souhaitez nouer des alliances avec le PCF et EELV. Mais comment cette alliance peut-elle se réaliser alors que vos partenaires de gauche ainsi que le Parti de gauche pourraient s’unir au dépend du PS lors des départementales ? Une alliance entre les frondeurs socialistes et la gauche de la gauche est-elle possible ?

Il faut qu’un socle de gauche soit constitué et se retrouve dans un rapport sain. Il faut voter une grande loi sociale avant la fin du quinquennat. Celle-ci pourrait être le ciment de réconciliation à gauche. Le curseur du contenu de la politique peut dénouer les problèmes d’alliance que l’on rencontre aujourd’hui. On assiste à une triangulation vers la droite libérale de la part de certains responsables socialistes. Nos partenaires et nos électeurs le refusent pourtant. Si on continue comme ça on ira droit dans le mur. Rester dans notre couloir est  donc important. 

J’appelle à un changement de cap et à un rééquilibrage. Si le PS échoue ce sera la dislocation de la vie politique et la confirmation de la percée du FN.

Vous venez de dresser une carte des cantons qui pourraient basculer en faveur du FN lors des prochaines élections départementales en mars prochain. Selon votre étude, le FN pourrait gagner entre 30 et 84 cantons « en grande partie au détriment de la gauche ». Pourquoi le FN grignote-t-il des voix auprès des électeurs de gauche et d’extrême-gauche ?

J’appelle cela le créneau du « xéno-gauchisme ». Avec ce FN "marinisé" plus service public que moi tu meurs, plus étatiste que moi tu meurs et plus laïque que moi tu meurs, avec pourtant une insincérité totale quand on voit observe l’élection des vice-présidents du FN. 

L’alliance du gauchisme et d’une certaine xénophobie se fait surtout dans les territoires qui sont sortis des radars de la mondialisation et qui sont soumis à la désindustrialisation, dans les cantons ouvriers.

En cas de second tour entre le PS et le FN les électeurs de droite sont plus tentés de voter pour l’extrême droite que pour la gauche. Le front républicain n’existe plus à l’UMP. Il y a une crise de l’offre importante à l’UMP qui explique aussi les poussées du FN. François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy nous proposent une aggravation des politiques d’austérités. Une partie des Français n’en veulent pas et choisissent de se tourner vers ceux qui présentent une alternative.

Propos revueillis par Julien Chabrout

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