Le Monde veut-il devenir co-juge d'instruction aux côtés de Renaud Van Ruymbeke? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le Monde veut-il devenir co-juge d'instruction aux côtés de Renaud Van Ruymbeke?
©

Engrenages

Le Monde a publié des écoutes téléphoniques privées mettant en cause Brice Hortefeux, Thierry Gaubert, et sa famille. La justice peut-elle travailler sereinement si chaque étape de l'instruction est immédiatement livrée au regard de la presse ?

Pierre-Olivier Sur

Pierre-Olivier Sur

Pierre-Olivier Sur est avocat à la Cour, associé du cabinet Fischer Tandeau de Marsac Sur et Associés.

Son blog : Poscriptum.

Voir la bio »

J’ouvre le journal Le Monde du vendredi 23 septembre et je crois mal lire : le procès Chirac en audience publique est à peine évoqué, tandis que le dossier Karachi couvert par le secret de l’instruction est largement rapporté.

En particulier concernant une série d’écoutes téléphoniques entre Brice Hortefeux et Thierry Gaubert ou la fille de ce dernier et l’un de ses amis… Comme si le journal Le Monde oubliait son combat depuis l’affaire Bettencourt contre de telles interceptions, fussent-elles  limitées à de simples fadettes mais dirigées à l’encontre de journalistes.

Qu’est ce qui choque le plus ? La violation du secret de l’instruction ? La violation du secret des correspondances ? Leurs recels ? La violation de la présomption d’innocence ? Le cumul de ces quatre infractions ?

Nullement !

C’est d’abord le contenu des écoutes.

Mais ce qui choque le plus, c’est aussi l’auto-codésignation du journal Le Monde aux côtés du juge Renaud Van Ruymbeke pour instruire le dossier Karachi. Car par un effet boule de neige toute la presse s’en mêle et toute la France avec. Souvenons- nous de Raymond Domenech et des 60 millions de sélectionneurs pour la coupe du monde. Gardons nous de Renaud Van Ruymbeke assisté de 60 millions de magistrats instructeurs pour le dossier Karachi !

Si la presse a évidemment le devoir d’’informer, un magistrat ne peut pas travailler sereinement lorsque quelques actes d’investigation sont dévoilés et subissent alors un effet de loupe qui risque d’aveugler et de paralyser le reste du dossier. L’information judiciaire  n’est pas l’information du public, d’où l’existence du secret de l’instruction.

Le secret de l’instruction a été conçu par le célèbre avocat parlementaire Jacques Isorni. Ce sont des dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale. Cependant, parce que nul ne peut aujourd’hui maitriser l’inviolabilité du secret de l’instruction, il a été prévu des fenêtres d’information - en particulier à destination de la presse – par l’article 11 in fine selon la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d’innocence :

« Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. »

En l’espèce, face à la cacophonie ambiante il revient au ministère public de rédiger un communiqué pour présenter de façon équilibré les premiers résultats d’étape des investigations, sans atteindre la présomption d’innocence et en préservant les éléments de vie privée de chacun.

Nul ne contestera que c’était au parquet d’indiquer ce matin, que Nicolas Sarkozy n’est à aucun moment visé dans le dossier Karachi (si tel est le cas).

Alors le Procureur de la République est au service de la présomption d’innocence, de la vérité judiciaire, de l’ordre public et non au service de l’exécutif.

Nous demandons donc au parquet de Paris, sur le fondement de l’article 11 in fine, qu’un tel communiqué soit rédigé.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !