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Economie de la mer et du littoral : un secteur d'avenir pour la France largement sous-estimé
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Tribune

Trois cent mille emplois directs et pérennes, un million d'emplois indirects, soixante-cinq milliards d'euros de chiffre d'affaires... les activités liées à la mer constituent en France un fleuron de notre économie.

Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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La France est un pays maritime. Dans son histoire, son pouvoir et son rayonnement sont étroitement liés à sa puissance navale. Ses flottes militaires et commerciales ont toujours représenté une suprématie dans le monde. Avec aujourd'hui 11 millions de km2 d'espace de zone économique exclusive, dont 90% répartis dans nos outremers, notre Etat dispose d'un potentiel unique. En métropole, le littoral est plus long que les frontières terrestres. Le pays présente de surcroît la particularité unique en Europe de profiter de trois façades maritimes que sont la Manche, l'océan Atlantique et la mer Méditerranée, chacun des bassins maritimes associés offrant des spécificités et des capacités de développement remarquables.

Notre pays possède les champions de cette économie large et structurée qu'est l'économie maritime. En matière de construction, DCNS compte parmi les leaders du marché de l'industrie navale de défense et se diversifie vers les énergies marines renouvelables. Sur cette activité en développement, les perspectives économiques, stratégiques et énergétiques contiennent les ingrédients d'un renouveau de notre société, que le politique aurait intérêt à regarder de plus près. Dans le domaine de la plaisance, le groupe Beneteau-Jeanneau est leader sur plusieurs des marchés. CMA-CGM, armateur français basé à Marseille, est le troisième acteur du transport maritime mondial. Ces exemples montrent la puissance de cette économie.

Dans un monde marchand globalisé, il est important de garder à l'esprit que 85% des échanges commerciaux se font par voie maritime et que sans "maritimisation", il ne pourrait exister de mondialisation. Si nos protagonistes maritimes n'ont pas à rougir, il convient toutefois de constater que les Asiatiques occupent en la matière le haut de la vague : dans le classement 2013 des dix premiers ports du monde, huit sont chinois encadrant Singapour. Le seul européen, Rotterdam, est quatrième (tout de même). Les ports nationaux, Marseille et Le Havre se placent dans la fourchette des 30-40èmes, un coup de chapeau objectif revenant au port normand, en croissance régulière depuis quelques années. Des tendances montrent qu'une évolution favorable à ces efforts pourrait améliorer notre compétitivité en la matière. Par ailleurs, des difficultés existent, comme l'avenir de la SNCM, les problématiques de la pêche et de la gestion des ressources halieutiques, ou l'absence d'armateur français dans la croisière, secteur en grande expansion. Ces sujets ne sont pas insolubles mais nécessitent, au plus haut niveau de l'Etat, une expertise de tous les instants. Avec 65 milliards d’euros de chiffre d'affaires, plus que l'aéronautique et le luxe, ce secteur d’avenir mérite une plus grande attention, notamment de la part des pouvoirs publics, si l’on veut tirer profit de toutes ses richesses.

Les moyens d'agir sont en place. Le Premier ministre dispose d'un secrétariat général de la mer, un service qui lui est directement rattaché pour apporter une expertise dans le domaine maritime, constitué par décret depuis 1995. Ce "SG mer", comme il est dénommé dans le jargon, a pour mission d'animer l'action des préfets maritimes, d'organiser chaque année le comité interministériel de la mer et de traiter de manière transversale, c'est-à-dire dans une logique de coordination des ministères concernés, les questions relatives à la mer. Tous les ministères ont un rapport direct avec la mer : les Affaires étrangères, la Défense, l'Intérieur, les Finances, l'Outremer, mais aussi le Sport ou le Tourisme, sans oublier la Santé et la Justice. L'Éducation est également intéressée, ainsi que la Recherche et l'Industrie. Chacun apprécie selon son prisme de lecture une activité aussi efficace qu'incontournable. Le « SG mer » devrait ainsi sans relâche développer son action vers les instances gouvernementales.

Cependant, un tel fonctionnement ne peut se développer que dans le cadre d’un soutien politique explicite, faute de quoi les décisions que le secteur attend ne pourront être prises que trop tard. Il manque aujourd’hui à ce secteur des orientations claires à même d’inciter l'investissement et le financement de grands projets.

 Le secteur maritime français, vecteur de croissance incontournable, constitue pour la France un enjeu majeur. Des activités nouvelles émergent, porteuses de création de valeur, donc d'emplois et d'avenirs des territoires, y compris en termes de changement de paradigme sociétal. En effet, l'émergence d'un gigantisme de navires dans le domaine du transport conteneurisé induit une évolution des routes maritimes et des installations portuaires, opportunité qu'il nous faut saisir. Le développement des énergies marines renouvelables, initié par les programmes d'installation des éoliennes posées dans nos eaux territoriales, nécessite dès maintenant une prise de position politique afin d'être en situation d'exploitation optimale à l'horizon 2035. Le potentiel de production d'électricité par le biais de technologies en phase de mise au point est prodigieux, grâce notamment à nos outremers : la France détient la possibilité de devenir producteur d'énergie et de se projeter après la transition énergétique. L'exportation d'énergie comme de technologie associée devient un objectif réaliste. Sur tous ces points, il est temps que nos dirigeants comprennent que les enjeux sont d'ordre national, pas partisan. Et que la mer permettrait d'apporter, par sa stabilité et sa performance, un regain d'optimisme à la France entière, à ses citoyens comme à ses partenaires.

Alors que Manuel Valls a annoncé, lors des Assises de l'Economie de la Mer qui se sont achevées à Nantes, la tenue d’un prochain débat parlementaire sur la politique maritime de la France, il serait souhaitable, à cette occasion, que le législateur exprime son ambition pour ce secteur, afin d'en faire un flambeau du savoir-faire français, en complément des domaines traditionnellement reconnus. Il serait aussi précieux qu’il montre également son attachement déterminé à l'économie maritime en présentant le projet d'un "SG mer nouveau", intégrant un volet économique et financier de nature à poursuivre en l'accompagnant le travail du cluster maritime, et plaçant le secrétaire général futur à ses côtés, comme conseiller.

Sans cette reprise en mains de notre puissance maritime, condition démontrée de puissance économique, notre pays continuera de piétiner pendant que d'autres nations auront su prendre la risée. Les courants et les vents nous sont favorables, ne passons pas après qu'ils se soient renversés.

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