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Même ultra-utilisé, le nu dans les pubs reste d'une efficacité redoutable
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Vous saurez tout sur le zizi

Dans une publicité étonnante, la marque de sous-vêtements Athena met en scène des sportifs et des gens ordinaires dans un faux making-off où tout le monde fini nu. Après toutes ces pubs de nu, pourquoi le nu marche-t-il encore !?

Christophe Colera

Christophe Colera

Christophe Colera est sociologue et anthropologue.

Il a écrit La nudité pratiques et significations, éditions du Cygnes 2008 et Les tubes des années 1980 (Cygnes, 2013)

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Atlantico : Nous avons pu voir récemment sur internet une pub pour les sous-vêtements Athena qui met en scène  des sportifs et des gens ordinaires nus. Quel est l'intérêt du nu dans cette pub ?

Christophe Colera : On voit qu'il y a la volonté de jouer sur l'image sympathique de la nudité en neutralisant les effets agressifs. On fait de la suggestion, mais on l'enveloppe dans un effet convivial et collectif. C'est une façon de synthétiser beaucoup d'éléments de la manifestation récente de la nudité. Ça synthétise l'utilisation de la nudité dans le sport par Romain Mesnil, les dieux du stade, qui avaient plu car ça transformait l'image de la nudité masculine, les hommes pouvant utiliser leur nudité comme les femmes dans un sens attractif. Également ça joue sur l'équipe dénudée, car cela crée de la solidarité dans la nudité, avec une égalité, une complicité dans le fait de s'affranchir des vêtements comme norme sociale. Cet élément c'est déjà vu dans les manifestations pour la défense de la nature et était connoté de façon très positive, dans l'expression de l'humanité de manière la plus brute, la plus authentique. Cette publicité joue donc sur l'évolution de l'image du genre masculin mais également de l'affranchissement par la nudité des artifices sociaux.C'est aussi une façon de montrer que tous les corps sont légitimes. On amène le spectateur depuis l'image de la nudité du sportif, qui est une image idéale, qui correspond aux canons de la beauté, qui existe depuis les Grecs antiques, et l'on fait le lien entre ça et la nudité ordinaire. Ils utilisent donc le corps tel qu'on la reçu à la naissance comme instrument fédérateur, comme humanité dans ce qu'elle a de meilleur. Les canons de beauté du nu sont accessibles à tout le monde.

Pourquoi le nu intrigue-t-il ?

Il y a plusieurs dimensions. Le nu attire le regard depuis toujours. Ça a une fonction stimulante, notamment au niveau visuel, notamment la nudité féminine. Ça a une fonction d'attrait du regard notamment car ça s'inscrit dans une rupture avec une norme sociale très répandue. Mais ça peut être ambivalent car dans toutes les sociétés, même les sociétés où les gens vivent nus (c'est-à-dire les chasseurs-cueilleurs), il y a un tabou dans les regards qui fait qu'on a l'idée que si on expose trop sa nudité et si on la regarde de trop, il y a des effets répulsifs qui se manifestent. La nudité est donc ambivalente et cela ne marche pas toujours, et donc dans la pub ça ne marche pas toujours non plus. D'ailleurs, au début des années 2000, il y a eu un fort déclin de la nudité dans la publicité, qui avait  été réprimée par le bureau en charge de la surveillance de la déontologie publicitaire. On voyait beaucoup plus de nu dans l'espace public par le passé. Le nu s'est donc réfugié dans la presse et sur le net. Il y a un effet de saturation qui s'est constaté, qui s'exprime parfois par des courriers de consommateurs.

Qu'est-ce que le nu représente ?

D'un point de vue anthropologique, la nudité masculine est le plus souvent l'expression de force et de puissance parfois exploitée dans le cadre de la guerre (chez les Gaulois, il y avait des guerriers qui se battaient nus). Elle peut avoir une valeur de menace, qui peut gêner les femmes. Tandis que la nudité féminine est une invitation érotique, à la douceur, qui est mieux perçue par les hommes pour la dimension érotique et les femmes pour sa dimension moins agressive. Cela dit cela change avec l'évolution des codes culturels. Dans les années 2000, on observe une évolution de l'image de la nudité masculine, plus séduisante, et qui est moins opposée à la nudité féminine. Il y a une indifférenciation qui est valorisée, notamment par des corps masculins pas forcément très musclés, parfois épilés pour adoucir la virilité. Les rôles sociaux sont moins marqués. Cette évolution est apparue avec la modification des rapports hommes/femmes mais aussi au travers de l'imagerie gay qui a fait de l'homme un objet de désir, comme l'était le corps féminin. La femme objet et l'homme sujet, donc.

Internet a-t-il fait évoluer notre rapport à la nudité ?

L'internet habitue les regards à la nudité car elle y est omniprésente. Le regard est beaucoup plus sollicité sur internet. On est plus dans le zapping, dans une stimulation rapide des regards, ce qui banalise la nudité. Elle se développe sur les réseaux sociaux. On a l'impression que la nudité gagne du terrain sur les écrans. La nudité a toujours besoin d'espaces légitimes pour être acceptée. Dans les relations au quotidien on ne peut pas se déshabiller comme on veut, ça peut être perçu comme quelque chose de désagréable, violent. Ça fait longtemps que les magazines sont des espaces légitimes pour la nudité, notamment depuis les années 50 avec l'arrivée des pin up. Internet devient un nouvel espace de légitimation de la nudité, donc.

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