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Bernard Cazeneuve s'est engagé dimanche à ce qu'une procédure de classement en état de catastrophe naturelle soit engagée "dès lundi matin" pour l'Aude et les Pyrénées-Orientales.
Bernard Cazeneuve s'est engagé dimanche à ce qu'une procédure de classement en état de catastrophe naturelle soit engagée "dès lundi matin" pour l'Aude et les Pyrénées-Orientales.
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La fête à la grenouille

Le climat de la France s’est déjà réchauffé de près de 2 degrés depuis l’après-guerre, essentiellement depuis les années 80, passant d’une moyenne de 11 degrés de 1945 aux années 70 à 12,7 degrés dans la décennie 2000.

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Alors que les intempéries dans le Var ont fait plusieurs morts la semaine dernière, que sait-on plus particulièrement du changement climatique en France pour les années à venir ?

Tout d’abord, on sait que le climat de la France s’est déjà réchauffé de près de 2 degrés depuis l’après-guerre, essentiellement depuis les années 80, passant d’une moyenne de 11,0 degrés de 1945 aux années 70 à 12,7 degrés dans la décennie 2000. Le climat français était assez stable entre 1945 et 1980. Le réchauffement s’est accéléré surtout à la sortie des trois grands hivers du milieu des années 80, à partir de 1988.

Pour la suite, on peut s’attendre à une poursuite de ce réchauffement. C’est d’ailleurs d’actualité puisqu’il y a de grandes "chances" pour que 2014 prenne la tête des années les plus chaudes en France, passant même devant 2011 et 2003.

L’étude des phénomènes violents (tempêtes, épisodes méditerranéens etc) ne montre pas de tendance la hausse en terme de fréquence. Ces phénomènes ne devraient donc pas se multiplier.

Ce que l’on peut craindre en revanche, c’est une intensification des phénomènes violents. Des tempêtes plus violentes, comme celles de 1999 ou Klaus en 2009 sont susceptibles de se reproduire. Idem avec les inondations… et les sécheresses. Pourquoi des phénomènes plus intenses ? Parce que plus l’air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d’eau, et donc générer plus d’énergie dans l’atmosphère. Et qui dit plus d’énergie dit potentiellement plus de violence.

D’après ces données, à quoi devrons nous faire face ? Quelles conséquences sur l’environnement de nos différentes régions ?

Nous risquons donc de devoir faire face à des phénomènes plus violents, mais pas forcément plus fréquents.

Logiquement, des phénomènes plus violents pourraient provoquer plus de dégâts et de conséquences négatives. Il va donc falloir réfléchir à des solutions en amont de ces futures intempéries telles que des tempêtes puissantes ou des épisodes méditerranéens plus puissants : renforcer et rehausser les digues en bord de mer et le long des cours d’eau, nettoyer davantage les fleuves et rivières pour éviter les phénomènes d’embâcles, quitter les zones inondables… La répartition et la distribution des précipitations restent difficiles à anticiper. Les modèles climatiques prennent assez mal en compte ce paramètre.

Les répercussions sur notre environnement ne seront pas négligeables, et pas forcément négatives partout : la végétation remontera plus au nord, permettant d’étendre certaines cultures habituées à la chaleur. La vigne, par exemple, pourrait être produite sur le Bassin Parisien voire plus au nord, comme lors de l’optimum médiéval. La période d’éveil de la végétation, déjà plus longue qu’autrefois d’une vingtaine de jours, augmentera encore. La faune modifiera probablement ses habitudes également. On voit déjà, par exemple, que les moustiques sont présents plus longtemps puisque la période "chaude" est plus longue de nos jours qu’autrefois. Certaines espèces venues de pays méridionaux devraient même s’installer chez nous grâce à la hausse du thermomètre.

Plus largement, le cinquième rapport du GIEC vient d’être publié. Qu’apporte-t-il de plus que le précédent sorti en 2007 ?

Frédéric Decker : Ce dernier rapport tente de donner une tendance climatique plus précise pour les décennies à venir, jusqu’en 2100, en particulier sur les températures moyennes globales. Le consensus indique un réchauffement probable de l’ordre de 1 à 4 degrés. Outre cette hausse des températures, le GIEC indique de nombreuses conséquences possibles, sur les phénomènes météo violents (plus nombreux et plus violents), mais aussi sur la population (notamment en raison des risques de submersion marine des terres basses) et sur l’économie (agriculture, alimentation, problèmes sanitaires etc…). Toutefois, en lisant ce rapport, on ne peut que constater que les incertitudes sont grandes : un réchauffement de 1 degré ou moins aurait en effet des conséquences bien moindres qu’un réchauffement de 4 degrés qui pourrait être catastrophique. La planète a déjà connu des périodes très chaudes, même beaucoup plus chaudes qu’actuellement (6 à 8 degrés de plus) du temps des dinosaures… En revanche, l’homme n’était pas encore là pour observer les conséquences qui, de toutes façons, seraient très différentes de nos jours en raison de notre mode de vie moderne.

>>>>>>>>> Lire aussi : Intempéries en série dans le sud : comment apprendre à vivre dans un monde où quand il pleut, on peut finir noyé

Selon les scientifiques, la température va augmenter de 0,3 à 4,8°C d’ici à 2100. Que penser de tels écarts de prévisions ?

Il a du mal à l’admettre, mais le GIEC n’a pas été très bon sur les prévisions de réchauffement 2000-2010. En effet, selon leurs thèses antérieures à l’an 2000, le réchauffement devait se poursuivre en s’accélérant durant cette décennie. Cela n’a pas été le cas, au contraire : le réchauffement s’est quasiment stoppé depuis 1998, malgré des années encore très chaudes (notamment 2005 et 2010). En ne prenant en compte que le paramètre anthropique du réchauffement, le GIEC a omis la baisse de l’activité solaire, qui a probablement occasionné cet "effet plateau" du réchauffement des années 2000. Leurs tendances pour 2100 restent très vagues et tout aussi incertaines. 0,3 degré de hausse d’ici 2100, c’est moins qu’au cours des 40 dernières années… 4 degrés seraient probablement "du jamais vu" sur une période si courte. Selon l’hypothèse d’un réchauffement au même rythme que ces 30 à 40 dernières années, le climat pourrait se réchauffer de 1,9 degrés en 85 ans, ce qui est déjà énorme. Mais la machine climatique est si complexe que les modèles échouent régulièrement. Nous risquons d’avoir de nouvelles surprises.

Hausse des événements climatiques extrêmes, insécurité alimentaire, problèmes sanitaires, hausse des conflits dans le monde… Les prévisions du GIEC s’étendent sur de nombreux domaines. Que penser d’une telle versatilité dans l’analyse ? Peut-on vraiment prédire des évolutions en la matière sur plusieurs décennies ?

Ce n’est pas nouveau. Dès 1988 et la première "crise climatique", le GIEC, alors à ses balbutiements, annonçaient des chiffres assez catastrophiques en terme de hausse des températures et des conséquences diverses et variées à l’horizon 2000, 2020 et 2050. On ne peut pas dire que les prévisions pour l’an 2000 aient été justes (trop chaudes et trop catastrophistes dans l’ensemble). On peut certes faire quelques projections, mais les incertitudes restent importantes.

Quels sont les risques les plus imminents actuellement ? Quels sont les moyens d’actions concrets à nos dispositions ?

Les risques les plus imminents sont ceux que l’on a connus récemment, ces derniers mois ou ces dernières années : canicules plus fréquentes et plus étendues (comme en 2010 en Russie, en 2003 en Europe de l’ouest) et érosion rapide des côtes comme l’hiver dernier en France et en Europe en général. En revanche, inondations ou sécheresses sont encore difficilement imputables au réchauffement. Nos moyens d’actions sont malheureusement bien dérisoires, car si certains pays tentent de moins pollués (France, Allemagne), d’autres, en pleine expansion, polluent au contraire beaucoup plus qu’autrefois (Chine, pays d’Asie). Les émissions de CO2 à l’échelon mondial ne sont malheureusement pas à la baisse, et la politique de développement des pays asiatiques semble peu se soucier des possibles retombées néfastes à venir…

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