Pourquoi il ne faut pas un mais deux Etats palestiniens<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Assemblée nationale se prononce le 2 décembre sur la reconnaissance d'un Etat palestinien.
L'Assemblée nationale se prononce le 2 décembre sur la reconnaissance d'un Etat palestinien.
©Reuters

Résolution

L'Assemblée nationale se prononce le 2 décembre sur la reconnaissance d'un Etat palestinien. Pourtant, au regard de l'Histoire et de la configuration géographique de la région, cette création n'a que peu de chances de jouer un rôle de stabilisateur. Pour cela, deux Etats seraient nécessaires.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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La création d'un Etat palestinien se trouve à nouveau à l'ordre du jour. C'est, on le sait, la retombée politique de la guerre qui a opposé au cours de l'été, l'Etat d'Israël et les Palestiniens de Gaza. Seules, jusqu'ici, les crises ont permis d'avancer dans la solution des problèmes du Proche-Orient. 

Il est aujourd'hui très peu de gens qui ne reconnaissent que la paix sur l'ancien territoire du mandat britannique de Palestine passe par la création d'un Etat palestinien, pendant, même en plus petit, de l'actuel Etat israélien, cet Etat devant trouver son assise territoriale en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

L'Etat palestinien unique : une solution dépassée   

Pourtant, il faut bien le dire, cette solution apparait aujourd'hui de plus en plus dépassée. Non seulement parce que les forces politique dominantes en Israël, Benjamin Netanyahou en tête n'en veulent manifestement pas- pas plus que la partie des Palestiniens qui revendique un seul Etat multiconfessionnel-, mais aussi parce que, sur le terrain, elle semble de plus en plus irréelle.

Laissons de côté le problème considérable posé par l'accroissement du nombre de colonies en Cisjordanie. Heureusement la décision audacieuse d'Ariel Sharon d'évacuer en 2005 celles de Gaza y simplifie la question.

Mais il n'existe aucun cas à l'époque moderne d'un Etat coupé en deux qui se soit avéré durable. L'exemple du Pakistan est le plus manifeste : destiné lors de sa création en 1947 à regrouper tous les Indiens musulmans, ses parties est et ouest (devenue Bengladesh) durent se séparer dès 1971. En remontant dans le temps, on se souvient de l'Allemagne où l'instauration en 1919 d'une Prusse orientale sans continuité territoriale fut, au travers de la question de Dantzig, la pomme de discorde qui déclencha la 2e guerre mondiale. Après la guerre Berlin posa un problème analogue. La solution d'un Etat unique tient d'autant moins que les Israéliens n'ont sans doute pas l'intention de couper leur propre territoire par une autoroute reliant les deux parties de la Palestine.

Il faut donc deux Etats palestiniens : une sorte de cité-état à la manière de Singapour à Gaza et un Etat cisjordanien dont l'imbrication avec Israël et la présence à Jérusalem restent  à négocier.

L'autre raison de créer deux Etats palestiniens est qu'on n'imagine pas le Fatah et le Hamas travaillant  ensemble : que chacun s'organise de son côté comme c'est déjà le cas en pratique, est logique. Leur rapprochement récent, pourtant tactique, aurait, selon certaines sources, déterminé Israël à bombarder Gaza. Raison de plus pour que ce dernier envisage l'idée de deux Etats palestiniens. 

Israël aurait tout à gagner à une telle solution : la perspective d'un face à face avec un Etat palestinien unique sur le même territoire est difficile à admettre pour une partie de ses ressortissants. Avec deux Etats, cette perspective s'en trouverait en partie diluée.

On objectera qu'aucun de ces Etats ne serait "viable". Mais des 193 membres des Nations unies, combien sont "viables" ?

Une telle solution impose non seulement de régler la question des colonies juives de Cisjordanie mais aussi  celle du décloisonnement et du développement de Gaza, inséparables d'un rétablissement de la sécurité d'Israël côté Sud. Deux questions immenses mais qui seront sans doute mieux résolues, si elles doivent  l'être, séparément qu'ensemble.

Vers une confédération ?

Une telle solution permettrait même d'envisager à terme une sorte  de confédération à quatre comprenant Israël et la Jordanie laquelle revendique toujours sa qualité d'Etat palestinien. Israël aurait naturellement une influence privilégiée dans une telle confédération mais les partisans d'un Etat unique pourront aussi bien la considérer comme un pas dans leur sens.

L'idée de donner à Gaza le statut  d'Etat effrayera, dans le contexte actuel, bien des Israéliens : mais préfèrent-ils que les activistes du Hamas passent leur temps à ruminer des projets d'action armée ou qu'ils se répandent à travers le monde dans les ambassades du nouvel Etat, que la communauté internationale sera, n'en doutons pas, prête à financer  ?

Le perfectionnement prévisible du mur électronique autour de Gaza devrait un jour permettre de relâcher le blocus, ouvrant ainsi la porte au nécessaire développement de l'économie de ce territoire, à la fois impératif humanitaire et moyen de ralentir sa progression démographique. Un tel développement, irrigué par l'argent du golfe ou de l'Union européenne, serait à même de rendre un jour les habitants de ce territoire à leur vocation commerciale séculaire.

Nous mesurons tous les problèmes de principe que pose aux Palestiniens un tel scénario. Mais au moins faudrait-il qu'il commence par paraître acceptable à Israël. Comme il est probable qu'on ne résoudra pas les questions de principe (droit au retour, caractère confessionnel de l'Etat d'Israël, statut de Jérusalem), peut-être vaudrait-il mieux parler dans une première phase de ne  fonder sur ces bases qu'un arrangement provisoire.

Utopie ? Sans doute,  mais moins que l'idée d'un Etat palestinien unique. Si une ouverture doit émerger de la crise actuelle, c'est dans cette direction qu'il faut à présent la chercher.

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