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Une complémentaire éducation pour pallier l’incurie de l’Education nationale
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Sur les bancs de l'école

Le sondage réalisé par l'Ifop pour la Fondapol montre que 67 % des Français ayant des enfants scolarisés sont demandeurs d'un soutien scolaire à l'école.

Dominique Reynié

Dominique Reynié

Dominique Reynié est professeur des Universités en science politique à l’Institut d’études politiques de Paris et directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Populismes : la pente fatale (Plon, 2011).

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Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico :  Face à ce constat, vous proposez la mise en place d'une complémentaire éducation sur le modèle d'une complémentaire santé. Concrètement, comment une complémentaire éducation pourrait-elle fonctionner ?

De nombreuses familles expriment le besoin d’avoir recours à des services éducatifs en complément de l’école, que ce soit pour pallier les lacunes d’un enfant ou que ce soit pour compléter sa formation dans une démarche de recherche d’excellence. Elles montrent ainsi leur investissement dans le suivi scolaire des élèves et sont généralement en recherche d’une prise en charge individualisée pour leurs enfants.

Notre proposition est de permettre aux familles qui souhaitent faire bénéficier leurs enfants d’un soutien scolaire d’être aidées : nous voulons démocratiser le soutien scolaire, par un mécanisme de solidarité. Il pourra s’agir de pérenniser le dispositif fiscal actuel (une famille peut réduire 50 % des dépenses de soutien scolaire de son impôt sur le revenu) mais en le stabilisant, parce que c’est peu dire qu’il a été maltraité ces dernières années. Pour les familles les plus défavorisées, les collectivités locales pourront prendre en charge 100 % du coût des cours de soutien. On peut imaginer également que les entreprises pourront offrir des cours aux enfants de leurs salariés, en négociant des prix attractifs avec les spécialistes du soutien scolaire. L’investissement est marginal et il devrait produire des effets majeurs (alors qu’aujourd’hui, la politique scolaire consiste à faire des investissements majeurs qui ont des effets marginaux sur la réussite des enfants)..

Notre proposition repose sur le même modèle que les complémentaires santé ou retraite auxquelles les Français sont très habitués. En complément d’un service de qualité de base (la sécurité sociale, le régime de retraite de base), les salariés peuvent souscrire individuellement auprès d’une mutuelle des prestations complémentaires, ou passer par leur entreprise qui négocie des contrats collectifs. Pour la santé et pour la retraite, ces cotisations sont en partie défiscalisables. La France pourrait consentir pour ses jeunes un effort qui serait similaire à ce qu’elle fait pour ses aînés !

Pourquoi encourager les familles à recourir au privé (avec cette complémentaire éducation), alors que des mécanismes d'aides individualisés aux élèves sont déjà existants ?

La proposition de complémentaire éducation n’oppose en rien le public au privé. Au contraire, elle montre qu’il y a une complémentarité entre les deux sphères (comme c’est le cas, à nouveau, pour la santé et les retraites). Le soutien scolaire ne remplace certainement pas l’Ecole, il vient après en proposant un service différent, une pédagogie spécifique, une prise en charge distincte. Cela n’a pas de sens de les opposer.

Ce que nous voulons, c’est qu’en matière d’éducation, toutes les familles puissent avoir accès aux meilleurs services. Si ceux-ci se trouvent dans le public, c’est tant mieux ! Si les familles estiment pouvoir les trouver dans le secteur privé, elles doivent pouvoir y avoir accès sans être pénalisées.

Il est dommage d’organiser des polémiques sur la nature juridique des prestataires (savoir si celui qui fournit le service est public ou privé) alors que ce qui importe, c’est le résultat du service fourni (que les enfants réussissent) et son accès garanti à tous, par la solidarité nationale.

Cette proposition de complémentaire éducation facultative ne risque-t-elle pas d'engendrer de nouvelles inégalités entre les familles ?

La complémentaire éducation vise, précisément, à réduire les inégalités, en ouvrant à un nombre croissant de familles l’accès aux services scolaires dont elles ont besoin. Nous proposons par exemple que les collectivités locales interviennent pour aider les familles les plus défavorisées. Aujourd’hui, le statu quo est profondément inégalitaire et injuste, comme le montre notre rapport et comme les Français le ressentent.

La mise en place d'une complémentaire éducation ne peut-elle pas apparaître comme une forme de renoncement face aux problèmes rencontrés par l'Education nationale ?

La complémentaire éducation est, bien au contraire, un encouragement pour l’Education nationale. Elle est la preuve que le système scolaire peut évoluer, peut innover. Elle peut en outre stimuler l’institution : dans le secteur du soutien scolaire, on trouve aujourd’hui d’incroyables gisements d’innovation ! Nous apportons une pierre pour aider à reconstruire l’Ecole. Il faudra en apporter d’autres.

Si une complémentaire éducation peut effectivement à moyen terme pallier les failles de l'Ecole, comment faire en sorte que ce système ne devienne pas la norme au détriment de la réforme dont aurait besoin l'école ?

La complémentaire éducation est une réponse qui n’exclut pas des réformes d’ampleur dans le système éducatif. Les Français savent bien ce que les statistiques dramatiques sur l’échec scolaire et la reproduction sociale montrent : nous ne pouvons pas attendre le Grand Soir scolaire. Les révolutionnaires vous expliquent toujours pourquoi il ne faut rien changer maintenant pour pouvoir tout changer demain. Les années filent et il ne se passe rien. Nous, nous voulons avancer, nous voulons faire un pas dans la bonne direction. Nous sommes convaincus que c’est en amorçant des dynamiques multiples, dispersées et positives que le système dans son ensemble engagera la profonde transformation nécessaire.

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