Pourquoi le Couchsurfing masque la meilleure application de drague jamais conçue derrière un innocent modèle d’hôtellerie à domicile<!-- --> | Atlantico.fr
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Avec Couchsurfing, on partage parfois plus qu'un canapé.
Avec Couchsurfing, on partage parfois plus qu'un canapé.
©Reuters

Viens dormir sur mon canapé

Initié pour la première fois en 2004, le Couchsurfing séduisait en octobre 2012 près de 4,8 millions de personnes dans le monde. Le service permet de mettre en relation des voyageurs et le canapé d'autochtones hospitaliers, et les rencontres amoureuses qui en découlent sont parfois plus durables et spontanées que celles effectuées sur des sites dont c'est la vocation.

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Atlantico : Les exemples de relations amoureuses, voire de famille, qui se créent via le couchsurfing se multiplient. Peut-on parler d'une tendance générale ?

Catherine Lejealle : Effectivement les exemples se multiplient et plus généralement, initiés par une transaction commerciale de type ebay ou le "bon coin" ou une location d’objets entre voisins, la mise en relation via Internet se prolonge par une relation amoureuse. C’est intéressant de voir combien la confiance dans cette mise en relation via du digital augmente et illustre la porosité des univers. Une relation initiée par du digital n’est ni moins romantique ni moins "naturelle". Elle n’est plus entachée de connotation négative. Au contraire, on est heureux que le hasard ait joué.

Comment expliquer que la rencontre amoureuse soit facilitée par ce type de service ?

Certes, le couchsurfing ou le co-voiturage produisent davantage de relations amoureuses qu’une transaction commerciale sur e-bay où on se rend chez un particulier pour chercher une machine à laver ou un coffret de DVD. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, le couchsurfing concerne essentiellement un solo qui s’invite chez un autre solo et plus rarement une famille avec trois enfants. Le concept est au départ d’offrir un canapé une place. Par conséquent, on met en relation un célibataire ou du moins une personne avec une autre. Deuxièmement, que l’on soit invité ou hôte, les deux témoignent une ouverture d’esprit, d’une disponibilité et donc d’une demande de nouveauté, d’acceptation de la proposition de l’autre qui va vous initier à sa ville et à ses bons resto ou bars.

On a donc au départ deux personnes seules, disponibles et dans cette ouverture d’esprit comparable aux étudiants erasmus des films cultes. Troisièmement, le concept consiste à offrir un canapé pour la nuit, ce qui sous entend qu’on va inviter l’autre quelque part ou lui offrir quelque chose. Il ne s’agit pas d’échange de logements mais bien de passer un moment ensemble. Celui qui reçoit est présent et on s’attend à échanger au moins quelques paroles. On va héberger ou être hébergé et donc partager une salle de bain et une cuisine, c’est-à-dire des univers intimes. La proximité affective est évidente. La volonté de nouer un lien avec un autochtone du pays visité est nativement prévue dans le concept. Si vous n’acceptez pas ces conditions, vous n’allez jamais aller sur le site.

Enfin, Couchsurfing est essentiellement actif dans des grandes villes, dont l’uniformisation des modes de vie d’une génération Y est assez homogène. On écoute la même musique, on aime sortir dans les bars et donc on partage déjà beaucoup. On vit en ville et on sort souvent entre amis. Cela signifie que les personnes partagent déjà des styles de vie et des centres d’intérêt.

Ce phénomène est-il spécifique à notre époque ? Qu'est-ce que cela peut-il révéler de nos contemporains ?

Cette réussite illustre une tendance de fond qui ne fait qu’augmenter, à savoir le partage, le collaboratif et la mise en relation pour réaliser des projets communs et co-créer quelque chose. Ici le but est hédoniste et de solidarité, d’entraide, sans but financier mais cela peut aussi être motivé par la réalisation d’une économie comme les sites de location entre particuliers (logements, objets…), de crowdfunding ou encore d’achats groupés. Le crowdfunding présente également cette dualité de motivations possibles : aider et soutenir un projet de façon désintéressée ou pas.

Internet est au cœur de cette transformation qu’on observe également en entreprise avec l’open innovation où des entreprises échangent sur leurs bonnes pratiques. Plus que jamais la participation, l’engagement, la co-création s’affirment comme des valeurs, des modes de production et d’interaction qui révolutionnent notre quotidien. Et surtout le digital permet une mise en relation pour faire des choses (créer, s’aimer, se balader…) ensemble dans la vie loin du clavier. L’imaginaire du geek no life ou de la non communication qu’entraineraient les nouvelles technologies est belle et bien une idée fausse et cela se prouve tous les jours. Que vous soyez une mumaround qui souhaitez ne plus aller seule au parc avec vos enfants mais cherchez d’autres parents, que vous ayez envie d’aller manger des crêpes et que vous cherchiez d’autres gourmands via OVS, le digital s’inscrit comme outil précis de mise en relation.

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