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Avec la crise, 
les classes moyennes voient 
les entreprises d'un meilleur œil
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Les classes moyennes face à la crise

136 Français issus des classes moyennes amenés à converser du 26 août au 7 septembre sur la plateforme collaborative Freethinking. Résultat : une étude sur leur perception de la crise et leurs attentes pour la présidentielle 2012. Troisième épisode : le rôle que devraient jouer les entreprises pour favoriser une sortie de crise.

Véronique  Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier ont créé en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

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Pour les classes moyennes, loin d’être en marge de la "révolution économique" actuelle, les entreprises - et tout particulièrement les grandes entreprises françaises - sont naturellement au centre du jeu. Elles ont, selon elles, un rôle clé à jouer dans la crise et demain dans la sortie de crise et l’invention d’un nouveau modèle de société. Dans une relation donnant-donnant, une relation de business et non de dépendance, de soumission ou de conflit.

  1. Les entreprises : acteurs majeurs pour sortir de la crise

Bien sûr, si l'un des enjeux majeurs des années qui viennent, apparaissant comme une priorité absolue de l’action politique à venir, est de réussir à reconstruire une base industrielle qui donne à chacun sa chance en offrant à chacun un emploi, alors les entreprises française ne peuvent pas être des ennemies. Elles ne peuvent qu’être si ce n’est des amies ou des alliées – aucun angélisme dans le discours de ces Français qui peuvent être très critiques envers les grands patrons – du moins des partenaires indispensables.

Devant la difficulté des temps, le caractère insupportable humainement et insoutenable économiquement d’un pays sans industrie et sans usine, donc sans travail, pour beaucoup de citoyens non-diplômés, c’est à une réévaluation du rôle et de la place des entreprises que nous assistons de la part de ces classes moyennes.

“Je pense que si l’État ne mettait pas tout en œuvre pour faire fuir les entreprises françaises à coups de taxes, impositions, etc…. Tout irait déjà mieux. Arrêter de mettre en place des mesures, de les modifier, de les supprimer, etc… On tend une carotte, les entreprises jouent le jeu et quand tout semble en place… hop, marche arrière. L’exemple flagrant est celui des heures supplémentaires. Produire français… Je ne suis pas contre l’idée de payer plus cher pour avoir de la qualité”.

Gagner l’avenir ensemble, ce n’est possible qu’avec les entreprises. Même si on n’est pas dans l’affectif. Ce n’est possible que si l’État et les entreprises réussissent à se parler, à s’entendre, à faire en un sens front commun au profit du citoyen-salarié… Il est très frappant en effet de constater que quand on leur parle "entreprises" ces Français répondent très souvent "État" : dans la partie de l’interrogation portant spécifiquement sur cette question de leurs attentes vis-à-vis des entreprises, si 50 % des contributions évoquent immédiatement "stopper les délocalisations", 23% "valoriser le savoir-faire « made in France »", 19% "favoriser la formation"… 27% évoquent tout aussi spontanément "que l’État facilite l’esprit d’entreprise" !

Si on parle d’État quand on parle "entreprises", dans le discours de ces classes moyennes, ce n’est donc pas pour réclamer, dans leur nette majorité, plus de charges, de taxes sur les profits ou de salaire maximum… Mais tout à la fois moins de charges pour celles qui souffrent et moins de subventions pour celles qui ne jouent pas le jeu, plus de sanctions pour celles qui délocalisent et plus de protection douanière ou réglementaire pour celles qui sont les plus exposées à la mondialisation… Il ne s’agit donc pas de réclamer de les punir ou de les récompenser – mais, plus pragmatiquement, de les aider et de leur demander des comptes. Dans un dialogue État-entreprises qui n’est ni complice ni méfiant, mais simplement juste et exigeant.

“Le simple fait de baisser les charges des entreprises les inciterait à rester en France et donc à embaucher, par contre les entreprises qui touchent des subventions pour leur sauvegarde et qui ensuite délocalisent alors qu’elles réalisent des bénéfices devraient rembourser plus payer un système d’amende en dédommagement. Simplifier les démarches et les charges fonctionne, il suffit de voir le nombre de créations en auto-entrepreneur, même si il est vrai que toutes ces entreprises ne vont pas durer dans le temps, elle ont permis à certains d’entreprendre et à d’autres de déclarer une activité qu’ils exerçaient jusqu’à présent sans être déclarés… Que du positif pour moi !"

Accepter que le monde ait changé... mais trouver de nouveaux équilibres

S’il est une chose sur laquelle notre panel des classes moyennes se veut lucide dans son discours, c’est la nécessité d’accepter que le monde ait changé… Et la nécessité absolue d’inventer d’autres équilibres, de reconstruire, économiquement et donc socialement, un nouvel écosystème dans lequel chacun pourrait à nouveau trouver sa place. Car au final c’est bien de cela qu’ils parlent quand ils évoquent sans affect mais sans hostilité non plus le monde des entreprises, y compris des très grandes, et ce qu’elles devraient apporter à la collectivité dans les années qui viennent et pour aider le pays à sortir de la Crise. Il ne s’agit plus tant de reconstruire un modèle juste ou injuste, mais de le reconstruire soutenable, apte à durer, en permettant à chacun de s’y retrouver et d’y jouer un rôle.

“Je pense que l’État devrait tout mettre en œuvre pour que les entreprises arrêtent de délocaliser, leurs donner des subventions au lieu de les taxer toujours plus. Il faut se mettre à leur place, ils sont là pour faire des profits et grâce à ces aides et moins de taxes ils proposeront des emplois en France et resteront ici. Je pense de plus que les Français prennent petit à petit conscience du problème, et qu’ils sont prêts à faire attention à acheter français et en plus des produits de meilleur qualité.”

L’émergence de la notion de "responsabilité économique"

Une notion de "responsabilité économique" émerge dans l'esprit de nos classes moyennes. Celle-ci ne consiste plus seulement à produire sans polluer et sans mettre en danger la santé ou la dignité des salariés. Elle inclut également la notion de respect des équilibres, perçus comme de plus en plus fragiles, de nos systèmes économiques, dont les délocalisations ou les disparités excessives de salaires sont vues comme à la fois des causes et des conséquences.

“Les entreprises devraient investir dans l’écologie, c’est à dire, moins polluer, recycler, ce qui pourrait peut-être permettre de l’embauche.
Il faudrait aider les petites et moyennes sociétés pour qu’elles investissent plus donc consomment, donc + de besoins + de fabrication, tout cela ferait une chaine qui leur serait bénéfique. Il faudrait favoriser l’embauche sans passer par des contrats aidés qui sont précaires, et ne restent qu’un pansement contre le chômage. Je pense qu’il faut dire au patronat, pensez un peu à vos ouvriers ils ont besoin d’argent et vous vous avez besoin d’eux.

“Je dirais cependant que j’aimerais que les grandes entreprises soutiennent plus les petites et moyennes entreprises de notre pays. Qu’elles leur apportent leur puissance financière et leurs réseaux.”

Une responsabilité qui est aussi de retrouver, bien sûr – c’était déjà un thème fortement présent en début d’année 2011- un nouvel équilibre entre dividendes et investissement d’innovation, par exemple :

“Il faudrait que les grandes entreprises arrêtent de délocaliser à l’étranger comme elles le font trop souvent pour un souci de rentabilité.
Elles devraient aussi réinvestir davantage qu’elles ne font au lieu de ne penser qu’aux actionnaires et à leurs profits personnels!”

Mais, surtout, d’assumer un rôle de proposition et d’entraînement de l’économie française en assumant un leadership responsable par rapport aux sociétés plus petites et plus fragiles, par exemple – c’est en ce sens que l’on peut parler de l’idée d’écosystème dans le langage de ces salariés.  De recréer un continuum entre patrons et salariés, entre petites et grandes entreprises. Entre actifs et jeunes cherchant à entrer sur le marché du travail, via la formation. Entre travailleurs manuels et professions intellectuelles, diplômés et non-diplômés.

« Il faut encourager vraiment à la création d’entreprises et former des ouvriers et techniciens qualifiés qui, pour moi, sont une réelle vitrine du savoir-faire français. »

« Avant, lorsque on avait pas de diplôme, on allait à l’usine et on se faisait une place dans la société, on vivait. Maintenant les usines délocalisent et nous, on reste au bord de la route…. Aussi, je pense qu’il faudrait tout remettre à plat. Je termine par une phrase de Coluche qui disait : la place doit être bonne en haut, tout le mon de la veut. Et c’est lui qui avait raison. »


 Et au final entre citoyens et élites.

“La relance économique passe, je le répète encore une fois, par une meilleure et plus juste redistribution des bénéfices réalisés. Il n’y a, dans mon propos, aucune volonté de ‘taper’ sur le patronat. Mais il ne faut pas confondre petites et moyennes entreprises qui, sans nul doute, souffrent de la situation présente, et trusts mondiaux. Ces derniers devraient donc s’engager, lorsqu’ils sont implantés sur le territoire français, sur la voie du partage de leurs richesses. Lorsque ces grands groupes auront compris que redistribuer une part de leur richesse, c’est créer de fait des consommateurs, ils auront tout compris. Allons messieurs les décideurs d’entreprises, faites le choix de donner la priorité à votre attachement à votre pays et devenez pour une fois RESPONSABLES. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, vous ne serez pas COUPABLES.

(Épisode1 de l'étude : Portrait-robot du président idéal des classes moyennes en 2012)
(Épisode 2 de l'étude : Mais où est donc passé le "made in France" ?)

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