Reconnaissance par l'ONU : un risque d'effet boomerang désastreux pour les Palestiniens<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelles autres conséquences cette proposition de Mahmoud Abbas pourrait-elle avoir dans la région ?
Quelles autres conséquences cette proposition de Mahmoud Abbas pourrait-elle avoir dans la région ?
©Reuters

Côté palestinien

Mahmoud Abbas dépose ce vendredi à l'ONU une demande de reconnaissance de l'État palestinien. Cette initiative pourrait "exacerber les divisions dans le camp palestinien" et favoriser un "embrasement généralisé" dans la région, selon l'islamologue Mathieu Guidère.

Mathieu  Guidère

Mathieu Guidère

Mathieu Guidère est islamologue et spécialiste de veille stratégique. Il est  Professeur des Universités et Directeur de Recherches

Grand connaisseur du monde arabe et du terrorisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Choc des révolutions arabes (Autrement, 2011) et de Les Nouveaux Terroristes (Ed Autrement, sept 2010).

 

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Atlantico : Le Président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dépose ce vendredi à l'ONU une demande de reconnaissance de l'État palestinien. Existe-t-il un consensus au sein même des Palestiniens sur cette initiative ?

Mathieu Guidere : Absolument pas. Il n’y ni consensus sur la démarche, ni sur la stratégie, ni sur les objectifs. La seule chose sur laquelle toutes les factions palestiniennes ont réussi à se mettre d’accord est de ne manifester ni pour, ni contre. Aujourd’hui en Palestine, les lignes d’opposition interne se dessinent ainsi :

  • D’un coté, le camp du “tout pour un État Palestinien”, quelque soit sa forme. Pour ce camp, c’est le symbole qui compte, il est ouvert à des négociations sur les frontières, sur la question des réfugiés, et sur les attributs de cet État. C’est la position défendue par Mahmoud Abbas depuis longtemps.
  • De l’autre, le camp du “tout sauf deux États”. Ceux-là réclament la disparition d’Israël, et invitent à poursuivre la lutte armée jusqu’à la libération totale des territoires palestiniens. C’est la position du Jihad islamique.

Entre ces deux positions extrêmes, il y a des groupes qui défendent des opinions trans-palestiniennes, plus nuancées et présentes dans chaque camp.


Cette proposition de reconnaissance d’un État palestinien auprès de l’ONU menace-t-elle l’équilibre interne des pouvoirs entre les Palestiniens ?

C’est un geste désespéré pour tenter de sauver ce qui reste de l’unité palestinienne. Mais cette proposition est contre-productive pour deux raisons : d’une part, parce qu’elle exacerbe les divisions dans le camp palestinien, et d’autre part, puisqu’elle va faire naître un énorme espoir dans la population palestinienne. Cet espoir va très probablement être déçu et va donc créer un fort sentiment de frustration.

Je crois que pour saisir la portée de ce qui se passe en ce moment, il faut se remettre dans le contexte des révolutions arabes. Cette demande s'inscrit dans un contexte de tensions politiques et sociales internes. Les dirigeants ont saisi l'occasion de formuler cette demande, car ils y perçoivent un symbole qui pourrait calmer les esprits. Il faut bien comprendre que les dirigeants palestiniens quelque soient leurs obédiences, ont une peur bleue du peuple palestinien.

Mahmoud Abbas a besoin d’envoyer un signal clair à sa population. S'il n'entreprend rien dans le contexte révolutionnaire actuel dans le monde arabe, il risque d'être balayé par le mécontentement populaire de l'intérieur.


Quelles autres conséquences cette proposition de Mahmoud Abbas pourrait-elle avoir dans la région ? 

Si la proposition passe, cela permettrait de montrer qu’il y a encore un chef à la tête du pays. Bon an, mal an, cela pourrait également fédérer les différentes factions autour de l'Autorité palestinienne.

La menace aujourd'hui, c’est une radicalisation des groupes d’activistes rebelles. Pour l’instant le Fatah et le Hamas focalisent et canalisent ces groupes armés, mais ça pourrait ne pas durer. Et si l'on se retrouvait sans interlocuteur de cette opposition armée, le risque d'insécurité et d'instabilité pourrait encore s'accroitre.

Ce risque est d'autant plus à craindre qu'il ne concerne pas uniquement les territoires palestiniens mais l'ensemble des pays limitrophes. Car si la demande de création d’un État palestinien est rejetée, le peuple palestinien risque de se soulever, entraînant soit la répression des organismes de sécurité palestiniens et israéliens, soit la compassion et le soutien des peuples voisins. Israël risquerait alors d’intervenir, mais face à la ferveur révolutionnaire arabe, on court à l’embrasement généralisé à moyen ou à long terme alors que la création d'un État palestinien aurait permis de pacifier la situation et d'éviter un "printemps palestinien".

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