"Mars One" : comment les 663 volontaires à un aller simple pour la planète rouge se sont laissé convaincre par un projet totalement absurde<!-- --> | Atlantico.fr
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663 volontaires à un aller simple pour la planète rouge se sont laissé convaincre par un projet totalement absurde.
663 volontaires à un aller simple pour la planète rouge se sont laissé convaincre par un projet totalement absurde.
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Trou noir

Le projet Mars One promet d'envoyer des civils sur la planète rouge en 2023. Mais les scientifiques doutent de sa faisabilité.

Ils s'appellent Sylvain, Aline ou Christine. Ils sont âgés de 22 à 46 ans et viennent de Paris, Toulouse, ou Bordeaux. L'un d'eux sera peut-être la première personne à mettre un pied sur Mars. Sur les 663 candidats au programme Mars One, 16 sont Français et ils rêvent tous de faire partie de la shortlist.

Mars One, c'est un projet à la fois fou et ambitieux : aller sur la planète rouge le plus vite possible et y installer une colonie humaine. Rien de plus sérieux dans les intentions. Née en 2011, Mars One est une fondation néerlandaise qui se présente comme une concurrente directe aux traditionnelles agences spatiales comme la NASA ou la désormais célèbre ESA (agence spatiale européenne).

Le co-fondateur et tête d'affiche du programme Bas Lansdorp, n'a rien d'un astronaute. Plutôt un jeune entrepreneur en quête d'aventures. "Personnellement, Mars One est surtout un challenge technologique pour construire la prochaine base humaine" raconte t-il au magazine Medium. Las d'une course à l'espace qui s'est considérablement ralentie depuis la fin de la guerre froide, il a su faire de son projet une promesse fascinante. Son idée ? Oubliez les astronautes. Ceux qui partiront sur notre planète voisine seront des simples personnes sans qualifications préalables. "Nous cherchons des colons pour représenter l'espèce humaine" explique le porte-parole Aashima Dogra. "Le plus important, c'est qu'ils puissent fonctionner en groupe. De toute façon, ils seront entrainés pendant 7 ans pour cette mission."

Succès considérable. Plus de 200.000 personnes dans le monde s'inscrivent à ce programme avec comme ligne de mire, un départ de la Terre en 2023. Même le prix Nobel de physique en 1999, le Néerlandais Gerardt Hooft s'enthousiasme pour " cette expérience dingue et fascinante".

Mais comment réussir là où les agences se donnent au minimum 10 ans de plus pour tenter l'expérience. La première idée est de restreindre les coûts. Pour financer le projet, la fondation a une idée insolite : faire de Mars One une téléréalité. On pourrait ainsi suivre les péripéties du petit équipage de 4 personnes lors de leur voyage et leur arrivée sur la planète rouge. Premier tollé dans la communauté scientifique.

 Ensuite, il s'agit de revoir les modalités de transport. De la même façon que Mars One fait partie du privé, la fusée qui partira dans l'espace vient aussi d'une entreprise privée. Il s'agira probablement d'une version améliorée de Falcon 9, le lanceur de SpaceX. Crée par Elon Musk, fondateur de Pay Pal, SpaceX est la première entreprise privée à envoyer des fusées dans l'espace avec un coût bien moins important que les lanceurs "officiels". Problème, Mars est à 8 mois de voyage et la fusée ne transportera pas assez de carburant pour revenir sur Terre. Les futurs colons sont prévenus, il n'y aura pas de voyage retour.

Pas de quoi effrayer les candidats prêts à sacrifier leur vie pour la cause humaine. Une candidate, Leila Zucker, interrogée par Slate confirme : "Personne d'entre nous ne prévoit de mourir, mais nous savons que cela peut arriver. Vous n'aurez pas ma vie pour rien, mais je suis prête à la donner pour mon rêve."

Beaucoup se voient comme des pionniers. "J'aime l'idée de sortir des sentiers battus afin de repousser les frontières" explique à FranceTVinfo Laurent Calmon, 35 ans, professeur de technologie. "C'est s'inscrire dans une lignée, celle des grands navigateurs comme Magellan, Christophe Colomb..." Mêmes accents lyriques pour  Christine Cadren, 46 ans, coiffeuse dans l'Aude: "C'est aussi l'opportunité de recommencer tout à zéro, de créer un nouveau monde sain. " Jacques Ferrari, 25 ans, renchérit : "il n'y aura plus de notion d'argent, ni de société hiérarchisée."

Encore faut-il arriver jusqu'à la bonne destination. Dans sa majorité, la communauté scientifique est dubitative. « Ils n'ont ni la notion du temps ni celle de l'argent », tranche François Forget, directeur de recherche au CNRS et planétologue, interrogé dans le Parisien Magazine. Pour lui, l'addition serait beaucoup plus salée, que les 5 milliards de dollars prévus. Elle avoisinerait plutôt les 200 milliards de dollars.

Surtout, si une fusée est prête pour 2023, le voyage s'annonce périlleux. Le matériel adéquat pour ce trajet unique est toujours en développement dans tous les centres de recherche mondiaux.
Ainsi, peu de chance de trouver d'ici 10 ans une capsule capable de bloquer les radiations cancérigènes que recevront les astronautes. Et comment réagirait le corps sur le long terme à une gravité beaucoup plus faible que celle de la Terre ?

 Surtout, une étude du Massachussets Institute of Technology (MIT) publiée courant octobre dresse la liste de ce qui attend nos apprentis astronautes. Premier problème, les stocks de nourriture prévus par Mars One seraient en dessous des besoins. Les Martiens pourraient donc mourir de faim. Autre possibilité, la mort par asphyxie. Les colons prévoient de cultiver des plantes vertes en serre pour produire de l'oxygène. Trop d'oxygène, qu'il faudra ventiler au risque de diminuer la pression de l'air et de mourir de suffocation. Pour le moment, un tel matériel ne fonctionne pas dans l'espace.

Le Canadien Chris Hadfield, célèbre astronaute et occasionnellement chanteur de l'espace a son avis tranché sur l'opération. "Je conseillerai à toutes les personnes intéressées par ce projet de se poser les bonnes questions maintenant" explique t-il à Medium. "Comment fonctionne une combinaison spatiale sur Mars ? Montrez-moi comment elle est pressurisée. Montrez-moi comment elle est refroidie. Et les gants ? Tout cela n'existe pas. Vous ne pouvez pas simplement aller les acheter au supermarché de l'espace."

Sur ces critiques, Bas Lansdorp reste vague, se contentant d'affirmer que ses experts lui assurent le bon fonctionnement du matériel.

Mais certains candidats commencent même à douter de la faisabilité, notamment en Chine. Qu'importe. Pour les 663 restants en lice, l'excitation ne retombe pas. En 2023, ils espèrent tous fouler le sable ocre, sur les traces du petit robot Curiosity.

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