Début de récession au Japon : cet "échec" qui devrait nous faire rêver en 5 graphiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Shinzo Abe.
Shinzo Abe.
©Reuters

Trompe-l'œil

Le gouvernement japonais dévoilait lundi les chiffres de la croissance du pays pour ce troisième trimestre 2014. Le pays entre dans une nouvelle récession mais peut se prévaloir de la création d'un million d'emplois nouveaux, d'un taux de chômage au plus bas depuis 1997 et de profits des entreprises attendus en hausse de 10%. Il y a des récessions que l’on peut envier.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Après une forte chute forte de 7.3% au second trimestre, Shinzo Abe se devait de redresser la barre. Mais une nouvelle fois, le PIB s’est contracté, cette fois de 1.6% (en annualisé). Et ce chiffre est évidement une déception car il signifie que le Japon vient d’entrer dans une nouvelle récession. Shinzo Abe n’est pas parvenu à atteindre les objectifs qu’il s’était fixé à cette échéance. Cependant, l’analyse des statistiques japonaises permet une vision quelque peu différente du simple préjugé de l’échec des Abenomics.

La première anomalie de cette nouvelle récession japonaise est l’emploi. En effet, le chômage du pays est au plus bas depuis 1997 :

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Avec un taux de chômage de 3.59% au mois de septembre 2014 ; la Japon fait simplement figure de champion toute catégorie pour un pays ayant une population aussi importante, c’est-à-dire de 127 millions de personnes. Il ne s’agit pas de la Suisse. Pourtant, cet argument est régulièrement réfuté sur la base de la baisse de la démographie japonaise qui serait un moyen détourné de faire baisser le chômage.

Mais il n’en est rien. En effet, depuis l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe et la mise en place des Abenomics, le pays a créé 1 million d’emplois. 

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L’intérêt de cette comparaison réside dans le fait que malgré la baisse de la population, le nombre d’actifs augmente au Japon. Signe que le marché de l’emploi est considéré comme attractif et que la volonté du premier ministre d’obtenir une plus grande participation des femmes à l’économie est suivie d’effet.

La seconde anomalie japonaise découle encore une fois de cette même question démographique. En effet, le cas de la croissance japonaise doit désormais être considéré en relation avec sa population, puisque celle-ci est décroissante depuis 2011 :

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Ainsi, une comparaison de la croissance japonaise ne peut être réalisée que sur la base d’une mesure plus « juste » concernant la démographie du pays, c’est-à-dire en se basant sur l’évolution du PIB par habitant. Le marasme Français peut alors servir de point de comparaison depuis le creux de la crise en janvier 2009 :

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La croissance japonaise par habitant a été presque trois fois plus forte que la croissance française dans le courant de cette période, soit l’équivalent de l’Allemagne. Pour une économie en «échec », il y a pire. De plus, si la France a connu une croissance de son PIB de 0.3% au troisième trimestre 2014, elle a bien détruit 34 500 emplois. De son côté, la récession de 0.4% au Japon a été témoin de la création de 31 000 postes supplémentaires. Il y a des récessions que l’on peut envier.

Concernant les entreprises, l’idée de récession paraît également surprenante. En effet, les profits des 195 plus grandes entreprises japonaises sont attendus en hausse de 10% pour cette année fiscale, à 120 milliards d’euros, un record absolu pour le pays. Le constructeur automobile Toyota espère ainsi  franchir la barre des 16 milliards d’euros, à lui tout seul.

Au-delà de ces résultats, Shinzo Abe avait un objectif dès sa prise de pouvoir; en finir avec la déflation qui frappe le pays depuis 1997. Et sur ce point, la victoire n’est pas encore acquise, même si le décollage de l’inflation reste impressionnant :

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Mais les chiffres ici présentés sont en trompe l’œil car ils prennent en compte « l’erreur » commise par le gouvernement de Shinzo Abe. En ce sens que le premier ministre a été trop gourmand. En effet, en avril dernier, la TVA était relevée de 60%, (c’est-à-dire de 5 à 8%)  afin de redresser la situation budgétaire du pays. Une hausse qui aura lourdement plombé la consommation des ménages et provoqué cette du baisse du PIB depuis le mois d’avril. Etant donné que toute hausse des impôts indirects est à prendre en compte dans le calcul de l’inflation, la hausse de ces deniers mois est donc à relativiser. Car en retirant cette hausse de la TVA, l’inflation japonaise est aujourd’hui à un niveau de 1.2%, soit un chiffre encore bien inférieur de l’objectif annoncé de 2% par la Banque du Japon et Shinzo Abe. Le gouvernement prend acte de son manque de résultats et intervient. Il ne se contente pas des chiffres actuels.

Voilà pourquoi la Banque du Japon, dans un grand coup de bluff,  a décidé de franchir une nouvelle étape du plan de relance monétaire déjà existant, afin de soutenir davantage l’économie du pays. Le signal est très clair pour le marché; l’autorité monétaire ne renoncera pas à atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée pour 2016 : 2% d’inflation. Dans son dernier rapport, la Banque du Japon a ainsi pu faire état de sa méfiance envers la « mentalité de déflation » qui continue de sévir dans le pays, et souhaite obtenir la rupture. Ce sont environ 200 milliards supplémentaires qui vont être injectés dans l’économie afin de provoquer ce changement de mentalité. Cette radicalité de la part du gouverneur Haruhiko Kuroda était inattendue. Pour obtenir le changement, le patron de la Banque du Japon a choisi de secouer la pulpe du fond de la bouteille.

Et ce n’est pas fini. Alors que Shinzo Abe envisageait de redresser une nouvelle fois la TVA en octobre 2015, de 8 à 10%, l’envie se fait aujourd’hui moins pressante. Le précédent du mois d’avril 2014 a été une douche froide sur le plan des résultats. Ce qui signifie que pour l’avenir, les Abenomics ne devraient plus subir d’entraves majeures.

A lire également, le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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