Du matin, du soir, énergique ou léthargique : les leçons de la science pour gérer la fatigue en fonction de votre chronotype<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon une récente étude, il n'existe pas deux profils de dormeurs, mais quatre.
Selon une récente étude, il n'existe pas deux profils de dormeurs, mais quatre.
©Reuters

Bien se connaître

Récemment, une étude a révélé que le nombre de chronotypes, c'est-à-dire les différents rythmes biologiques, n'était pas de 2 mais de 4. Et si les chronotypes résultent parfois d'un mauvais réglage de l'horloge biologique, la science peut vous aider à retrouver un rythme plus adapté, voire à optimiser votre temps de sommeil.

Michèle  Freud

Michèle Freud

Michèle Freud est psychothérapeute et directrice d'une école de sophrologie. Elle est également l'auteur de " Se réconcilier avec le sommeil", "Réconcilier l'âme et le corps" et "Mincir et se réconcilier avec soi", "Enfants, ados... les aider à dormir enfin"

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Joëlle Adrien

Joëlle Adrien

Joëlle Adrien est neurobiologiste et directrice de recherche à l'INSERM et à la SFRMS (Société française de recherche et médecine du sommeil). Elle est aussi présidente de l'Institut National du Sommeil et de la vigilance, etauteur de Mieux dormir et vaincre l'insomnie, paru chez Larousse en juin 2014.

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Atlantico : D'après une étude menée par la Siberian Branch of the Russian Academy of Sciences, sur 130 personnes, il n'existerait pas seulement deux profils de dormeurs, mais quatre. En plus de ceux "du matin" (29 personnes) et de ceux "du soir" (44), on trouverait les "énergiques" (25), qui ont le même niveau d'énergie toute la journée, et les "léthargiques" (32), qui ne parviennent jamais à vraiment se réveiller. Le schéma classique auquel nous sommes habitués serait-il erroné ?

Joëlle Adrien : Le schéma classique des profils "du soir" ou "du matin" repose sur le rythme de l'horloge biologique qui détermine les heures préférentielles auxquelles chacun sera éveillé ou endormi (voir le schéma de l'oscillation de l'horloge biologique). Ces profils correspondent à l'heure du maximum et du minimum de l'oscillation de l'horloge. Pour un profil "moyen", le maximum est vers 17h et le minimum vers 5h. Les gens "du soir" ont un maximum et un minimum retardés d'1 à 3h par rapport au profil moyen. A l'inverse, ceux "du matin" on un maximum et minimum avancé par rapport au profil moyen.

L'étude ici ne contredit pas cette notion mais ajoute deux profils qui sembleraient se différencier, non plus sur les horaires de minimum ou maximum, mais sur l'amplitude du rythme de l'horloge biologique. En effet, l'oscillation de l'horloge biologique se définit pas plusieurs facteurs: sa période (ici 24h pour tous), son nadir (décalé en retard ou en avance selon le profil soir ou matin), et son amplitude (l'écart vertical entre le minimum et le maximum). Quand on observe l'oscillation de l'horloge biologique, illustrée par la température interne du corps, on peut voir qu'elle est élevée pendant la journée et basse pendant la nuit. Cette courbe correspond également au niveau de vigilance. Un fort différentiel entre le jour et la nuit, entre l'éveil et le sommeil, est un bon garant de la qualité de la vigilance le jour et de la qualité du sommeil la nuit. On peut donc imaginer que les sujets "énergiques" de cette étude ont une horloge biologique qui fonctionne avec une forte amplitude tandis que les "léthargiques" sont des personnes ayant un différentiel jour/nuit insuffisant, probablement dû à un mauvais réglage de leur horloge biologique (ceci peut être lié à l'âge, à le sédentarité, à une irrégularité du rythme veille/sommeil, ... etc).

Dr Joëlle ADRIEN

Inserm

Michèle Freud : Je n’ai pas eu connaissance de cette étude. Pourquoi certains se réveillent dynamiques et en pleine forme, d’autres plus léthargiques, même s’ils ont eu dans les deux catégories un sommeil suffisant ? Une question plutôt de profil de personnalité, de tempérament, de caractère peut-être ? Le sommeil reste un mystère, et à ce jour, les processus de réveil sont encore assez mal connus, mais les recherches sont constantes et n’ont pas fini de nous révéler les arcanes.

Faut-il voir dans le profil des sujets dits "léthargiques" une forme de handicap, ou bien peuvent-ils être tout autant efficaces au quotidien que les "énergiques" ?

Joëlle Adrien : On peut toujours améliorer le fonctionnement de son horloge biologique. Pour cela, il faut savoir que l'horloge a besoin de signaux de synchronisation à heure régulière jour après jour. Le signal le plus efficace pour augmenter l'amplitude de l'oscillation de l'horloge est la lumière: il faut donc s'exposer à la lumière (du jour ou d'une lampe de luminothérapie) tous les jours, de préférence le matin. Si cette exposition (environ 1h passée à l'extérieur à la lumière naturelle) est quotidienne, elle sera très efficace pour améliorer le fonctionnement de l'horloge biologique, surtout si cette exposition est associée à une activité physique soutenue. Par exemple, de la marche active pour aller au travail le matin (s'il fait jour) ou bien en milieu de journée.

Michèle Freud : La léthargie, forme de nonchalance apathique n’est pas à confondre avec le flegme. Elle peut être une forme de ralentissement  des fonctions motrices, consécutive à un sommeil insuffisant, ou à un épisode fiévreux, ou encore liée à une mélancolie, une dépression avec abattement profond, 

Le sujet dit "flegmatique" lui, garde son sang-froid, il analyse avec raison les décisions à prendre, a le sens des responsabilités. Il peut être en effet tout aussi efficace et performant au quotidien que l’énergique, avec un sens de l’analyse réfléchi,

Comment expliquer que les personnes observées dans le cadre de cette enquête soient plus nombreuses à être "du soir" ? Cela se constate-t-il au niveau de la population ?

Joëlle Adrien : Il est connu, et l'étude ici le confirme, que les profils "du soir" sont plus répandus que ceux "du matin". Cette caractéristique pourrait relever d'une adaptation au rythme social qui nous incite à avoir des activités de loisirs assez tard dans la soirée, notamment du fait des horaires des programmes télévisuels ainsi que de l'envahissement des écrans (internet, tablettes, Smartphones...) jusque dans la chambre à coucher et dans le lit.

Michèle Freud :Il me semble que le mode de vie actuel avec son trop plein d’activités, de sollicitations et de stimulations incite à se coucher plus tard. On sait aussi que des activités telles que l’exposition à la lumière des tablettes, écrans en tous genre maintient le système d’éveil et empêche la sécrétion de la mélatonine, l’hormone du sommeil…On retrouve de plus en plus de personnes du reste en retard de phase parmi les jeunes adultes et les ados. Le syndrome de retard de phase se présente comme une insomnie d'endormissement avec un réveil tardif et difficile le matin. Dans les cas de syndrome de retard de phase, l’exposition à la lumière du jour, tôt le matin, avance les rythmes circadiens. En inhibant la sécrétion de mélatonine (hormone du sommeil), elle décale favorablement l'heure du coucher et du lever.

Plus généralement, comment expliquer que face au sommeil nous ne soyons pas tous faits dans le même moule ? Y a-t-il une dimension culturelle ou éducative qui vient s'ajouter ?

Joëlle Adrien : Nous ne sommes pas tous dans le même moule car il s'agit de caractéristiques génétiques. Mais, comme dit plus haut, ces caractéristiques peuvent être limitées ou au contraire encouragées par des habitudes: culture ou éducation. A cet égard, le cas des adolescents est très parlant.

A l'adolescence, il y a un retard naturel du rythme de l'horloge biologique, pour des raisons hormonales. Ce retard est actuellement aggravé par les habitudes des adolescents, notamment les réseaux sociaux, les "chats", internet, les écrans. Cette situation est préoccupante car, justement, les adolescents ont besoin de dormir au moins 9 heures et les horaires du collège ou du lycée ne leur permettent pas d'avoir leur quantum de sommeil s'ils s'endorment tard le soir. Certes, ils récupèrent un peu de sommeil le matin en fin de semaine, mais le fait de se réveiller plus tard ces jours-là retarde encore plus leur horloge biologique. Il est donc important d'utiliser ici les leviers éducatifs - auprès des parents aussi bien que des enfants- pour limiter ce "jet-lag social" qui pénalise nos adolescents.

Michèle Freud : Oui des différences  existent :

Culturelles tout d’abord une étude indique que les enfants italiens de 6 ans dorment 2 heures de moins que les enfants anglo-saxons ou suisses. Cette diminution du sommeil est probablement liée à un coucher beaucoup plus tardif chez les enfants italiens, la diminution du sommeil nocturne n’étant pas compensée, à cet âge, par un éveil plus tardif.

Educatives aussi : manque de fermeté chez certains parents qui ne parviennent pas à fixer des limites, présence permanente d’une télévision, tablette, Smartphone, console de jeux dans la chambre, etc.. générant des irrégularité dans les heures de coucher, alors que d’autres sont très vigilants  à cette régularité précisément…

Les personnes âgées ayant tendance à se coucher plus tôt et à dormir moins longtemps, cela veut-il dire qu'au fil des ans on peut passer par plusieurs profils de dormeur ? Ou bien appartient-on éternellement à une même catégorie ?

Joëlle Adrien : De la même façon que l'horloge biologique des adolescents retarde, celle des personnes âgées avance. Parallèlement, l'amplitude des oscillations de l'horloge diminue, avec des épisodes de somnolence pendant la journée et un sommeil moins profond pendant la nuit. Ces modifications sont physiologiques: c'est le sommeil qui "prend de l'âge". On peut cependant, en améliorant le fonctionnement de son horloge biologique (éviter la sédentarité, s'activer et s'exposer à la lumière pendant la journée), ralentir cette évolution naturelle du sommeil avec l'âge.

Michèle Freud : En effet, le sommeil de la personne âge se modifie. Il devient également plus léger avec des difficultés d’endormissement quelquefois, des réveils plus importants à la fin de chaque cycle, et moins de sommeil profond. Le sommeil a tendance à se décaler un peu plus tôt dans la soirée et les personnes âgées du fait de cet endormissement précoce sont en avance de phase, Elles ne changent pas de  catégorie néanmoins, même si la durée de sommeil nocturne diminue quelque peu, elle reste assez stable sur 24 heures en raison de la réapparition de siestes.

Que l'on soit du matin ou du soir, les horaires de travail, eux, ne varient pas. Selon les profils, quels conseils donnez-vous pour réussir à faire face pendant toute la journée ?

Joëlle Adrien : On peut adapter son rythme biologique aux horaires de travail en synchronisant son horloge biologique par les bons signaux au bon moment, et ce de façon régulière (tous les jours). Pour ceux "du soir", s'exposer à la lumière et avoir une activité physique en début de journée. Et, au contraire, limiter ces signaux en fin de journée (pas de sport après 19h, pas d'écrans d'ordinateur ou tablette le soir après dîner).

Pour ceux "du matin", les horaires de travail ne posent généralement pas de problème. Cependant, s'ils désirent pouvoir se réveiller plus tard pour "profiter" de leur soirée en évitant d'avoir sommeil trop tôt, alors il est recommandé de s'activer et s'exposer à la lumière en fin d'après-midi ou début de soirée.

Michèle Freud : Les suggestions pour mieux réguler son horloge interne sont  de plusieurs ordres:

  • Savoir exactement quels sont ses besoins en sommeil
  • Avoir un SAS de décompression avant de s’endormir, en faisant le calme
  • Etre à l’écoute des signaux du sommeil et se coucher uniquement à ce moment-là.
  • Avoir également une régularité dans les heures de coucher et de réveil
  • S’exposer dans la journée, à la lumière du jour,
  • Avoir une activité physique régulière.

Pour les couche-tot : la lumière du jour est le plus puissant synchronisateur de l’horloge circadienne humaine. La sensibilité de l’horloge biologique à la lumière dépend de l’intensité, de la durée, de l’heure, du mode d’exposition et de la longueur d’onde lumineuse. Le moment de la journée auquel l’exposition survient, affecte donc la façon dont l’horloge se synchronise à l’environnement. Ainsi, une exposition en fin de soirée retarde les rythmes circadiens et par conséquent, la tendance à s’endormir et à s’éveiller est différée.

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