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Le G20, la finance et le risque systémique : en 2008, on devait en finir avec le Too Big To Fail… 6 ans plus tard, rien n’a changé
©Reuters

JDCJDR

Bis repetita. Le G20 devrait proposer des règles pour mettre fin au "Too Big To Fail" des banques. Comme en 2008, où c'était sa priorité...

Jean-Michel Rocchi

Jean-Michel Rocchi

Jean-Michel Rocchi est professeur affilié de Finance à l’université Paris-Dauphine.

Il est auteur ou co-auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages dédié à la finance. Il est notamment l'auteur de Les paradis fiscaux (Sefi, mai 2011) et de plsuieurs ouvrages sur les hedge funds.

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Il faut bien comprendre que le « Too Big to Fail » ou trop grande pour mourir (les américains disent le « TBTF ») est plus un phénomène européen (on ne laisse pas mourir les grandes institutions financières) qu’américain ou l’on a une vision assez darwinienne et inspirée de la destruction créatrice de Schumpeter : les mauvais doivent disparaître, c’est dans l’ordre des choses. Parmi les plus grandes faillites bancaires américaines, on peut citer Washington Mutual (2008), la célèbre Continental Illinois National Bank and Trust (1984), la City Federal Savings and Loan (1989), La First Republic Bank (1988) IndyMac (2008) American Savings and Loan (1988), Colonial Bank (2009) … Cette liste non exhaustive nous montre les deux périodes de crise sévère du système bancaire américain : la crise des Savings & Loans Associations et plus récemment la crise financière actuelle.

Le véritable problème introduit dans le système économique par la régulation et de l’interventionnisme public est bien connu des économistes par le phénomène dit de « moral hazard » (ou de l’aléa moral). Celui dont les erreurs sont en quelque sorte assurées (système du prêteur en dernier ressort pour les banques) est incité à prendre plus de risques. Tant que cela va bien les bonus réalisés grâce à des risques élevés sont privatisés, lorsque cela tourne mal le coût  économique des erreurs est mutualisé. Autrement dit les comportements moralement répréhensibles et les fautes de gestion des mauvais banquiers (qui ne relèvent guère des tribunaux) restent largement impunis et les erreurs sont soldées par les Etats, et en définitive par les contribuables. Néanmoins, s’il y a des faillites, c’est aussi et surtout parce qu’un monde sans risques cela n’existe pas. On connait la célèbre phrase de Frank Borman : « le capitalisme sans la faillite, c’est comme le christianisme sans l’enfer ». Pour employer un terme un peu pédant, il lui est consubstantiel.

Faire le bon diagnostic d’un phénomène économique choquant ne suffit pas pour autant à trouver une solution aisée et praticable. Il est assez difficile de laisser disparaître les banques pour punir quelques individus car en pratique il faut bien protéger les avoir des déposants de la banque, c'est-à-dire du public. Lors de la crise financière des montants considérables ont été affectés à la sauvegarde des actifs des clients ce qui consistait aussi à sauver l’économie toute entière.

Plafond des aides au secteur bancaire et par pays


En réalité la restructuration du paysage bancaire à travers le monde a de manière principale été effectuée par le secteur privé comme l’atteste le tableau ci-dessous :

Néanmoins, le rôle de l’Etat étant très important on s’aperçoit que même lorsqu’il s’agit du secteur privé il n’est jamais très loin, comme par exemple dans l’affaire Fortis, ou encore dans la liquidation ordonnée de Dexia ou à la fin des années 90 lors de l’affaire Crédit Lyonnais et la constitution d’une structure de cantonnement dédiée : le Consortium de Réalisation (CDR). La politique du G8 a consisté à accroître le caractère préventif des choses afin de tenter de réduire à l’avenir les coûts des difficultés bancaires pour la collectivité.

Parmi les mesures récentes dans le monde et sans prétendre à l’exhaustivité on peut citer :

- La création en avril 2009 du Conseil de Stabilité Financière (CSF) en remplacement du forum de stabilité financière, instance de coopération qui réunit les pays du G 20 (il travaille notamment sur la solidité des échanges des produits dérivés OTC).
- Au niveau européen : on vise à prévenir le risque systémique (la théorie du domino : une faillite isolée entrainant l’industrie financière, l’affaire Lehman Brothers en septembre 2008 atteste de la pertinence de cette approche)
- Le Comité Européen du Risque Systémique (CERS) qui est en charge de la surveillance macro-prudentielle (le marché européen)
- Le Système Européen de Supervision Financière (SESF) qui exerce une surveillance micro-prudentielle au niveau de chacun des Etats au travers de trois relais sectoriels : l’Autorité Bancaire Européenne, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers, l’Autorité Européenne des Assurances et des Pensions Professionnelles.  
- L’Union Bancaire Européenne en vigueur depuis ce mois ci : La BCE aura désormais dans la zone euro la responsabilité des agréments, de la supervision directe des établissements significatifs (environ 130 banques), la supervision indirecte des autres banques (environ 5900 banques).  

La question à présent c’est de savoir quelle sera l’efficacité de ces dispositions, il est bien trop tôt pour le dire. Pour conclure, faut-il supprimer l’Aléa Moral ? On connait la célèbre phrase d’André Malraux qui reste plus que jamais d’actualité : « L’approche de la faillite apporte aux groupes financiers une conscience intense de la nation à laquelle ils appartiennent » (La Condition Humaine, 1933).

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