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Le closergate a servi de révélateur au mépris profond de la classe politique pour les lecteurs de la presse people qu’elle courtise pourtant quand ça l’arrange
©Charles Platiau / Reuters

Bonnes feuilles

Directrice de la rédaction de Closer, Laurence Pieau nous raconte en détail comment le groupe Mondadori, propriétaire du titre, prit la décision audacieuse de publier ces images, et leur gigantesque retentissement... Extrait de "Scoop story", publié chez First (2/2).

Laurence  Pieau

Laurence Pieau

Laurence Pieau est actuellement directrice du magazine Closer.

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« Non mais sérieux, il se passe quelque chose là… Stéphane, on se remet dessus ? Tu crois que si on arrive à faire quelque chose, on nous laissera le sortir ? » « On », c’est Mondadori, le groupe italien auquel appartient Closer. Stéphane, c’est Stéphane Haitaïan, aujourd’hui directeur exécutif et éditeur historique de Closer. Entré en 1998 au marketing chez Emap, le groupe anglais qui a lancé Closer, Stéphane est aventureux, loin du sérail, et c’est tant mieux, indépendant et « dans une ligne anglosaxonne », comme disent les journaux sérieux. La « ligne anglo-saxonne », c’est le truc qui fait peur, les mots qu’on nous sort régulièrement à Closer. Ils sous-entendent la menace à peine voilée de tabloïds anglais débarquant en France et signant l’arrivée dans l’Hexagone d’une presse sans limites. Mais si les Britanniques ont notamment inspiré Stéphane, c’est davantage par leur politique marketing. En 2005, date du lancement de Closer, dont il avait imaginé la stratégie marketing, les deux premiers numéros du magazine furent proposés en kiosque à des prix réduits : les concurrents français s’étaient offusqués, avaient dénoncé une presse « bradée »… avant de s’empresser de faire pareil, quelques mois après. « Et pourquoi on n’irait pas ? » C’est ce qu’il dit souvent, Stéphane, quand on s’autocensure, quand on s’interdit – on ne sait plus pourquoi – de traiter certains sujets. C’est ce qu’il a dit en 2006, lorsqu’il a insisté pour tenter une couverture avec Ségolène Royal en maillot. Closer est depuis, comme l’écrit Le Monde, le magazine qui a « généralisé en France le paparazzi politique ».

Un éditeur, c’est en théorie quelqu’un qui tient les cordons de la bourse, qui veille à l’équilibre financier du titre, dirige les différents services affiliés à un titre, marketing, diffusion, publicité, abonnements, travaille au développement de la « marque » et de son audience, si importante à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux. Les éditeurs ont souvent un rôle de l’ombre. Mais il est essentiel. Car l’éditeur est aussi celui qui accompagne les choix éditoriaux du magazine, c’est lui qui ira défendre devant les grands patrons le scoop Closer, si scoop il y a. Lui qui assumera d’avoir pris sur lui d’autoriser une enquête sur le président de la République si ça tourne mal, d’avoir laissé investir dans une, deux, trois semaines de planque. Sans éditeur pour assumer avec vous les échecs, les critiques, les coups qui n’aboutissent pas, les avocats qui vous guettent, impossible de sortir de gros coups.

Dans la presse people plus particulièrement, où le moindre papier est décortiqué par les avocats des stars, où les bien-pensants guettent le faux pas de ces magazines à propos desquels l’indignation est bien facile, pas un rédacteur en chef ne peut prendre de vrais risques s’il n’a derrière lui un éditeur prêt à le soutenir. Et les éditeurs solides, ça ne court pas les rues. « On travaille à nouveau dessus, O.K., mais on n’y passe pas cent ans non plus. » Nouveau coup de fil à Seb, donc… « Tu es en commande. » Entre deux planques, Sébastien Valiela n’a jamais lâché l’histoire. Fils d’architecte, arrière-petit-fils du maire de La Baule, Seb est un acharné, une denrée rare. Le seul photographe qui n’a jamais voulu devenir « quelqu’un d’autre » qu’un paparazzi. Le seul qui se marre toujours autant à l’idée de se cacher derrière une poubelle ou de se déguiser en bouquiniste sur les quais de Seine pour planquer tranquille et réussir, en plus, à vendre des livres aux passants ! Comme beaucoup d’entre nous, Seb a grandi avec Paris Match, ses photos à gros grain, ses planques sur les traces de Stéphanie de Monaco, ses récits hauts en couleur de paparazzi… Sur les plages longues et dégagées de La Baule, il a commencé ses premières planques à l’âge de 16 ans. En 1994, tout le monde le sait aujourd’hui dans le milieu, c’est lui (avec Pierre Suu) qui a fait les premières photos de Mazarine. Il avait 20 ans, elle aussi, et il offrait à Paris Match un des plus gros scoops de son histoire. Une photo le montre tout gringalet sur le pont des Arts en train de shooter « Maza » et Ali Badou, le présentateur de Canal + qui était à l’époque son fiancé. Sébastien Valiela, qui la ramène moins que d’autres, s’est un peu laissé voler son coup.

Après plusieurs années aux États-Unis à bosser à l’américaine, au milieu de très (trop) nombreux photographes, il en est revenu dans l’idée de renouer avec une façon de travailler à l’européenne. Ce qui veut dire rester longtemps sur un sujet, commande ou pas, et continuer, continuer alors que les autres décrochent et passent à autre chose. Contrairement à d’autres photographes, Sébastien a aussi une vraie maîtrise des réseaux sociaux. À la différence des patrons de journaux ou de services photo qui lui passent commande, lui est dans la rue, au contact direct des people. Et comme il a le coeur tendre et qu’il est plutôt sympa, il arrive qu’il sympathise avec les stars qu’il shoote… Mais quand il sympathise, Sébastien ne planque plus. C’est son talon d’Achille. Ils ne le sauront probablement jamais, mais une poignée d’actrices et de comédiens qu’il a laissés filer peuvent lui dire merci… Sur Julie Gayet donc, Seb a travaillé à sa manière, c’est-à-dire qu’il n’a jamais vraiment lâché. Entre deux planques, deux commandes, dès qu’il a eu un moment de libre, il y est revenu. C’est lui qui trouve l’adresse de la rue du Cirque. Seb connaît bien le quartier de Saint-Germain, il y a fait quelques jolis coups. C’est en traînant au Flore qu’il a repéré Julie Gayet. Et qu’il a observé qu’un garde du corps du président (on notera qu’il y a des endroits plus discrets) venait la récupérer au volant d’une voiture officielle. La rue du Cirque n’est pas très loin, à quelques enjambées de la Seine… La voiture officielle l’a conduit directement devant l’immeuble qui abrite les amours présidentielles. C’est simple, trop simple pour certains, mais c’est comme ça… Depuis, assisté de Laurent Viers, il planque jour et nuit dans la cage d’escalier de l’immeuble situé en face du 20 ou bien dans le « soum ».

Extrait de "Scoop story", de Laurence Pieau, publié chez First, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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