La patronne d’Armentières qui disait sur TF1 que ce gouvernement a fait plus pour les entreprises que tous ses prédécesseurs : le VRAI bilan des mesures pro-entreprises depuis 1995<!-- --> | Atlantico.fr
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Une chef d'entreprise a interpellé François Hollande, jeudi, sur ses difficultés.
Une chef d'entreprise a interpellé François Hollande, jeudi, sur ses difficultés.
©Reuters

Rétrospective

Karine Charbonnier-Beck, 46 ans, directrice générale de Beck-Crespel, a interpellé jeudi soir François Hollande sur les sujets qui irritent le patronat, et notamment les mesures engagées : "Le CICE, c'est 300 000 euros pour nous (son entreprise), dont les trois quarts ont été consommés par les précédentes augmentations de taxes (3 millions d'euros d'excédents de taxes). Ce n'est pas de nature à augmenter notre chiffre d'affaires et l'emploi en France".

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Lors de son émission à l'occasion de sa mi-mandat du jeudi 9 novembre, François Hollande a eu un échange avec 4 Français, supposés représentés les difficultés auxqeulles était confronté le pays. Parmi eux, la dirigeante de Beck Industries, Karine Charbonnier, qui a soulevé le problème de la compétitivité et surtout des charges qui pesaient sur les entreprises, frein important à l'emploi et à l'investissement. Cette dernière n'a toutefois pas manqué de noter les mesures engagées en faveur des entreprises, alors que selon elle, "les précédents gouvernements ne l'ont pas fait". Petite rétrospective...

1- Exonération charges sociales smic (gouvernement Juppé 1997)

En 1997, le contexte est tendu du fait de la hausse des prélèvements obligatoires de 1996 (discours de Jacques Chirac de novembre 1995 : le tournant  et le Gouvernement cherche à faire un geste en faveur des entreprises et aussi, évidemment, de l'emploi qui se dégrade. Le principe est l'exonération de charges sociales pour les salaires voisins du SMIC : jusqu'à 1,3. Ceci concerne 5 millions de salariés et permet de faire baisser le coût du travail d'une personne au SMIC de 12%. Dans un rapport du Conseil économique et social (Cahuc, Cette et Zylberberg) publié en 2008 (La Documentation Française), les auteurs se posent la question : " Comment concilier justice sociale et efficacité économique ? ". Ils aboutissent à une série de conclusions notamment sur les baisses de charges.

" L'avantage principal d'un allègement de cotisations sociales est qu'elle pourrait aider, par l'incitation financière qu'elle contient, à la dynamisation de la négociation collective dans le domaine salarial. (...) L'efficacité économique n'est cependant pas avérée. En premier lieu, l'objectif de l'allègement de cotisations sociales n'est pas de financer les augmentations de salaire mais de favoriser l'emploi. Ensuite, ( ...), le dispositif a déjà été modifié près d'une fois par an en moyenne depuis la première moitié des années quatre-vingt-dix et ces changements en ont vraisemblablement atténué l'impact positif sur l'emploi des personnes les moins qualifiées. " (page 101).

En synthèse, on observe donc une instabilité des mesures d'allègements de charges, qui – de surcroît – sont ambivalentes : elles veulent épauler la trésorerie des entreprises et leur compétitivité tout en cherchant à stimuler l'emploi. A courir des objectifs dissemblables, on risque le sur-place en termes d'efficacité.

2- Assouplissement des 35h (gouvernement Raffarin, 2003)

Le Président Chirac n'a jamais été un grand spécialiste des questions d'entreprises à l'inverse de son éminent conseiller Jacques Friedmann (ancien de l'UAP). En cohabitation, les 35 heures ont eu force de loi. Réélu, Jacques Chirac a confié à François Fillon le soin d'alléger les contraintes des 35 heures, autrement dit de les assouplir.

La France industrielle commence à reculer en compétitivité : un rapport de Michèle Debonneuil et Lionel Fontagné pour le Conseil d'analyse Economique l'établit clairement dès 2003. Il fait suite au rapport de l'élu socialiste MIchel Charzat de 2001 qui énonce des recommandations susceptibles "d'attirer ou de maintenir sur notre territoire les talents, les capitaux, les centres de décision économique, scientifique et culturel" (Rapport à Lionel Jospin sur l'attractivité du territoire, juillet 2001).

On notera le soin de la formulation qui pourrait être de 2014...

À compter du 1er juillet 2003, seront fusionnées deux mesures d’allégement de charges : la réduction dégressive sur les bas salaires et l’allégement de cotisations sociales liés à l’application des 35 heures, suite à l’adoption de la loi Fillon du 17 janvier 2003.  Tous les salariés titulaires d’un contrat de travail ouvrent droit à la réduction de cotisations (CDI, CDD, temps complet, temps partiel…).

Contrairement aux réductions Aubry I et II, l’octroi de la réduction “Fillon” n’est pas subordonné au passage aux 35 heures. Les salariés ouvrent donc droit à la réduction “Fillon” quelle que soit leur durée du travail.

Par cette mesure, les entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures au 1er juillet 2003 ne seront plus incitées à le faire : tel est un des buts affichés de cette disposition.

Là encore, l'Etat doublonne le coût (aides aux 35 heures, réductions Fillon) et cherche à faire coup double : emploi et détricotage d'une loi trop emblématique pour pouvoir être abrogée.

Les effets obtenus ne sont guère probants. En revanche, il ressort nettement du graphique ci-après que le poids des allègements de charges a atteint plus de 25 milliards d'euros en 2009 contre 15 mds en 2003 et 7 mds en 1997. Autant de sommes qui n'étaient pas totalement financées et ont concouru à la hausse tendancielle de la dette publique.

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3-Pérennisation du Crédit Impôt Recherche (gouvernement Fillon, 2008)

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) a été créé en 1983 comme un dispositif provisoire d’incitation pour les entreprises françaises à renforcer leurs investissements en matière de R&D.

La crise bancaire est sur le point d'éclater et le profond changement de conjoncture va arriver. Le Gouvernement, assez éloigné de la crise des subprimes de 2007, est dans la logique d'application de sa plateforme électorale. Et une inflexion conjoncturelle majeure est sous-jacente.

En 2008, le CIR a enregistré sa principale réforme, en passant "au tout en volume", avec un taux générique fortement augmenté à 30 % (et des taux spécifiques majorés de 50 % et 40 % pour les nouveaux entrants). Dans un même temps, le législateur a supprimé le plafond du CIR par entreprise, mais a introduit un taux réduit de 5 % pour les dépenses de R&D au-delà d’un plafond de 100 M€.

Cette réforme a eu pour impact de vraiment simplifier et donc de renforcer le dispositif. Ainsi, entre 2007 et 2008, le budget du CIR a été multiplié par 2,5 pour atteindre 4,2 Md€. Celui-ci est devenu nettement plus attractif et le nombre de déclarants a augmenté de plus d'un tiers ( 36% ) : de 9 839 à 13 361. Le chiffre a même atteint près de 20 000 en 2011, soit une multiplication par 2 entre 2007 et 2011.

Tout d'abord, le Gouvernement propose de pérenniser le remboursement immédiat de la créance de CIR, en réservant le bénéfice de cette mesure aux PME. Il suit ainsi l’avis d'un rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), qui démontre les effets positifs de la réforme de 2008 et considère le CIR français comme "l’un des outils les plus puissants de soutien à l’innovation au monde". L’IGF préconise de maintenir la stabilité du dispositif au moins jusqu’en 2013, date à laquelle une évaluation économétrique portant sur plusieurs années validera ou non son efficacité."

4- Défiscalisation des heures supplémentaires (Gouvernement Fillon, 2007)

La défiscalisation des heures supplémentaires a fait l'objet de l'article 1er de la loi no 2007-1223 du 21 août 2007, dite TEPA. Elle vise les salariés des entreprises privées ou publiques ainsi que les agents des Administrations publiques. Elle entraîne une exonération totale d'impôt sur le revenu gagné en tant qu'« heures supplémentaires », d'une réduction de cotisations salariales et, pour les entreprises, par un forfait réduisant le surcoût de l'heure supplémentaire.

La disposition a été mise en place le 1er octobre 2007 et abrogée à compter du 1er septembre 2012 par l'actuelle majorité parlementaire. Le candidat Sarkozy voulait redonner de la souplesse voire de la flexibilité à l'économie. Dès lors, il introduit la célèbre loi TEPA.

Cette section de la loi TEPA a reçu un accueil très favorable dans le monde du travail et chez les entrepreneurs. Elle a permis des gains tangibles de pouvoir d'achat pour des millions de salariés. La crise venue – et notamment lma récession de 2009 – aurait probablement pu amener à revoir le dispositif qui a pu constituer un frein à l'embauche en favorisant les " insiders " bien dotés ( heures sup' ) par rapport à la PDRE ( Population disponible à la recherche d'un emploi, au sens du B.I.T )/

5- Loi de modernisation de l’économie (Gouvernement Fillon, 2008)

La loi de modernisation de l'économie (LME) date du 4 août 2008. Elle comprend quatre aspects distincts mais, in fine, complémentaires : développement de l'entreprenariat, stimuler la concurrence, relancer l’attractivité du territoire et facilités les canaux de financement de l’économie.

Le point le plus important concerne le plafonnement des délais de paiement à 60 jours afin de réduire le crédit inter-entreprises ( qui a représenté plus de 500 milliards l'an dernier : source COFACE ) et qui est une véritable difficulté dans notre pays.  " On court derrière les commandes puis derrière l'argent pour se faire payer ! " est hélas une réalité de dizaines de milliers de responsables financiers ou surtout de chefs d'entreprises de PME.

Effets limités du fait du poids des donneurs d'ordre face à leurs sous-traitants. La LME est faiblement respectée sur ce point.

6-Suppression de l’Imposition forfaitaire annuelle (Gouvernement Fillon, 2011)

La suppression de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés (IFA) date du 1er janvier 2014. Initialement prévue pour le 1er janvier 2011, cette suppression avait été reportée en 2014 (art. 20 de la loi de finances pour 2011). L’IFA était due par les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés, qui réalisaient un chiffre d’affaires hors taxes de plus de 15 millions d’euros, majoré des produits financiers. Mais auparavant, ce seuil démarrait à 400.000 euros de chiffre d'affaires : cas de 2008. Le montant de l’IFA s’échelonnait entre 20 500 € et 110 000 € selon le niveau du chiffre d’affaires réalisé.

Le différé de la mesure a quelque peu faussé les anticipations rationnelles des entreprises qui attendront 2014 pour voir supprimée la cotisation Organic dite C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) qui concerne les grands groupes.

7- Arrivée de l'Euro (suppression des commissions de change)

Après l'adoption par référendum du Traité de Masstricht, l'Acte unique et autres textes nous ont conduits à la monnaie unique.

Sans ouvrir le débat sur l'opportunité de la création de l'euro (auquel nous souscrivons) ou sur sa parité (qui a récemment baissé ce qui soulage nos exportateurs), il y a son existence.

De l'existence de l'euro a découlé la suppression des commissions de changes que les établissements bancaires exigeaient lors d'échanges intra-européens et qui finissaient par représenter de vraies sommes pour les entreprises.

Parallèlement, il y a pu avoir une meilleure connaissance mutuelle des marchés au moyen d'une monnaie unique qui permet un immédiat comparatif de prix.

De plus, ceci a écarté les risques de contrechoc de dévaluations compétitives qui plongeaient dans l'embarras les producteurs français. Exemple dès 1983 des MCM (montants compensatoires monétaires et filière porcine bretonne).

8- Réforme de la taxe professionnelle (Fillon, 2007)

En période de sous-emploi, il n'est pas incitatif d'avoir une taxe largement assise sur les salaires. Cela dissuade l'embauche. On a parlé de taxe " imbécile " ( François Mitterrand, septembre 1983 ).

La loi de finances pour 2010 a légalisé la suppression de la taxe professionnelle sur la totalité des investissements productifs afin de soutenir l'emploi et l'investissement des entreprises. L'allègement de charge fiscale représente 12,3 milliards d'euros en 2010, puis 6,3 milliards chaque année.

Créée en 1975 en remplacement de la patente, la taxe professionnelle était assise sur la valeur locative des immobilisations corporelles et sur une section des salaires, ce qui avait pour effet de dissuader les entreprises étrangères d'investir en France et d'encourager les délocalisations d'entreprises françaises.



La réforme crée une nouvelle imposition locale sous la forme d’une contribution économique territoriale (CET), composée d'une cotisation foncière et d'une cotisation sur la valeur ajoutée.



La suppression de la taxe a posé par ailleurs le problème du financement des collectivités locales. À titre d'exemple, le produit voté des quatre taxes directes locales s’est élevé en 2009 à 71 milliards d’euros, la taxe professionnelle y contribuant pour plus de 31 milliards, soit 44,1%.

La suppression de la TP induit, de facto, une délicate refonte du financement des collectivités territoriales. Elles perçoivent le produit de la contribution économique territoriale (CET), ainsi que celui de la nouvelle imposition forfaitaire sur les entreprises en réseaux (IFER).

L'allègement n'est que partiel et le choc de simplification n'a pas encore atteint ses rives fiscales.

9-Suppression de l'avoir fiscal et du précompte  (Gouvernement Raffarin, 2005)

Le précompte a été supprimé à partir du 1er janvier 2005. Mais pour amoindrir la perte de recettes pour le budget, il a été institué un prélèvement égal à 25% du montant net des distributions de bénéfices imputées sur des résultats non soumis à l'IS au taux de droit commun, ou sur des bénéfices de plus de 5 ans imposés au taux de droit commun.

Le prélèvement de 25% est partiellement récupérable, puisqu'il constitue, pour le tiers de son montant, une créance sur le Trésor, imputable sur l'IS (acomptes et solde) dû au titre des trois exercices suivant celui au cours duquel le fait générateur du prélèvement est intervenu. A défaut d'imputation au titre des trois exercices suivants, la créance est remboursable par le Trésor. Ce prélèvement de 25% n'est applicable qu'aux seules distributions mises en paiement au cours de l'année 2005. Les distributions par les PME des bénéfices imposés au taux de 15% sont exonérées du prélèvement de 25% dès lors que les bénéfices n'ont pas plus de cinq ans.

L'attractivité boursière de la Place de Paris n'a pas été renforcée par cette suppression du précompte.

10-CICE (Gouvernement Ayrault, 2012)

A l'issue du rapport de Louis Gallois qui a posé, en novembre 2012, un diagnostic net sur notre décrochage de compétitivité, le Président de la République a réfléchi et décide d'une sérieuse inflexion en se ralliant à une politique de l'offre. Donc à une politique qui favorise les capacités concurrentielles des entreprises.

Confrontées à des pertes de marché ( intérieurs comme extérieurs ), les entreprises ont d'abord subi une hausse fiscale importante en 2012 et 2013. Dès lors, le CICE finira par représenter – étalé sur plusieurs exercices – une sorte de jeu à somme nulle.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est donc un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés et équivaut à une baisse de leurs charges sociales. Le CICE doit être imputé sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du CICE ont été versées.

Il y a un décalage de trésorerie qui n'est pas souhaitable en période de croissance atone. D'autre part, une étude du BIPE de septembre 2014  ( sur les perspectives d'emploi dans la métallurgie en 2025 ) montre que si une bonne part du CICE va aux investissements, aux hausses de salaires, une autre large part sert soit à reconstituer de la trésorerie ( arrêt de l'affacturage ) soit à financer des IDE : investissements directs à l'étranger. Dans la mesure où la méfiance des milieux d'affaires existe – qui pourrait le nier ? – il y a quelque paradoxe à visualiser de l'argent public restitué aux firmes servir à financer non pas l'export mais directement des investissements non domestiques. Bercy ou le législateur ont d'usage une lucidité plus avisée.

La complexité du système a conduit le Président Hollande à indiquer Jeudi soir que le CICE serait, en 2017, transformé en système d'allègements de charge. Retour vintage en quelque sorte.

Face à l'ampleur du chômage, l'Etat a tenté d'inciter fortement – depuis des décennies – les entreprises à embaucher. Le système d'allègement de charges a montré ses limites et a même eu tendance à comprimer l'échelle des salaires " autour " du SMIC ce qui n'incite pas à former la main d'œuvre et peut conduire à un effet adverse de cantonnement dans des métiers peu qualifiés.

Partant d'une bonne intention, l'Etat aurait ainsi shunté des avancements naturels de carrières.

Parallèlement, les autres mesures prises ( suppression de la taxe professionnelle ) montrent notre goût collectif pour la complexité.

Ainsi, chaque Gouvernement aura tenté d'imprimer sa marque mais sans véritablement ligne stratégique cohérente d'une loi de finances à l'autre.

Une chose est acquise, il y a trop de temps qui s'écoule entre une décision de principe et son application sur le terrain. Songeons ensemble que le pacte de responsabilité annoncé le 31 décembre 2013 et confirmé en conférence de presse présidentielle le 14 janvier 2014 est toujours en discussion avec les partenaires sociaux. La négociation, oui. La palabre, que nenni. Pendant ce temps-là, Frédéric, Samuel ou Malika ont poussé la porte de Pôle emploi et cette jeunesse a vraiment le droit de pointer du doigt cette génération aux manettes qui ne sait pas conjuguer le mot de désespérance et n'a pas mis tout son poids dans la balance pour faire progresser l'emploi dans notre pays si las.

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