Hollande face aux questions économiques des Français : le président qui répondait aux problèmes de tous mais sans vision globale<!-- --> | Atlantico.fr
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Hollande face aux questions économiques des Français.
Hollande face aux questions économiques des Français.
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Une question d'attitude

Une des premières phrases prononcées par le président de la République devant les caméras de TF1 fut : "je me cramponne". Cette formule résume bien l’attitude qui a été la sienne sur ce plateau et ce qu'elle a été à l’Élysée depuis que les promesses mirifiques de la campagne électorale et de la première partie du quinquennat ont fait "pschitt" comme des baudruches qui se dégonflent.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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François Hollande n’avait certes pas la partie facile. Mais pourquoi avait-il choisi ce terrain pour livrer bataille ? Une émission dont une partie était du type permanence électorale, où l’élu reçoit les plaintes de ses électeurs et essaye de les persuader qu’il fait tout pour les protéger – un verbe qu’il a désigné lui-même comme répondant le mieux à sa conception de la fonction présidentielle.

Une émission où, pour une autre part, l’homme politique joue le rôle du taureau dans l’arène, face aux picadors qui testent ses défenses à coup de banderilles. Ne savait-il pas que les Français aspirent à être gouvernés, à sentir qu’à la tête de l’État se trouve une personnalité forte ayant une conception claire et lucide des problèmes et des solutions ?

En cédant à la mode de l’égalité, par rapport à quatre invités de la société civile et par rapport à trois journalistes, il a commis la même erreur que Giscard allant partager le repas de Français moyens : rabaisser la fonction présidentielle en mettant le chef au même niveau que les citoyens ordinaires.Le commandant de bord en lequel on a confiance ne vient pas dans la cabine discuter avec quelques passagers de l’itinéraire à suivre ; il leur annonce par interphone dans quelles conditions se déroule le vol dont il assume l’entière responsabilité.

Ce pilote ne passe pas non plus son temps, comme l’a fait François Hollande, à dire : "moi, j’ai fait ceci ; et je ferai encore cela". Il indique le chemin parcouru, et celui qui reste à faire, en précisant éventuellement les conditions météorologiques qui facilitent le vol ou au contraire peuvent provoquer des secousses, voire des retards à l’arrivée. Notre Président, lui, a passé son temps à essayer de nous faire croire qu’il décidait tout, depuis les aides aux entreprises jusqu’aux modalités d’une nouvelle variante du service civil qui pourrait s’appeler " service universel ". Comme un commandant de bord qui croirait rassurer ses passagers en leur disant qu’il a lui-même contrôlé les réacteurs et inventé un nouveau modèle de train d’atterrissage. L’impression qui en est résulté est celle d’un homme seul, sans équipe autour de lui ; un homme manquant de confiance en lui à tel point qu’il essaye de se rassurer en affirmant, pour se convaincre lui-même autant que pour convaincre les téléspectateurs, que c’est lui qui tire toutes les ficelles de l’État.

Largement dominé par Thierry Demaizière, François Hollande a souvent répondu, en début d’émission, comme un candidat impressionné lors d’un entretien d’embauche, essayant avec assez peu de pouvoir de conviction d’expliquer pourquoi il est l’homme de la situation. "Je suis moi-même", "je vais jusqu’au bout réformer mon pays, le rendre plus fort", "toute ma vie j’ai montré que j’aimais les gens" : on avait l’impression d’une tentative pour se faire passer pour un homme altruiste, bien dans sa peau, déterminé et compétent. Tentative presque touchante, car on sentait l’homme chercher désespérément à donner de lui-même une bonne impression, mais tentative nullement convaincante.

Le dialogue avec Joelle, chômeuse de 60 ans, qui aurait surtout voulu que Pôle emploi soit plus efficace, fut surréaliste : le Président annonça qu’il va mettre en place un contrat pour les personnes auxquelles il manque quelques trimestres d’assurance vieillesse de façon à ce qu’elles exercent un emploi fortement subventionné jusqu’à ce qu’elles puissent liquider leur pension au taux plein. Proposer de l’assistance à une personne semble-t-il vraiment désireuse de gagner dignement sa vie, ce n’est certes pas cela qui redressera la France !

Karin, à la tête d’une entreprise familiale de 650 personnes, surclassa tellement le Président que j’en vins à le plaindre. Posant le problème crucial de la machine à complexifier toujours en fonctionnement, avec notamment la mise en place des comptes pénibilité et l’insécurité juridique dans le domaine du droit du travail, elle n’eut droit qu’à de bonnes paroles sur le choc de simplification. Passant aux difficultés en provenance de syndicats sans légitimité qui se substituent à la négociation avec le personnel de l’entreprise, Karin obtint une réponse incroyable : mais avec qui donc pourrai-je discuter, moi président, si je n’avais pas les partenaires sociaux nationaux ? Là où était posée de façon concrète la question d’une organisation plus conforme au principe de subsidiarité, François Hollande a répondu en montrant qu’il était incapable de sortir de sa bulle élyséenne et de son tropisme centralisateur.

Hassan, qui essayait d’expliquer le manque d’efficacité de la formation universitaire qu’il avait suivi dans l’idée de trouver un emploi, eut droit à la promesse que les "emplois d’avenir ", comme on dit pour désigner des emplois fortement subventionnés qui sont rarement pérennisés, seraient ouverts aux jeunes diplômés lorsque ceux-ci viendraient des quartiers sensibles. L’assistance est visiblement pour François Hollande ce qu’était la saignée pour Diafoirus : le remède universel « politiquement correct », bien qu’il ait surtout pour effet d’affaiblir le malade.

Enfin Catherine, assistante maternelle tracassée par la disparition programmée du collège de son petit bourg rural, eut droit à un triomphant "j’ai mis les moyens pour l’Éducation nationale", ainsi qu’à un vibrant plaidoyer en faveur de l’enseignement numérique, qui semble être un des sirops Typhon préférés du Président, capable de guérir la peste et le choléra.

Lorsqu’Yves Calvi, attaquant bille en tête, émit des doutes sur la capacité de François Hollande à gouverner, la réponse consista en un couplet pathétique : le président n’a cessé de prendre toutes les décisions, il a décidé toutes les réformes et pris tous les risques pour protéger les Français. Nous bénéficiâmes ensuite d’un superbe engagement : d’ici la fin du quinquennat, pas un impôt en plus de ce qui a été d’ores et déjà décidé.

À la question de l’introduction d’une dose de proportionnelle il fut fait une réponse ambiguë : d’une part le journaliste fut accusé de faire diversion en parlant de cela, et d’autre part le Président affirma que l’engagement qu’il avait pris, il le tiendrait, comme toutes ses promesses.

Finalement, la séance se termina par l’affirmation péremptoire que le changement climatique est le problème le plus important qui se pose à la planète. Avouons qu’au terme de cette émission planait le sentiment qu’une menace encore plus importante pèse sur nous : le manque de compétence et de hauteur de vue de trop de nos dirigeants. Car François Hollande, hélas, n’est pas le seul président " normal " qui sévisse sur notre planète.

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