Benoist Apparu : "Alain Juppé est un homme d'Etat, pas un homme politique"<!-- --> | Atlantico.fr
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Benoist Apparu, député UMP de la Marne.
Benoist Apparu, député UMP de la Marne.
©Reuters

Objectif : 2017

Pour le député-maire de Châlons-en-Champagne, soutien d'Alain Juppé pour la présidentielle de 2017, les Français sont mûrs pour une campagne peu "flamboyante", mais porteuse de promesses crédibles.

Benoist Apparu

Benoist Apparu

Benoist Apparu est un homme politique (UMP). Il est actuellement député de la Marne et maire de la ville de Châlons-en-Champagne. Il a été ministre délégué chargé du logement de février à mai 2012

 

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Atlantico : Alain Juppé, dont vous soutenez la candidature à la présidence de la République, recueille bien plus d'opinions favorables que Nicolas Sarkozy, tant chez les Français en général que chez les sympathisants UMP, selon un sondage BVA pour Orange. Lui qui s’apprête à donner une ITW aux Inrocks, mesure-t-il bien ce qu'attendent les électeurs de droite ? Comment ne pas oublier les électeurs de droite et leurs intérêts ?

Benoist Apparu : Il me semble que l’enjeu d’une campagne pour l’élection présidentielle est de parler à tous les Français. Il ne s’agit pas de parler à l’extrême droite, à l’extrême gauche, au centre, à la gauche ou à la droite, mais d’exprimer une position parce qu’on y croit et qu’on a envie de faire aboutir des idées. C’est toute la différence entre les hommes d’Etat et les hommes politiques, c’est-à-dire entre ceux qui s’adressent à tout le monde et ceux qui ne font que du marketing électoral. Un homme d’Etat n’est pas là pour suivre l’opinion publique, mais pour la guider.

Lire également dans Atlantico : Bourse au mérite : Alain Juppé signe une pétition pour sa sauvegarde

Concrètement, comment peut-il faire pour prétendre être candidat en 2017 sans s’adresser spécifiquement dans un premier temps aux électeurs de droite ?

Alain Juppé reste un homme politique profondément « attaché » aux valeurs de la droite et du centre français qu’a incarnées depuis 2002 l’UMP. Il reste donc engagé dans ce parti, et il défend sa famille politique. Mais je ne crois pas que le rôle d’un homme politique soit de suivre telle ou telle catégorie d’électeur.

Alain Juppé a déclaré "préférer l'exercice du pouvoir" à sa "conquête". Par cette  déclaration touche-t-il du doigt une réalité handicapante pour lui à l'horizon 2017 ? Son sens de la conquête, son envie de parvenir aux plus hautes fonctions, sont-elles suffisantes face à un Nicolas Sarkozy dont à cet égard on connaît le tempérament ?

A l’inverse, on peut penser que ce que reprochent aujourd’hui les Français aux hommes politiques, c’est de ne s’intéresser qu’à la conquête électorale. Les Français peuvent nous reprocher, à juste titre me semble-t-il, de n’être intéressés que par les élections, or notre fonction principale n’est pas de gagner une élection mais de gérer une collectivité locale ou un Etat. C’est ce qui différencie là encore l’homme d’Etat de l’homme politique. L’un passe par l’autre, évidemment : il ne faut pas négliger la conquête, mais ce n’est pas l’essentiel. Je pense au contraire que les Français seront séduits par le fait qu’Alain Juppé ne pratique pas le marketing électoral, autrement dit, qu’il ne leur racontera pas de sornettes pendant la campagne. Par opposition, la campagne de François Hollande en 2012 était exclusivement tournée vers la conquête du pouvoir. A dire tout et n’importe quoi, il s’est retrouvé dans l’incapacité de l’exercer. On ne peut pas, au nom de la conquête électorale, se dire que l’on peut tout promettre et que l’on verra ce qu’on fera une fois que l’on sera au pouvoir. Cette façon de faire de la politique est dépassée et décriée par les Français.Nicolas Sarkozy se positionnerait-il dans une dynamique plus électoraliste qu’Alain Juppé ?

Je ne suis pas là pour décrier Nicolas Sarkozy, François Fillon on n’importe qui d’autre. Vous m’interrogez sur ses propos tenus sur France 5, je vous réponds que oui, certains hommes politiques sont plus tournés vers la conquête que d’autres, comme par exemple Jacques Chirac, tandis que d’autres sont davantage tournés vers l’exercice du pouvoir. Il me semble que vu la situation économique et sociale de la France, 2017 sera probablement la dernière chance pour notre pays de mener enfin les réformes que l’on attend depuis 30 ans. J’ose croire qu’une personne tournée vers l’exercice du pouvoir nous permettre – enfin ! – de voir ces réformes arriver.

Les Français seraient selon vous arrivés à "maturité" pour ne plus accorder d’importance outre mesure à la posture du conquérant, mais plutôt pour privilégier celui qui donne des gages de sérieux dans sa pratique du pouvoir ?

Il me semble que le schéma électoral traditionnel selon lequel il faut faire rêver les Français est dépassé. Les Français ne croient plus ce qu’on leur raconte pendant les campagnes. Cela fait trente ans qu’on leur dit que seront réformées l’assurance maladie, l’éducation, les collectivités locales, etc. Et que voient-ils ? Que cela n’a toujours pas été fait. Je suis convaincu que les Français sont mûrs pour du sérieux, pour une campagne qui ne sera sans doute pas la plus flamboyante qui soit, ni la plus « sexy », mais qui au moins aura le mérite de la crédibilité. L’enjeu de cette campagne présidentielle, c’est que les Français se disent du candidat élu qu’il fera « le job ».

Là où Nicolas Sarkozy est très entouré, Alain Juppé compte un cercle de soutiens déclarés restreint. Avec vous, les principaux noms sont Edouard Philippe et Hervé Gaymard. Pourquoi un nombre aussi faible ?

A la différence de François Fillon ou de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé est parti beaucoup plus tard. François Fillon a mené une campagne électorale interne à l’UMP il n’y a pas si longtemps, par conséquent il a mécaniquement rassemblé des soutiens à ce moment-là. Alain Juppé n’est pas de ceux qui « entretiennent » des soutiens pour le principe, et tant qu’il n’avait pas pris sa décision de lancer sa candidature, il n’avait pas « organisé » ses soutiens. Vous citez quelques noms, cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas d’autres, mais ce n’est pas forcément une raison pour s’amuser à tenir une comptabilité. Dans la structure électorale, il y un enjeu central, qui est celui de la gestion du temps. Deux ans et demi, c’est extrêmement long, il ne s’agit donc pas de tout mettre sur la table tout de suite.

En deux ans et demi, vous pensez avoir le temps de convaincre suffisamment de personnes susceptibles de relayer la parole d’Alain Juppé ?

Souvenez-vous : en octobre 2009, François Hollande en était à peu près à zéro pour cent dans les sondages. Et il a gagné en 2012. Deux ans et demi, c’est excessivement long, et amplement suffisant pour monter en puissance. Beaucoup de parlementaires nous soutiennent, mais il n’est pas encore temps d’effectuer une revue des troupes parmi les parlementaires. Si vous présentez tous vos soutiens et tous vos projets d’un seul coup, que faites-vous six mois plus tard ? Les journalistes diront qu’il n’y aura plus rien de nouveau.

Capitaliser sur le "tout sauf Sarkozy" pourrait être une option pour Alain Juppé, mais y trouverait-il son  intérêt ?

Ce ne sera pas le cas. Si vous voulez être en capacité de gérer un pays, vous ne devez surtout pas vous faire élire par défaut. Il vous faut générer une envie pour ensuite avoir la légitimité pour exercer le pouvoir. On a bien vu que François Hollande, n’ayant pas été élu positivement, a vu sa légitimité à mener des réformes contestée. Pour des réformes lourdes, il faut une adhésion sur sa personne et son projet. Qui plus est, Alain Juppé regarde devant lui dans prêter attention à ce qui se passe à côté, ce qui est le meilleur gage pour éviter des guerres internes qui seraient ridicules et dangereuses pour la suite.

Nicolas Sarkozy sera-t-il un facteur d’unité ou de clivage pour la droite ?

Nicolas Sarkozy a posé sa propre stratégie pour l’élection présidentielle, en choisissant d’être d’abord candidat à la présidence de l’UMP, puis à l’élection présidentielle ; Alain Juppé a fait son propre choix, et on verra à la fin qui a raison. Si les différentes personnes qui seront candidates à la primaire pour 2017 gardent à l’esprit qu’il n’y en aura qu’un pour l’emporter, et qu’un code de bonne conduite s’impose, il n’y a pas de raisons pour que les divisions soient telles qu’elles mettent en danger l’unité de la droite.

Nicolas Sarkozy a indiqué  vouloir réformer l'UMP, jusqu’à en changer le nom : en tant que fondateur du parti, qu’en pense Alain Juppé ?

Je pense qu’Alain Juppé est attaché à ce nom, mais que c’est aux militants d’en décider. Nicolas Sarkozy n’avance pas masqué à ce sujet : si les militants sont d’accord avec lui, ils le porteront à la tête de l’UMP. Si ce n’est que pour changer le nom, cela ne sert à rien. Mais il me semble que Nicolas Sarkozy propose un changement beaucoup plus radical. Ce qui m’importe, c’est que l’UMP reste par essence ce qu’elle a été, à savoir une formation qui accueille en son sein des centristes, des libéraux, des gaullistes, bref la droite et le centre. Cet ADN de l’UMP, il ne faut pas tenter de le modifier.Alain Juppé n'est pas allé à la bataille de l'UMP, préférant jouer la carte du contact direct avec les Français, mais peut-il se passer du parti ?

Je relève une évolution majeure qui est probablement sous-estimée : les primaires changent fondamentalement le rôle même du parti de l’UMP. Historiquement, notre formation politique, plus que toute autre, est d’inspiration gaulliste, ou bonapartiste dans son fonctionnement. C’est un parti-chef où tout émane du président. Ce président est par essence le candidat naturel pour aller à la présidentielle. Le RPR a fonctionné ainsi, tout comme l’UMP. A partir du moment où une procédure propre à la désignation du candidat à la présidentielle est mise en place, la nature de la formation politique en question change en profondeur, car son chef n’a plus vocation par principe à être le candidat à la plus haute fonction de l’Etat.

De plus, personne ne dit qu’Alain Juppé ne s’appuiera pas sur l’UMP. Puisqu’il y a désignation d’un candidat à l’élection présidentielle via une élection primaire, il est évident qu’au lendemain, le parti se mettra au service de son candidat, pour la conquête de 2017.

Si deux, trois ou quatre millions de Français participent à la primaire et désignent Alain Juppé ou un autre pour être candidat en 2017, le parti se rangera derrière le vainqueur.

Entendez-vous par là qu’une majorité de Français aspire à un pouvoir présidentiel d’inspiration centre-droit, dont Alain Juppé serait le meilleur représentant ?

Ce n’est pas le même sujet. Tout d’abord il faut se demander à quoi sert un parti politique comme l’UMP à partir du moment où un mode de désignation différent est introduit pour la candidature à la présidence de la république. Je reste convaincu que l’UMP est un parti légitimiste, et donc il suivra en 2017 le candidat désigné.  Deuxième sujet : il me semble qu’aujourd’hui l’inspiration des Français est plutôt tournée vers quelqu’un qui « incarnera » la droite et le centre, c’est-à-dire une droite moderne et ouverte qui avance calmement dans une volonté de réforme. L’avenir nous dira qui a raison.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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