Ils ont regardé le débat PS : ce qu'ils en pensent...<!-- --> | Atlantico.fr
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Les six candidats à la primaire socialiste ont débattu jeudi soir sur France 2, devant près de 5 millions de téléspectateurs.
Les six candidats à la primaire socialiste ont débattu jeudi soir sur France 2, devant près de 5 millions de téléspectateurs.
©Reuters

On refait le match

Jean-Luc Mano et Christophe Prochasson analysent le débat TV de ce jeudi soir. Selon eux, pas de vrai gagnant, mais une perdante : Ségolène Royal.

Jean-Luc  Mano et Christophe Prochasson

Jean-Luc Mano et Christophe Prochasson

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.
Christophe Prochasson est historien et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Sur la forme, qu’avez-vous pensé de ce débat ?

Jean-Luc Mano : Ennuyeux au début, et assez intéressant dans la partie débat. Comme quoi les règles de la télé s’appliquent à tous les partis en toutes circonstances, quand on est six il faut discuter ensemble. Il y a un côté répétitif. Forcément au troisième ou quatrième, où est la vraie contradiction ?

Christophe Prochasson : Sur la forme je pense que c’était un peu hétéroclite. Je ne suis pas convaincu que le changement de genre et d’intervention ait profité au débat, dans la mesure où cela a contribué à hacher la discussion. Entre les petites introductions et le débat plus général, ce sont des genres très différents qui ont dû perturber les candidats. Certains commentateurs pensent que c’était ennuyeux. Je ne suis pas de cet avis. Je trouve que c’était précisément la qualité du débat. Ils n’ont pas cédé au spectaculaire, ils ont assuré un débat sérieux, où tout le monde était plus attentif à ce qui dit qu’à ce qui est montré.

Qui est le gagnant du débat ?

Jean-Luc Mano : Prenez les trois principaux, ils ont chacun un objectif : Hollande ne doit pas perdre, il ne peut pas avoir un mauvais coup, un accident, un chaos…Il a tout à craindre de ce débat ! Non seulement il ne le perd pas mais globalement il le gagne, il a l’ascendant. Je pense que c’est lui qui gagne le débat hier soir. Il est, aux yeux de l’ensemble des Français, le meilleur. Martine Aubry est sur les grands principes de la gauche, mais c’est assez brouillon, elle est en panne, je ne pense pas que ça la fasse repartir. Ségolène Royal a un handicap sur le dos, et à la fin du débat, ce handicap était aussi élevé sinon plus.

Christophe Prochasson : Je ne saurais dire qui a « gagné » le débat. Celui qui m’a le plus surpris est Manuel Valls. Je l’ai trouvé plein de conviction. Il dégage une personnalité à laquelle je ne m’attendais pas. Il était celui le plus pris par sa conviction. Il avait un positionnement politique astucieux, dans la mesure où il ne s’est pas laissé enfermer dans cette image de droite du Parti socialiste. Du coup, je pense qu’il a clairement tiré son épingle du jeu.

Le perdant du débat ?

Jean-Luc Mano : Je crois que la grosse difficulté c’est Ségolène Royal. C’est elle qui avait le plus d’intérêt à ce débat, je m’attendais à un coup d’éclat, quelque chose qui change la donne, parce que la donne lui est structurellement défavorable. Mais elle n’arrive pas à faire l’évènement, donc elle est en réalité aspirée par la primaire, plus qu’elle ne l’anime. Elle n’a pas trouvé le coup décisif à porter, peut-être d’ailleurs que ce coup décisif n’existe pas. Elle est toujours assez sûre d’elle et dans la logique du débat d’il y a 5 ans. Mais il y a 5 ans elle était la nouveauté. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Aujourd’hui la nouveauté c’est Valls. Je pense qu’avec Hollande, Valls est le 2ème gagnant. On découvre là qu’il peut y avoir dans ce pays un vrai discours social-démocrate.

Christophe Prochasson : C’est un peu facile mais Jean-Michel Baylet m’a semblé un peu à côté du débat. Je trouve que Ségolène Royal était un peu ailleurs aussi. Elle n’est pas arrivée, contrairement à son souhait, à imposer des questions.


Sur le fond, qu’avez-vous retenu de ce débat ?

Jean-Luc Mano : Il n'y a pas eu, à mon sens, de propositions nouvelles émises par les candidats. Ils sont tous restés sur leurs marqueurs, tous ont creusé le même sillon. Je pense que s'ils ont des propositions nouvelles, ils les réserveront pour un autre type d'émission. Quand vous faites une annonce, il vaut mieux être seul. Hier soir, il y avait le risque que l'annonce soit contestée immédiatement.

Christophe Prochasson : Ce débat a été dans le sillage de ce qui se passe avec ces primaires. On pouvait craindre que ces primaires soient pour le PS un moment où le sang éclabousserait les uns et les autres et les couteaux seraient sortis, à ma grande surprise, c’est exactement le contraire qui s’est passé. La crainte de la division a conduit à la neutralisation des positions. Tout aussi sérieux et intéressant qu’il fut, le débat n’a pas éclaté de perspectives ni d’idées nouvelles.


Quel a été selon vous le moment clé dans ce débat ?

Jean-Luc Mano : Pour le show, c’est sans doute l’échange sur le nucléaire, la passe d’armes entre Aubry et Hollande. Et la phrase la plus étonnante du débat, c’est quand Manuel Valls trouve le moyen de féliciter Sarkozy, sur la Libye, dans un débat entre socialistes. C’était un moment quand même assez baroque. 

Christophe Prochasson : Le « climax » qui est en train d’être mis en avant par la presse (l’accrochage entre Hollande et Aubry sur le nucléaire) masque quand même d’autres moments qui m’ont paru plus intéressants. Deux choses m’ont frappé. La façon dont Arnaud Montebourg, d’une part, et Manuel Valls d’autre part, ont fait référence à leurs origines métissées. L’un en rappelant que son grand-père était d’origine algérienne et l’autre en rappelant qu’il avait été naturalisé. Le but était de montrer que la France est riche de diversité et en même temps de montrer leur attachement à la nation.

Est-ce que selon vous le débat a été plutôt utile au PS, ou à l'inverse contre-productif ?

Jean-Luc Mano : Je ne suis pas sûr que cela projette des tonnes d’électeurs vers les urnes, mais globalement c’est quand même d’une bonne tenue. Ce débat n’invalide donc pas le principe des primaires, je dirais même qu’il le renforce et l’institutionnalise. Mais naturellement on peut faire mieux, on peut éviter cette longueur de monologues parallèles. Est ce que ça a été indigne ? Non. Est-ce-que ça a été utile ? Oui. Est-ce-que des idées se sont exprimées ? Oui. Donc globalement c’est plutôt à mettre au crédit des primaires. D’ailleurs si on regarde le match, ce qui sort vraiment gagnant, ce sont les primaires.

Christophe Prochasson : Contre-productif, certainement pas. Cependant, je ne pense pas qu’il ait servi à grand-chose. Nous n’avons rien appris de particulier, cela n’a pas beaucoup fait bouger les choses. Mais il est difficile de juger une étape d’un processus en cours. On verra à la fin si cela a été utile ou pas.

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