DSK et Nicolas Sarkozy sont l’envers et l’endroit de la même pièce

Ils se ressemblent trop pour ne pas être en conflit. L’un est de gauche, l’autre de droite. Mais tous les deux sont des « enfants de Mai 68 ». Tous les deux aiment l’argent, les femmes, la jouissance ici et maintenant et les avantages « en nature » offerts par le pouvoir. Tous les deux sont attachés à une tradition morale et ont, vis-à-vis d’elle, pris une distance certaine. Tradition d’un socialisme moral qui tend à préserver l’individu, à le considérer, à lui reconnaître des qualités contre le « grand capital » ravageur et niveleur. Tradition du gaullisme qui tend à préserver l’individu, à intéresser le travailleur au fruit du travail (la « participation ») et à protéger l’individu contre les forces niveleuses du Capital. Ces deux traditions sont contre le libéralisme à outrance, érigent l’État en instance protectrice, pour mieux aider les forces vives, modestes et travailleuses du pays contre l’argent facile et corrupteur.

Or, à titre personnel, DSK et Nicolas Sarkozy, sont, d’une certaine manière, à contre-emploi vis-à-vis de leurs traditions politiques propres. Tous les deux aiment ce que leurs traditions détestent : l’argent, ou plutôt (selon une distinction de Jacques Julliard) le fric, le clinquant, les épouses nombreuses (trois pour chacun) et les conquêtes faciles.

Tous deux sont mariés à des épouses plus que fortunées. Ils sont donc jumeaux. Ils se ressemblent, sont l’envers et l’endroit d’une même synthèse libérale individualiste, bourgoise, bohème, hédoniste qui accepte la mondialisation et les « destructions créatrices » (Schumpeter). Si ces deux-là s’étaient affrontés en 2012, le choix n’aurait pas été de grande amplitude. Nous aurions dû choisir entre DSK-Bling et NS-Bling. Désormais, quel que soit le candidat de la gauche-socialiste, le choix en sera un, un peu plus clivant, même si les différences politiques entre la droite classique et la gauche classique sont minces.

DSK et NS sont tous les deux l'envers et l'endroit de la même pièce. Pour eux il n’y a pas de contradiction entre l’hédonisme de vie et la responsabilité collective. L’amour des plaisirs pour soi et le destin de la France font bon ménage (conciliation impossible pour le général de Gaulle ou pour Pierre Mendès France). Tous les deux ont des tempéraments directs, intuitifs. Ils font des synthèses improbables qui « chiffonnent » leur camp. Et en même temps, tous les deux tiennent des discours fermes contre l’argent corrupteur alors qu’ils l’aiment, contre les « puissances de l’argent » alors qu’ils les côtoient, contre les apparences trompeuses de l’argent facile alors qu’ils en sont l’exemple même. Ils sont à la fois dedans et dehors, dans l’acceptation et le refus, dans le travail austère et le bien-vivre, dans des valeurs d’austérité salutaires et le méga-luxe.

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Extraits de De quoi DSK est-il le nom ?, Éditions de l'œuvre (août 2011)