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Le nouveau budget de la Sécurité sociale a sacrifié certaines catégories de la population.
Le nouveau budget de la Sécurité sociale a sacrifié certaines catégories de la population.
©Reuters

Mère de l'injustice

L'Assemblée nationale a achevé vendredi 24 octobre dans la nuit l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. Le vote par scrutin public a quant à lui lieu ce mardi 28 octobre après-midi. Tour d'horizon des mesures qui vous concernent et de la manière dont elles vont vous impacter.

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard est professeur d’économie à l’ESCP, président de l’Institut de Santé et auteur de « L’Autonomie solidaire en santé, la seule réforme possible ! », publié aux éditions Michalon.

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Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Axe Famille

  • Modulation des allocations familiales

Frédéric Bizard : Les allocations familiales font partie du modèle social esquissé par le Conseil National de la Résistance et mis en place à la Libération. Elles fonctionnent selon le principe de la solidarité "horizontale", selon lequel chacun cotise selon ses revenus et bénéficie de la prestation selon ses besoins. Placer ces allocations sous conditions de ressources est en cela une brèche dans le modèle social de 1945.

Jusqu’à maintenant, un couple percevait une allocation de 129 euros au deuxième enfant, de 295 euros au troisième enfant, puis de 166 euros par enfant supplémentaire. Les mesures votées au Parlement concernent les ménages disposant d’un revenu fiscal supérieur à 6000 euros par mois. Le montant des allocations sera réduit de moitié pour un couple gagnant entre 6000 euros et 8000 euros et par quatre en cas de revenus supérieurs à 8000 euros. Dans le premier cas, un couple avec 3 enfants perdra 1770 euros d’allocations et dans le deuxième cas 2655 euros.

Cinq millions de familles sont aujourd’hui bénéficiaires des allocations familiales. 600 000 familles, soit 12% du total seront concernées par cette mise sous conditions de ressources des allocations familiales.

Les effets pervers de cette mesure sont multiples. Le premier d’entre eux est le risque de délitement de notre cohésion sociale. Chacun accepte de cotiser car il se sait potentiellement bénéficiaire des dispositifs de protection sociale, en cas de maladie, d’enfants à charge, de retraite ou d’accidents du travail et ce, indépendamment de sons statut et de ses revenus. La fin de l’universalité des prestations remet en cause cette logique. La lourdeur technique de la mise en place de la modulation des allocations et les effets de seuil engendrés sont d’autres effets néfastes. Le lissage envisagé par le gouvernement va amplifier le premier problème sans résoudre le second.

Pour ne pas toucher à l’universalité du système, on pourrait intégrer les allocations familiales dans l’impôt, ce qui rapporterait autant que le montant des économies envisagées mais accroitrait encore davantage la pression fiscale sur les classes moyennes supérieures déjà contre productive pour l’activité. La meilleure solution reviendrait à changer la source de financement des allocations familiales pour la faire porter sur une assiette plus large telle que la TVA.

Les autres mesures envisagées initialement sur la politique familiale (prime à la naissance, aides à la garde d’enfant, congé parental, majoration des allocations à partir de 14 ans) semblent avoir été abandonnées par la majorité. Les mesures de modulation seraient suffisantes pour apporter les 700 millions recherchés.  Seul le partage le congé parental devrait être modifié.

Pierre-François Gouiffès : Le PLFSS prévoit 700 millions d'euros d’économies sur la branche famille dont il est prévu que les dépenses progressent moins que le PIB (1,3% contre 1,9%). La mesure la plus médiatisée a concerné la modulation des allocations familiales, dont le montant sera divisé par deux à partir de 6.000 euros de revenus mensuels pour un foyer avec deux enfants, et par quatre à partir de 8.000 euros. Ceci représente une économie de 800 millions d'euros en année pleine et la moitié pour 2015. Ce mécanisme signe la fin – provisoire ou définitive – de l’universalité des allocations familiales qui rejoignent l’impressionnante collection des prestations sociales sous condition de ressources : minimas sociaux, allocation de rentrée scolaire, prestation d’accueil du jeune enfant... La modulation des allocations familiales a en outre amené le gouvernement à renoncer aux autres mesures d’économies initialement prévues pour la branche famille : division par trois de la prime à la naissance à partir du 2ème baisse des aides à la garde pour les familles les plus aisées, report de 14 à 16 ans de la date de majoration des allocations familiales.

  • Partage du congé parental en défaveur de la mère :

Frédéric Bizard : Le congé parental est actuellement pris à 97% par les femmes. Le principe est de permettre à un parent salarié d’interrompre son travail pour une période maximum de trois ans afin d’élever son enfant tout en percevant une aide versée par l’Etat pour compenser la perte de salaire. La mesure gouvernementale revient à scinder en deux ce congé parental en le limitant à deux ans pour la mère et un an pour le père. L’idée serait d’inciter aussi les pères à interrompre leur activité professionnelle pour élever leur enfant. En réalité, cette mesure sera probablement une réduction de la durée moyenne des congés parentaux et une source d’économies budgétaire.

  • Baisse du quotient familial lors du projet de loi de finances de 2013

Pierre-François Gouiffès : Sur le plan fiscal, le gouvernement Ayrault avait réduit dès le PLF 2013 le quotient familial de l’impôt sur le revenu passé de 2.000 à 1.500 euros par demi-part. Au final, un ensemble de mesures clairement défavorables aux foyers relativement aisés avec plusieurs enfants mais constituant autant de "mesure évidente de justice" (dixit Jean-Marc Ayrault) dans le discours gouvernemental.

Axe Retraites

  • CSG :  460 000 retraités passeront du taux réduit au taux normal en 2015‎

Frédéric Bizard : Jusqu’à présent, le montant de l’impôt sur le revenu était le critère appliqué pour déterminer du taux de CSG payé par les retraités, sachant que les retraités non imposés n’acquittent pas la CSG. Le taux réduit est de 3,8% alors que le taux plein est de 6,6% (contre 7,5% pour les actifs).

La  réforme revient à considérer les revenus et non plus le montant de l’impôt sur le revenu acquitté par les retraités afin d’intégrer les personnes disposant d’un certain niveau de revenus mais bénéficiant de déductions d’impôts diverses. Ainsi, le seuil de revenus de 13 900 euros de revenus est fixé, au-dessus duquel le taux plein de CSG est appliqué. Cette mesure fera passer près de 460 000 retraités du taux réduit au taux plein. Pour un retraité gagnant 2000 euros par mois, la hausse du taux de CSG représentera un surplus de taxes de 672 euros par an. Le gouvernement prétend que cette mesure devrait avantager 700 000 personnes, sans en apporter le détail du chiffrage. 

Ce tripatouillage ne règle pas la question de l’injustice représentée par un taux inférieur de CSG supporté par les retraités par rapport aux actifs. La CSG servant principalement à financer les dépenses de santé, dont les séniors en sont les plus gros pourvoyeurs, il semblerait juste d’aligner la charge supportée par les actifs avec celle des retraités.

  • Réforme Ayrault des retraites 2013 / hausse des cotisations

Frédéric Bizard : La cinquième réforme des retraites de l’histoire, adoptée par le gouvernement Ayrault fin 2013 contient un allongement de la durée de cotisations d’un trimestre tous les trois ans à partir de 2020 (concerne toutes les personnes nées après 1958), soit à 43 ans en 2035,  et une hausse des cotisations salariales et patronales de 0,3 point étalée de 2014 à 2017.

Un compte pénibilité est mis en place, même si il s’avère une véritable usine à gaz  administrative. D’autres mesures telle que la fiscalisation du bonus de 10% au troisième enfant ont été adoptées. Sensée rapportée 7 milliards d’euros en année pleine, cette réforme ne résout pas le besoin de financement de 20 milliards d’euros  à l’horizon 2020 prévu par le Conseil d’orientation des retraites (due à l’arrivée des babyboomers à l’âge de la retraite). Cette cinquième réforme est une non reforme qui fait avant tout écho à une promesse électorale du candidat Hollande.

L’allongement de la durée de cotisations étant le miroir de l’allongement de la durée de la retraite, la plupart des pays développés ont décalé l’âge de la retraite à 65 ans ou plus. Outre les ajustements  financiers nécessaires, c’est une réforme structurelle du système de retraites qui est à envisager afin de rendre les Français davantage acteur de leur retraite grâce à un système plus lisible et plus flexible. Le système de la retraite à points est une des options possibles. La convergence des 36 régimes de retraites en un même et unique régime est aussi à lancer le plus tôt possible car cela ne peut se faire que sur le moyen terme.

Axe Dépenses de santé

  • La part des dépenses de santé dans le budget

Pierre-François Gouiffès :La France détient le record du monde en la matière avec 33% de son PIB consacré à la protection sociale et la santé, 665 milliards d’euros en 2012. Le sociologue Julien Damon a d’ailleurs évalué à 15% la "part de marché" mondiale de la France en matière de dépenses sociales. Donc il n’y a pas de maîtrise des dépenses publiques françaises si l’on n’adresse pas la dynamique de dépenses sociales qui ont progressé de 0,8 points de plus que le PIB sans discontinuer depuis 1995 et provoquent un phénomène d’éviction de toutes les autres dépenses publiques, par exemple dans le champ régalien.
De très loin le plus grand poste de dépense est constitué par les retraites (311 milliards d'euros, 15,4% du PIB) devant la santé (221 milliards d'euros, 11%), soit 80% du total des dépenses sociales sur ces deux segments. Il ne reste que 20% des dépenses sociales pour la famille, les allocations sociales et les minimas sociaux. Les dépenses liées à la famille représentaient 52 milliards d'euros en 2012, soit 2,6% du PIB, un montant stable depuis 1995 alors que les dépenses sociales sont passées de 28,7% à 32,8% en 20 ans.
Pour le PLF et le PLFSS 2015, le gouvernement indique que 9,6 des 21 milliards d'euros d’économies concernent les administrations de sécurité sociale qui gèrent 26,6% des 33% de dépenses sociales. Toutefois dans ce segment comme pour tous les autres, les économies sont principalement une "baisse de la hausse". Au final l’ONDAM augmente de 2,1% (contre une hausse de 3,8% "spontanée") et les dépenses vieillesse de 2,4%, plus vite que la croissance du PIB en valeur (1,9%). Sur l’enjeu des retraites (14% du PIB, le plus gros segment unitaire de dépense), la réforme Ayrault de 2013 a consisté notamment a augmenté les recettes (+0,3 points de cotisations patronales et salariales à terme) avec la mécanique traditionnelle des réformes de retraites françaises depuis vingt ans faisant porter l’essentiel de l’ajustement sur les actifs. On retrouve cette année une modulation de la CSG pour les retraités en fonction du revenu (460.000 perdants contre 700.000 gagnants pour le gouvernement). On est loin d’une réforme structurelle soit très simple – recours à la désindexation – soit plus lourde – équilibre actuariel des régimes de retraite à la suédoise par exemple, sans même évoquer l’épineux dossier des régimes spéciaux.
  • Baisser les coûts de l'hôpital

Frédéric Bizard : Notre système de santé a besoin d’une véritable refondation de son organisation, de son financement et de sa gouvernance. D’un système centré sur l’hôpital, on doit évoluer vers un système centré sur le lieu de vie des individus, en ville pour les actifs et sur le domicile pour les inactifs.

Les mesures préconisées dans le PLFSS pour l’hôpital concernent principalement les achats, les dépenses informatiques et les réductions de coûts prévues sur la chirurgie ambulatoire.

C’est la méthode du rabot appliquée à un secteur de dépenses de 85 milliards d’euros dont 65 milliards d’euros pour le secteur public. La France dispose de la dépense hospitalière la plus importante au monde avec une part de 37% dans la totalité des dépenses contre 29% en moyenne dans l’OCDE. Dotée d’une surcapacité de près de 100 000 lits, la réduction de notre surface hospitalière est une nécessité de plus en plus urgente. Un vaste plan de restructuration des hôpitaux, qui impliquera la fermeture progressive de services voir d’établissements s’impose. La surdépense hospitalière met l’ensemble du système de santé sous pression et nuit à son efficience.

Propos recueillis parFranck Michel / sur Twitter

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