Mini coup de pouce sur les charges de l'emploi à domicile : pourquoi il en faudra beaucoup plus pour enrayer l’explosion du travail au noir<!-- --> | Atlantico.fr
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Mini coup de pouce sur les charges de l'emploi à domicile.
Mini coup de pouce sur les charges de l'emploi à domicile.
©Reuters

Usine à gaz

Les députés ont voté dans la soirée du mercredi 22 octobre un allègement de 1,50 euro par heure des cotisations sociales patronales pour les salariés assurant des gardes d'enfants de 6 à 14 ans, dans la limite de 40 heures par semaine. Cette réduction trop timide et les contraintes qui pèsent de toute façon sur les employeurs n'enrayeront pas aussi simplement l'explosion du travail non déclaré.

François Taquet

François Taquet

François Taquet est professeur en droit du travail, formateur auprès des avocats du barreau de Paris et membre du comité social du Conseil supérieur des experts-comptables. Il est également avocat à Cambrai et auteur de nombreux ouvrages sur le droit social.

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Atlantico : L'Assemblée nationale a voté mercredi 22 octobre un allègement de 1,50 euros par heure des cotisations sociales patronales pour les salariés assurant des gardes d'enfants de 6 à 14 ans, dans la limite de 40 heures par semaine. Cela suffira-t-il à ramener vers la légalité les personnes qui se sont tournées vers le travail au noir ? Pourquoi ?

François Taquet : Sans doute pas, car les particuliers employeurs ont besoin d’une loi stable, simple et qui ne change pas à chaque saison. En fait, cette situation est révélatrice d’un mal français où les pouvoirs publics prennent les mauvaises mesures (selon les syndicats patronaux 16 500 emplois à domicile à temps plein ont été détruits en deux ans) avec ultérieurement un rétropédalage pour limiter les dégâts. Le problème est que bien souvent le mal est fait ! S’agissant de l’emploi à domicile, on se souvient que le premier coup de grâce avait été porté par le gouvernement Fillon avec la suppression depuis 2012 de l’abattement de cotisation de 15 points pour les particuliers déclarant leurs salariés au régime réel. Un an plus tard est intervenue la suppression de la possibilité de déclarer au forfait, possibilité qui concernait 30% des employeurs. En outre, les niches fiscales ont été plafonnées à 10 000 € de réduction d’impôt. En contrepartie le gouvernement avait instauré au 1er janvier 2013 une baisse de charges sous la forme d’un abattement de 75 centimes d’euro de l’heure. En un mot, une usine à gaz dans l’usine à gaz ! Et le délire continue aujourd’hui avec le vote de l’allègement de 1,50 euros par heure des cotisations sociales patronales pour les salariés assurant des gardes d'enfants de 6 à 14 ans, dans la limite de 40 heures par semaine. Que peut comprendre le commun des mortels à ces dispositions incertaines et fluctuantes ?

Dans quelle mesure le déficit de confiance des employeurs à domicile à l'égard du gouvernement les dissuade-t-il de déclarer les services de la personne qu'ils emploient ? La possibilité que cet allègement soit gommé l'année suivante constitue-t-elle un frein à la régularisation ?

Je ne dispose pas de statistiques à ce niveau. Mais il est clair que l’instabilité de la loi, et parfois sa rétroactivité, ne saurait guère contribuer à l’embauche. Embaucher un salarié en France, quel que soit son statut, est une opération compliquée. Rompre un contrat de travail relève parfois du parcours du combattant ! Et si à cela vous ajoutez la suppression d’avantages sociaux ou fiscaux, on court au désastre. Cette situation ne peut que préoccuper les pouvoirs publics, sachant que l’emploi à domicile concernerait 2 millions de salariés.

A-t-on une estimation du nombre de salariés à domicile non-déclarés ?

Il est très difficile de savoir évidemment la proportion de travail dissimulé dans ce secteur mais il est évident que dès lors que le formalisme juridique est trop important ou que les charges sociales obèrent les salaires, ces deux éléments ne font qu’inciter au travail dissimulé. Certes, l’employeur prend des risques, mais le salarié conservera intact ses droits à l’assurance chômage et il est parfois demandeur de ce type de situation.

Même si les employeurs y perdent moins avec cet allègement, la complexité administrative inhérente à la déclaration du travail à domicile rend-elle de toute façon toute tentative des pouvoirs publics illusoire ?

Trop de formalisme finit par tuer l’emploi. Quand les pouvoirs publics comprendront-ils qu’aujourd’hui le monstre qu’est devenu le Code du travail avec ses 10 000 articles (contre 54 pour la suisse) ne protège ni l’employeur ni le salarié ? C’est donc globalement, au-delà des mots, un renversement de mentalité qu’il faut opérer

L'opposition n'a pas voté cet amendement, estimant qu'un allègement des charges plus général aurait été nécessaire pour faire reculer le travail au noir : en effet le secteur des emplois à domicile enregistre une baisse continue de l'emploi depuis trois ans. A quelles conditions la tendance pourrait-elle s'inverser ?

Il y a ce qui relève de la situation économique et ce qui relève de l’absence de souplesse de notre législation. L’emploi à domicile  a naturellement des difficultés à progresser dans un pays en crise économique ! Il est évident qu’une personne licenciée économique risque de mettre fin rapidement aux contrats de salariés à domicile. Toutefois, là où la politique du gouvernement est incohérente, c’est que le formalisme du droit du travail et sa pesanteur ne facilitent pas l’embauche. Faut il s’étonner à partir de là que se développe le travail au noir ?

Propos reccueillis par Gilles Boutin

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