Quand les uns vident leur Livret A, les autres souscrivent des assurances-vie <!-- --> | Atlantico.fr
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Pour le cinquième mois consécutif, la collecte du Livret A est négative.
Pour le cinquième mois consécutif, la collecte du Livret A est négative.
©Reuters

Bas de laine

Pour le cinquième mois consécutif, la collecte du Livret A est négative, à raison de 2,4 milliards d'euros en moins en septembre. Dans leur globalité les Français se détournent de cette épargne peu rentable, quand quelques uns trouvent leur bonheur ailleurs.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : En septembre le Livret A et le Livret développement durable ont enregistré 3,15 milliards d'euros de collecte négative, poursuivant ainsi sur une lancée de 5 mois consécutifs de décollecte.  Quel est le profil de ces épargnants qui vident leur livret A ? Est-il homogène ?

Philippe Crevel : Les Français ne ferment pas leur livret A ou leur livret de développement durable. Le résultat communiqué par la Caisse des Dépôts agrège la collecte brute et les retraits. Il signifie que le solde entre collecte et retrait a été négatif à hauteur de 3,15 milliards d’euros. Pour le Livret A, nous avons assisté à un cinquième mois consécutif de décollecte. Le montant de la décollecte sur le Livret A qui atteint 2,4 milliard d’euros est le plus élevé enregistré depuis 18 ans.

Avec la baisse du taux de rendement à 1 % au 1er août dernier, de nombreux ménages considèrent que le Livret A ou le LDD ne sont pas assez rémunérateurs et s’en détournent réduisant d’autant la collecte. Par ailleurs, en septembre, les ménages doivent faire face à des dépenses incontournables comme les impôts ou les achats de rentrée scolaire. Pour faire face à ces échéances, ils puisent assez naturellement sur leurs livrets d’épargne à court terme. Cette année, avec les augmentations d’impôt, les besoins ont pu être plus importants que les années précédentes. Par ailleurs, la montée du chômage et les faibles augmentations de salaires ont également pu conduire un certain nombre de titulaires de Livret A à retirer un peu plus d’argent. Il faut souligner que le mois de septembre est traditionnellement un mauvais mois pour l’épargne dite populaire. Sur ces dix dernières années, cinq ont été marquées par une décollecte en ce qui concerne le Livret A.

Peut-on supposer qu'un phénomène de vases communicants vers l'assurance vie (rendement de 2,8% en 2013) s'est produit ?

Le Livret A souffre de la baisse de son rendement qui est passé de 2,25 à 1 % de 2012 à 2014. Ce mouvement a accompagné la diminution de l’inflation qui est aujourd’hui de 0,3 %. Si en termes réels, le rendement du Livret A n’a pas baissé, en valeur, les Français ont le sentiment inverse. Par ailleurs, il faut noter qu’avec le relèvement des plafonds du Livret A et du Livret de Développement Durable en 2012 et 2013, la collecte de ces deux placements avait atteint sur ces deux années 70 milliards d’euros. Cette collecte nette s’était faite au détriment des livrets bancaires et de l’assurance-vie. Aujourd’hui, nous assistons à un processus de correction. Les ménages se détournent du Livret A et maintiennent des sommes plus importantes qu’auparavant sur leurs comptes courants. Par ailleurs, sur les huit premiers mois de l’année, l’assurance-vie a enregistré une collecte positive de près de 16 milliards d’euros. L’assurance-vie permet aux épargnants de bénéficier d’une garantie en capital avec les fonds euros dont le rendement est fixé annuellement par la compagnie d’assurance. Le rendement moyen, en 2013, était de 2,8 %. Il devrait être de 2,6 % en 2014. Par ailleurs, les épargnants peuvent également affecter une partie de leur épargne sur des unités de compte dont la valeur est fixée par les marchés. Pour les unités de compte, il n’y pas de garantie du capital. En revanche, sur longue période, le rendement est logiquement supérieur à celui des fonds euros. L’assurance-vie bénéficie, par ailleurs, d’un cadre fiscal attractif. Huit ans après l’ouverture d’un contrat d’assurance-vie, le taux d’imposition est de 7,5 % auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux qui s’élèvent actuellement à 15,5 %.

Certes, il ne faut pas surévaluer les liens entre Livret A et assurance-vie. En effet, ce sont des produits de nature différente. L’assurance-vie est en concurrence avec l’immobilier. En revanche, le plan d’épargne logement avec son rendement de 2,5 % rentre en concurrence tant avec le Livret A qu’avec l’assurance-vie. Depuis plus d’un an, le PEL enregistre un fort taux de croissance.

Certains épargnants ont-ils pu placer leur épargne ailleurs qu'en France, dans des assurances-vie plus rémunératrices ?

Depuis plusieurs années, des ménages ont décidé en toute légalité de placer tout ou partie de leur épargne à l’étranger et tout particulièrement au Luxembourg. Quelques milliard d’euros se sont ainsi logés dans des contrats d’assurance-vie à l’étranger. Les épargnants qui ont fait un tel choix cherchent des produits plus rémunérateurs avec une meilleure garantie du capital. En revanche, cela n’affecte que marginalement la collecte du Livret A qui est avant tout un produit d’épargne populaire, de court terme. Le ticket d’entrée pour des contrats à l’étranger est de plusieurs dizaines de milliers d’euros quand le plafond du Livret A est de 22 950 euros et celui du Livret de Développement Durable est de 12 000 euros.

Les plus modestes sont-ils nombreux à ne plus épargner ? Pourquoi ? Avec quelles conséquences ?

Le taux d’épargne varie fortement en fonction des revenus. En 2009, les 25 % des ménages épargnant la part la plus importante de leurs revenus (soit plus de 33 %) contribuent à 72 % de l’épargne nationale annuelle qui s’élève à environ 200 milliards d’euros. Près de 40 % des ouvriers ou des employés n’épargnent pas quand ce taux est de 20 % chez les cadres. Avec la crise, la proportion des Français à ne pas pouvoir épargner a tendance à s’accroître. Or, évidemment, cette incapacité à épargner fragilise la situation des personnes concernées. Le fait de ne pas avoir une poche d’épargne expose fortement les ménages à des difficultés en cas de perte d’emploi. C’est également une raison avancée pour demander des étalements de paiement pour les impôts. Les ménages sans épargne sont en situation de vulnérabilité face à des échéances comme le paiement des loyers ou le remboursement des emprunts immobiliers.

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