Vacances studieuses mais pas trop : combiner temps de devoirs et temps de détente âge par âge <!-- --> | Atlantico.fr
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On n'apprend pas qu'à l'école.
On n'apprend pas qu'à l'école.
©Reuters

Relax Max

Alors que les vacances de la Toussaint ont commencé cette semaine, le point sur la bonne manière d'organiser les devoirs de ses enfants.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Pendant les vacances de la Toussaint, durant deux semaines, quelle est la meilleure manière de s'atteler aux devoirs des enfants, en fonction des niveaux ? Quel niveau d'autonomie leur accorder ?

Pierre Duriot :

  • Primaire : L'apprentissage, la construction des savoirs et des compétences, n'est pas synonyme de gavage. Il ne faut pas s'imaginer que plus on va demander à l'enfant d'apprendre, de travailler, plus on va le solliciter et meilleur il sera. Le primaire, maternelle et élémentaire, revêt à cet effet une particularité primordiale dans la mesure où c'est la période de construction du cerveau et des capacités cognitives. L'enfant apprend les bases de ses futures compétences mais également construit sa manière d'aborder les tâches, de les gérer, de les organiser et prépare le terrain des apprentissages futurs qui ne seront pas tout à fait reçus de la même manière. "Tout se joue avant six ans", dit-on, c'est un peu vrai. D'ailleurs les statistiques concernant le CP montrent bien qu'un bon apprentissage des fondamentaux est gage d'une certaine réussite scolaire. A cet âge et plus tard également, on apprend avec une période d'assimilation, de digestion et de mise en sens. Cette période se déroule pendant les phases de repos, de sommeil. Quand le cerveau n'est plus sollicité, il s'organise, inconsciemment, créé ses connexions, engrange. La sollicitation perpétuelle des enfants est donc contre productive, il faut savoir se reposer ou faire autre chose. Il faut aussi connaître son enfant. Certains, même très jeunes, ont une envie naturelle de revenir à leur travail d'école, d'autres moins. Il faut également avoir autorité pour faire faire les devoirs. Si vous n'arrivez pas, au quotidien à faire "virer" votre enfant, il y a fort peu de chance pour qu'il vous reconnaisse le droit le lui imposer cette tâche contraignante pour lui que peuvent être les devoirs.

Il faut enfin se souvenir que l'on n'apprend pas qu'à l'école. Les vacances sont aussi l'occasion d'apprendre d'autres choses ou de mettre en service les apprentissages vus à l'école et qui souffrent souvent d'un manque d'applications concrètes. Un enfant de primaire apprend beaucoup avec son corps, ses gestes... le sport, la cuisine, les sorties culturelles, les jeux de société, les discussions, sont autant d'occasions de solidifier de bons liens parents-enfants et d'apprendre.

  • Collège et Lycée :Dans le secondaire, les bases doivent être là et il n'est plus question de penser les devoirs du soir comme en primaire. L'enfant doit avoir appris à les gérer, à s'y intéresser, éventuellement à être curieux d'aller au-delà de ce qu'il a appris à l'école en se documentant. Si ce n'est pas le cas, les épreuves de force autour des devoirs ne résoudront rien et vont saper l'ambiance familiale. Et puis le travail d'un lycéen n'est parfois pas ou plus à la portée des parents qui n'ont pas forcément connu le même cursus ou qui ont oublié. On peut cependant contrôler, non pas les contenus, mais les moments de travail en réglementant notamment les heures du coucher et les moments d'accès aux divers écrans présents dans la vie d'un adolescent : téléphone, télévision, ordinateur, tablette...

Recommandez-vous de s'en tenir aux recommandations des professeurs, ou relève-t-il de la responsabilité des parents d'insister sur les matières dites "à problèmes" ?

Si les matières sont "à problèmes", il y a nécessité de compétences pédagogiques particulières et les parents ne sont alors généralement pas les mieux placés. Il y a également de fortes chances pour qu'insister justement sur ces matières là à la maison ne fasse qu'aggraver le phénomène. Il est recommandé aux parents de s'intéresser à ce que fait leur enfant à l'école, de l'encourager et de le valoriser, même si parfois c'est difficile, il est vrai. Il est surtout important de s'atteler à tous les autres terrains de l'apprentissage et de laisser l'instruction scolaire aux professeurs. Il reste l'éducation, la culture générale, les activités sportives et culturelles, la vie en société, comme relevant de la responsabilité parentale, même si l'école à parfois tendance à vouloir se mêler de tout cela et que la frontière entre rôle parental et rôle scolaire est devenue floue.

Quel est le bon rythme à adopter en vacances pour favoriser au mieux l'assimilation des connaissances et encourager la curiosité ?

Il n'y a pas de bon rythme dans l'absolu, cela dépend de votre autorité sur l'enfant qui vous permettra d'imposer tel ou tel rythme, dépend aussi de votre enfant et de ce qu'il montre comme intérêt pour l'école ou ce qu'il est capable de fournir comme effort. Comme précédemment, jouer plutôt sur le registre des à côtés de l'école, sortir, faire ensemble et laisser reposer.

Quelles sont les autres manières de maintenir en éveil les enfants pendant les vacances ?

Il ne faut pas toujours maintenir en éveil justement, il faut prendre un peu de recul en faisant autre chose, l'esprit ne fonctionne pas que pendant le travail scolaire. Bien sûr, les musées, le sport, le jeu, contribuent au développement de la personnalité. Egalement, chez nos jeunes, le paramètre de la socialisation est souvent déficitaire comme le montrent les statistiques parfois alarmantes des relations entre les jeunes eux-mêmes. Le harcèlement scolaire, les phénomènes de violence, la récente polémique sur la prostitution entre collégiens, mais encore, les phénomènes d'addiction, de suicide, sont autant d'indicateurs qui montrent que l'on ne se construit pas que sur la base de ses résultats scolaires. Apprendre à vivre avec les autres, en société, à se tenir en public, à établir des relations apaisées sont des incontournables qui s'apprennent au contact des adultes et des autres, dans des cadres certes scolaires mais également de vacances, en centre de loisirs, au camping, en stage sportif... là résident aussi les "devoirs de vacances".

Tous les enfants sont-ils égaux face aux devoirs de vacances ? Pourquoi ?

Bien sûr que non, l'inégalité est une composante intrinsèque de la nature, de la nature humaine et de la société. Il ne faut pas confondre égalité et égalitarisme. L'égalité consiste à donner à tous la même possibilité de développer et d'exploiter au mieux ses capacités personnelles. L'égalitarisme consiste à vouloir que tout le monde soit du même niveau, ce qui n'est pas possible. Bien sûr, la réussite scolaire est corrélée au niveau social et elle le sera toujours. Le rôle de l'école n'est pas d'amener tout le monde au doctorat mais de permettre à chacun de trouver la place qui va lui permettre d'exercer une forme de citoyenneté intéressante, par sa relation aux autres, par le travail et la famille. Ils ne sont pas égaux devant les devoirs de vacances parce qu'ils ne sont égaux nulle part et ne le seront jamais dans la société qu'on leur propose. L'inégalité s'entend d'ailleurs, ce qui ne s'entend pas c'est l'injustice et la relégation. Mais force est de constater que pendant les vacances, ce sont souvent les bons élèves qui bénéficient des activités les plus enrichissantes, creusant ainsi les écarts entre les enfants. A ce titre, les vacances sont l'occasion d'appréhender l'enfant autrement que comme élève et de ne pas le réduire à son bulletin de notes ou à la qualité de ses devoirs. En résumé, rester actif, mais sur d'autres terrains, se reposer et penser à l'école, un petit peu.

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