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Pourquoi le Nord compte-t-il 
autant d'enfants obèses ?
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Obésité infantile

Les enfants qui habitent dans l'Est, le Nord et l'Ile-de-France souffrent plus d'obésité que dans la plupart des autres régions de France. C'est ce qui ressort d'une enquête menée auprès de 23 365 enfants âgés de 5 à 6 ans. Explications...

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico : Une enquête publiée récemment montre que l'obésité infantile varie selon la région de France dans laquelle on se trouve. Comment l'expliquez-vous ?

Patrick Tounian : Je pense qu’il faut déjà nuancer le propos de cette étude. Il y est question principalement d’enfants de cinq à sept ans. Ce n’est pas tout à fait représentatif de la population pédiatrique générale.

Mais il est vrai qu'il existe des régions françaises avec plus d’obésité que d’autres. Dans toutes les enquêtes, le Nord, L’Ile de France, la région Paca et les régions de l’Est reviennent toujours. Mais pour qu’un enfant devienne obèse, il faut qu’il ait une prédisposition à l’être. Ce n’est pas le mode de vie ni des Nordistes, ni des Alsaciens, ni des Franciliens qui explique cette obésité.

Dans le Nord, il y a eu, au fil des générations, une sélection génétique des obèses. C’est une région froide, difficile à vivre, où les gens allaient à la mine, où il fallait avoir de la « réserve ». Je pense que les gens du Nord, sur plusieurs générations, ont été davantage sélectionnés sur ces critères. Les obèses étaient recrutés en priorité car ils étaient capables de réaliser des travaux de force, contrairement aux plus maigres. Les enfants de ces gens, sont plus à même de devenir obèses.

Le Nord, l’Ile de France ou la région Paca sont des régions où il y a beaucoup de descendants d’immigrés qui viennent du continent Africain. On sait aussi maintenant, à la lumière de certains travaux scientifiques, que certains peuples de la planète sont beaucoup plus susceptibles de devenir obèses que d’autres. Ils ont été sélectionnés, au fil des millénaires cette fois, pour résister aux famines, aux conditions de vie difficiles. Si l’on multiplie cela sur des centaines de générations, on remarque petit à petit une sélection des obèses. On sait que les enfants issus d’ancêtres ayant vécu sur le continent africain, en Extrême-Orient ou sur le continent américain, sont beaucoup plus prédisposés à l’obésité.

Ces deux phénomènes expliquent que ces régions sont beaucoup plus touchées par l’obésité. D’ailleurs, toutes les enquêtes montrent que la région du Sud-Ouest, très connue pour sa « bonne bouffe », n’est pas une région particulièrement touchée par l’obésité. Il ne faut donc pas faire l’amalgame entre le mode de vie de certaines régions de France et l’obésité. Nous avons à peu près les mêmes conditions d’accès à la nourriture, dite « junk food », à Lille, Marseille, Rennes ou Strasbourg.


Dans ce cas-là, les mesures de prévention prises par les gouvernements successifs vous paraissent-elles efficaces ?

Les mesures de prévention collective, comme la taxation des boissons sucrées, la limitation de la publicité, ou les mesures d’éducation nutritionnelle à l’école, ont démontré leur totale inefficacité, quelle que soit la région. Contrairement à ce que certains, avec des intérêts financiers, prétendent.

Cependant, génétique ne veut pas dire inéluctabilité. C’est seulement une prédisposition, on peut lutter contre. Ce n’est pas simple mais c’est tout à fait possible. Il faut travailler à l’échelon individuel sur les enfants qui ont cette prédisposition. Il faut les dépister, tenter de limiter l’accès à la nourriture et les quantités ingérées et essayer très tôt de les habituer à avoir une activité physique importante.  

L’étude révèle que les enfants qui ne prennent jamais de petits-déjeuners sont plus nombreux dans les régions qui comptent le plus d’enfants obèses. Existe-t-il selon vous un rapport de cause à effet ?

Il y a une association évidente entre déjeuner moins le matin et devenir obèse. Le raccourci, scientifiquement inexacte, serait de dire qu’ils déjeunent moins et c’est pour cela qu’ils sont obèses. C’est clairement une erreur de causalité inverse. Je pense que c’est le contraire, de toute évidence, c’est parce qu’ils sont obèses qu’ils ne petit-déjeunent pas.

Il y a des éléments scientifiques qui le prouvent. Les obèses, à jeun dans la nuit, consomment beaucoup plus de graisse que de glucide pour faire fonctionner leur organisme. L’oxydation de la graisse produit ce que l’on appelle des corps cétoniques qui sont anorexigènes (ils inhibent l’appétit). Le matin, les obèses se lèvent donc avec plus de corps cétoniques que les autres et ont moins faim. Comme ils sont obèses, à la fin de la journée, ils doivent manger plus. Ils rattrapent dans la journée le retard qu’ils ont pris le matin. Un cercle vicieux s’installe car, comme ils mangent énormément le soir, ils ont d’autant moins faim le matin suivant. Malheureusement, les vendeurs de petit-déjeuner font dire le contraire à certains de mes confrères.


L’enquête a été menée en 2005-2006. Elle vient seulement d’être publiée. Pourquoi ?

Les enquêtes qui sont faites au niveau ministériel ne sont pas toutes publiées car elles ne sont pas toutes intéressantes pour la communication. Selon l’opportunité d’une stratégie politique, on ressort certaines études. Je vous rappelle que nous sommes en train de parler de la taxation sur les boissons sucrées. Je ne peux pas affirmer qu’il y ait un lien de cause à effet mais on ne peut l’exclure.

La taxation des boissons sucrées a été surmédiatisée. L’argument utilisé a surtout été celui de la prévention de l’obésité chez l’enfant. C’est un argument qui, scientifiquement, n’a absolument aucun sens. Un enfant ne devient pas obèse par ce qu’il boit trop de boissons sucrées, le problème n’est pas aussi simple.

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