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S’est-il vraiment passé quelque chose en France depuis 1984 ?
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Quoi de neuf ? Pas grand-chose...

Dans "Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi", André Bercoff dépeint une France tiraillée entre l'économique et l'identitaire, et qui est arrivée à un moment charnière de son destin. Interview avec l'auteur.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Atlantico : Votre livre s'intitule, "Bernard tapie, Marine Le Pen, La France et moi , chronique d'une implosion annoncée" (éditions First). Quels liens faites-vous entre Marine Le Pen et Bernard Tapie ? 

André Bercoff : C'est le lien que je fais entre deux crises qui se juxtaposent : l'économique et l'identitaire. Bernard Tapie il y a 30 ans symbolisait parfaitement l'entrepreneur qui gagne, le fils d'ouvrier atteignant les sommets et devenant une icône de la gauche mitterrandienne qui voulait ainsi montrer sa réconciliation avec l'initiative privée ; quelle douce ironie de voir qu'aujourd'hui Manuel Valls reçoit une standing ovation du MEDEF et prend son bâton de pèlerin pour dire, à Berlin comme à Londres, que son gouvernement est pro business. D'où l'impression étrange qu'il ne s'est rien passé depuis 1984 et que les socialistes redécouvrent l'entreprise comme Monsieur Jourdain fait de la prose.

Marine Le Pen, quant à elle, incarne la crise identitaire : ces millions de Français laissés pour compte et abandonnés, voire sacrifiés par la gauche comme la droite : nombre d'ouvriers, d'artisans, de petits commerçants, de précaires, d'agriculteurs se tournent vers celle qui leur semble, à tort ou à raison, traduire le mieux leur ras le bol.

Au sujet de la France, vous parlez d'une implosion annoncée, quels en sont les ingrédients et les signes avant-coureurs ? Est-elle inéluctable ? 

Il ne faut évidemment pas tout confondre et tout resserrer dans un moule préétabli. Mais force est de reconnaître que, de la Manif pour tous aux bonnets rouges en passant  par un certain nombre de groupes et de forces sociales, tout s'accumule : la précarité économique qui fait que de plus en plus nombreux sont les Français qui n'arrivent plus à boucler leur fin de mois, les inégalités flagrantes entre abrités et exposés, entre régimes spéciaux et tondus permanents, enfin un pouvoir qui ne sait plus où il va et veut désespérément donner l'impression qu'il y va : effets d'annonces et retournements de veste garantis. Le tout ne peut déboucher que sur un couvercle qui saute, eu égard de l'état de la marmite.

Qu'est ce qui pourrait empêcher le pays de sombrer ? 

Dire enfin aux Français l'état réel du pays, mettre tout sur la table, ne rien cacher en exposant l'étroitesse de la marge de manoeuvre, discussion franche et surtout approfondie sur les alternatives possibles : aujourd'hui la globalisation et les nouvelles technologies le permettent, mieux : l'exigent. Mais pour cela, il faut des hommes et des femmes de courage et de ténacité : denrées devenues rares...

Vous écrivez : "La 5e République doit disparaître pour une raison simple : le monde qui l'a vue naître, a disparu depuis longtemps". A quelle société ce monde qui a disparu a-t-il fait place ? 

À une société à la fois éclatée et interconnectée, aux économies mondialisées et interdépendantes, à une volonté très forte de liberté battue en brèche par l'hydre à deux faces des fanatismes religieux et des dictatures militaires. Après l'implosion de l'empire soviétique, on crut à la fin de l'Histoire : le 11 septembre 2001 prouva qu'il n'en était rien. Les trafics d'armes, d'êtres humains, de minerais et de finances se jouent plus que jamais des frontières. Les USA prouvent à l'envi que notre monde est devenu post hégémonique.

Quel type de régime serait plus adapté au monde que connaissons ? 

Pour les candidats à la présidence de la République : un septennat unique avec interdiction de se représenter. Vote obligatoire. Séparation enfin véritable des trois pouvoirs. Référendums d'initiative populaire. Le métier politique enfin considéré comme un CDD et non plus en CDI, pour ne citer que ces changements nécessaires mais non suffisants.

Une réforme institutionnelle suffira-t-elle à faire face aux défis qui nous attendent ? 

L'histoire de France le montre éloquemment. Nous ne faisons des réformes qu'après une implosion, un bouleversement ou une Révolution. L'accumulation des blocages est telle qu'il faut trancher le noeud gordien sauf à finir en Club Med patrimonial ou en aire de jeux pour nouveaux riches des pays émergents. Les princes qui nous gouvernent devraient enfin s'y faire : paraître ou conduire, il faut choisir. Le problème n'est pas d'accoler une nouvelle étiquette (la 6ème) à une République usée, mais l'accord général sur le contenu que l'on entend y mettre. Dieu a besoin des hommes : si les Français continuent de s'y dérober, nous n'aurons que ce que nous méritons.

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