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Nicolas Sarkozy : dans les coulisses d’un retour qui ne s'est pas du tout passé comme prévu
©Reuters

Bonnes feuilles

Comment revenir quand on vous a congédié ? Depuis que Nicolas Sarkozy a rendu les clés de l'Elysée, pas une semaine n'est passée sans que cette question de l'obsède. Une chose est sure, c'est que son retour dans l'arène politique ne s'est pas passé comme prévu. Extrait de "C'était pas le plan", de Philippe Cohen et Laureline Dupont, publié chez Fayard (1/2).

Philippe Cohen

Philippe Cohen

Philippe Cohen, disparu en 2013, était journaliste. Il est l'auteur de Protéger ou disparaître (Gallimard, 2000), La face cachée du Monde (avec Pierre Péan, Mille et une nuits, 2003), BHL, une biographie (Fayard, 2005), Le Pen. Une histoire française (Robert Laffont, 2012).

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Laureline Dupont

Laureline Dupont

Laureline Dupont est journaliste politique au Point.

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Il faut dire que, depuis le 6 mai 2012, son plan paraissait bien ficelé. De sa disparition – très temporaire – des écrans télé à sa réapparition graduée, il avait, pensait-il, édifie les fondations d’un retour gagnant. L’année 2014 serait celle de l’élan, de la reprise progressive d’une parole publique avant le grand saut, courant 2015, au plus tard début 2016. Avec sa tribune fleuve consacrée a l’Europe et publiée dans Le Point (1) le 22 mai, soit trois jours avant le scrutin européen, il se targuait d’avoir réussi un joli coup : 100 000 exemplaires du Point écoulés en cinq jours – « Je fais vendre », avait fanfaronné l’orgueilleux, ravi. Cette fois-ci, pas question de se plaindre d’une profession qui vend sur son dos.

Le 25 mai 2014, le séisme annonce, le raz de marée frontiste s’est abattu sur la France, ravageur pour la droite, davantage pour la gauche, et annonciateur d’un scénario catastrophe pour la prochaine présidentielle. « En 2017, nous aurons un duel François Hollande-Marine Le Pen », ont prédit les Cassandre le soir des élections européennes. Qui a droite pour renverser la barque ? Pour épargner à la France cet effrayant affrontement ? Qui ? Au simple énoncé de cette question, Sarkozy, ce soir-là, dans la loge de sa femme en concert à Tel-Aviv, avait souri, candide. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Personne n’avait prophétisé le surgissement dans l’actualité de trois syllabes bouleversantes qui abattraient le scénario sarkozyste et rebattraient toutes les cartes du jeu à l’UMP, et même au-delà à droite… Bygmalion. En février 2014, Le Point avait jeté un premier pavé dans la mare en accusant la société de communication, proche de Jean-François Copé, d’avoir surfacturé des meetings de Sarkozy-candidat. Au mois de mai, c’est au tour de Libération de pointer des événements fantômes rémunérés à des prix astronomiques. « Cette maudite affaire Bygmalion ! » peste Sarkozy, avec ses conséquences : les soupçons de « dérapages financiers » pesant sur sa campagne 2012. Personne non plus n’avait anticipé la démission de Jean-François Copé de la tête du parti et l’organisation d’un scrutin à l’automne 2014 pour élire un nouveau chef UMPiste. Les stratèges, même les plus clairvoyants, ne sont pas devins.

Nicolas Sarkozy n’a pas tout à fait tranché la question de son retour – et de ses conditions – que soudain le contexte l’y contraint. Il a veillé à rester les deux pieds en dehors du marigot politicien, à se tailler un costume d’homme providentiel depuis plus de deux ans, et voilà que de sombres affaires de gros sous lui imposent de rassembler ses forces pour replonger la tête la première dans le bourbier UMPiste. Et tout ça pour sauvegarder ses chances de renaissance. Quel paradoxe ! « Tout a basculé d’un coup, c’était pas du tout le plan, admet en chuchotant Nadine Morano. L’idée la plus intelligente aurait été de faire débarquer un ou une sarkozyste à la présidence de l’UMP, mais la façon dont Copé s’est fait jeter a tout changé. Le parti est devenu indispensable et incontournable. Tout ça l’a obligé à changer sa stratégie. » Lui qui avait maintes fois prévenu plusieurs de ses visiteurs d’un « Quand je vais revenir, ça sera stratosphérique ! » n’imaginait pas à quel point.

Ils avaient tout prévu. Tout ? Sauf ce retour inattendu par la case UMP. Il rechigne, mais il sait qu’il n’a plus le choix. La recomposition politique commence maintenant. Au lendemain du scrutin européen qui a sacré pour la première fois le FN grand gagnant d’une élection, déboussolant la gauche et glaçant la droite. Au lendemain du limogeage du chef UMP qui a laissé le mouvement décapité, désorienté, au bord de l’implosion. Au lendemain d’une longue séquence ahurissante, rythmée par les scandales à gauche du remaniement inopiné au livre de Valérie Trierweiler, en passant par la « phobie administrative » de Thomas Thévenoud –, qui a déconcerté et écœuré bon nombre de citoyens. Par un étrange concours de circonstances, son destin savamment calculé finit de basculer dans la nuit du 1er au 2 juillet 2014 lorsqu’il s’engouffre dans la grosse berline sombre qui l’attend devant l’Office anti-corruption de la Police judiciaire de Nanterre. Les juges Claire Thépaut et Patricia Simon, « ces deux dames » comme ils les appellent lors de son interview télévisée du lendemain, ont décidé de le mettre en examen dans l’affaire des écoutes judiciaires pour « corruption active », « trafic d’influence », « recel de violation du secret professionnel ». C’en est trop. Il faut réagir. Clamer son innocence face caméra et préparer un retour devenu inévitable. Lutter contre la justice, son injustice. Occuper le terrain. Et infléchir cette côte de popularité qui n’en finit plus de baisser. Sûr d’être soutenu et adulé hier, le voici, depuis le début de l’été 2014, sali par le scandale et à la merci de dirigeants UMP prêts à tout pour l’empêcher de revenir. Bombant le torse pour faire valoir leur stature toute neuve de « candidentiable » à l’élection présidentielle. Si Sarkozy veut garder une main sur le parti, une place dans le cœur des militants, et une chance pour 2017, il doit se résoudre à rappliquer prestement.

Extrait de "C'était pas le plan", de Philippe Cohen et Laureline Dupont, publié chez Fayard, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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