Jean-Marie Bockel : "Vrais ou faux, les propos de Bourgi montrent que l'édifice de la Françafrique se fissure"<!-- --> | Atlantico.fr
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JM Bockel : "Comme tout chef d’État, Nicolas Sarkozy est un peu à la croisée des chemins : il aspire à un changement, mais est confronté à un principe de réalité."
JM Bockel : "Comme tout chef d’État, Nicolas Sarkozy est un peu à la croisée des chemins : il aspire à un changement, mais est confronté à un principe de réalité."
©Reuters

Françafric pas chic

Selon l'ancien Secrétaire d'État à la Coopération évincé en 2008, "le simple fait que Robert Bourgi ait pu tenir de tels propos montre qu'une page est en train d'être tournée".

Jean-Marie Bockel

Jean-Marie Bockel

Jean-Marie Bockel est un avocat et homme politique.

Nommé en 2007 Secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, il devient secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens combattants lors du remaniement ministériel de mars 2008.

Beaucoup voient dans ce changement le résultat de pressions exercées par les présidents Omar Bongo et Denis Sassou-Nguesso, mécontents de ses positions au sujet de la Françafrique.

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Atlantico : Vous avez été révoqué en mars 2008 de votre poste de Secrétaire d'État à la Coopération du premier gouvernement de François Fillon parce que vous remettiez en question certains principes de la "Françafrique". Les récents propos de Robert Bourgi s'inscrivent-ils dans les pratiques que vous dénonciez alors ?

Jean-Marie Bockel : Ma dénonciation était plus vaste. Je n'avais pas connaissance des systèmes de financement occultes. Je n’étais pas dans ces circuits. Je me doutais, comme tout le monde, que ça devait bien exister. Mais mon propos ne se limitait pas à ce seul aspect des choses. Je souhaitais que l'on change globalement la relation traditionnelle à l’Afrique : à la fois dans le domaine économique, politique ou dans la prise en compte des aspirations du peuple africain.

Robert Bourgi avait eu à l'époque de votre éviction des mots très durs à votre encontre, estimant que vous n'aviez "rien compris à l'Afrique" et que vous étiez "psychorigide"...

Ses propos ne m’avaient pas surpris. Nous avions tous les deux des visions un peu différentes du développement de l’Afrique. Il avait la vision d’un intermédiaire qui avait un certain rôle parfois utile : de tout temps, dans les relations entre tous pays, il a existé des relations officieuses, voire secrètes, qui cohabitaient avec la diplomatie officielle. Je ne le condamne pas. Mais lorsque cela prend trop d’ampleur et que ça supplante certaines relations normales qui peuvent exister entre deux pays, nous nous retrouvons alors dans une situation perverse. C’est un peu ce qui a caractérisé la relation classique entre la France et un certain prêt carré africain.

Ce que j’ai voulu incarner et accélérer – dans les pas du discours qu'a tenu Nicolas Sarkozy à Cotonou, en 2006 – a pu heurter des intérêts et des habitudes. D’où des propos sur ma prétenue psychorigidité…. Mais cela ne me gène nullement.

Et aujourd'hui : la Françafrique, c’est du passé ?

J’ignore si les propos de Robert Bourgi sont vrais ou faux. Mais le simple fait qu’il les ai tenus montre que l’édifice se fissure. Une page se tourne. Il n’aurait jamais pu tenir de tels propos il y a deux ou trois ans.

Depuis quelques années, l’Afrique a changé. L’Afrique c’est aujourd'hui une croissance économique qui ne se dément pas, ce sont des investissements dans l’industrie, dans la logistique, c’est l’évolution de la démocratie qui progresse malgré tout. Tout cela change la relation de l’Afrique avec la France et c’est une bonne chose.

En quoi les rapports entre la France et l'Afrique doivent-ils encore évoluer ?

Il reste encore des réseaux, une certaine nostalgie de ce qu’a pu être la Françafrique. Mais la relation est beaucoup plus saine avec une nouvelle élite africaine qui est en train de se constituer. Le dialogue est différent.

Doit-on vraiment cette évolution à Nicolas Sarkozy ?

Comme tout chef d’État, Nicolas Sarkozy est un peu à la croisée des chemins : il aspire à un changement, mais est confronté à un principe de réalité. Les choses ne vont pas assez vite à mon goût, mais je ne jette pas la pierre au président de la République qui est confronté à la raison d’État, aux intérêts de la France, comme ce fut le cas lors de mon éviction. Nous étions en désaccord sur le timing, mais  en accord sur le diagnostic. Les choses sont en train de changer et Nicolas Sarkozy y a contribué.

On parle souvent de la Françafrique, mais qu'en est-il de l’Afrique-France ? Les chefs d'États africains influencent-ils eux-aussi la politique française ?

Ce que vous décrivez existe. Il est certain qu’il y a des stratégies d’influence. Mais là aussi, la situation est en train de changer. Un certain nombre de chefs d’État africains confrontés à une aspiration à la démocratie vont peut-être, eux ou leurs successeurs, avoir plus d’énergie à consacrer à leur propre pays qu'à leur influence sur la politique française. Tout simplement parce qu’il n’en auront plus les moyens. Un jour, la Françafrique ou l’Afrique-France s’effondrera.

Dans le cadre de cette "France-Afrique", je pense notamment à la remise de la Légion d'honneur par Nicolas Sarkozy à Robert Bourgi en septembre 2007... Qu'en aviez-vous pensée ?

Il ne m’appartient pas de porter un jugement. Les choses sont complexes. Il peut y avoir des services rendus à un moment donné et des actions tortueuses à d’autres moments. Je ne veux pas être dans l’amertume ou le dézingage, j’essaye d’être politique.

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