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Valises de billets : le charme désuet de la corruption à l’ancienne
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Zone franche

De l’argent liquide dans des valises à l’heure du trading haute-fréquence ? Au pays d’Audiard et des tontons flingueurs, la corruption accuse un sérieux retard technologique…

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Il y a quelque chose de délicieusement désuet ― et de presque rassurant en fait ―, dans ces images de présidents, de premiers ministres et d’intermédiaires véreux à la Audiard occupés à décharger des valises pleines de billets du coffre d’une auto garée dans la cour d’un palais national.

On imaginerait qu’à l’heure de la transaction électronique anonyme et du trading à haute-fréquence, corrompus et corrupteurs se soient mis au parfum ! D’accord, Chirac a toujours eu un peu de mal avec les mulots, mais tout de même…

Jean-François Probst, lieutenant de l’ancien président alors maire de Paris, avait déjà raconté avec force détails la manière dont le boss planquait ses liasses de dollars dans les toilettes. Mais c’était en 85, l’époque de Windows 1 et du Mac Classic à 128 K. Autant dire il y a un siècle.

Les années Bourgi, en revanche, chevauchent largement l’introduction de l’ADSL, du Blackberry crypté et de Linux et l’on s’étonne que tout ce petit monde soit resté fidèle à Samsonite et Delsey. Notez que c’est aussi le moment où les premières valoches à roulettes sont arrivées : les technologies nouvelles n’ont donc pas été totalement ignorées par nos puissants amis.

Le cash, de toute manière, a toujours été l'instrument fiduciaire de prédilection de nos élites : ainsi, il a fallu attendre Jospin, en 2001, pour que les ministres cessent d’aller chercher l’enveloppe kraft contenant la partie grise de leur rémunération à la paierie générale du Trésor public.

Des billets empilés comme autant de sous-vêtements dans les armoires...

Enfin, quand je dis nos élites, ce n’est pas pour leur jeter la pierre spécifiquement : la mise à sac des forteresses de Ben Ali, de Moubarak et de Kadhafi a tout de même permis de vérifier que ce goût pour les gros biftons empilés comme autant de sous-vêtements bien repassés dans les armoires était assez universel…

Las, le liquide, même lorsqu’il est livré par lots de un million de brouzoufs, permet sans doute d’arroser davantage de monde que le transfert sur un compte numéroté au Liechtenstein. Il y a des petites mains, des faux-frais, des chauffeurs… Bref, tout un tas de contributeurs secondaires qui ne prennent généralement pas la carte bleue pour un achat de conscience dont le montant est inférieur à 15 euros.

Ces turpitudes quotidiennement révélées, pour autant, ne devraient pas conduire le cynique qui sommeille en chaque Français à entonner l’air du « Tous-pourris, c’est la décadence, puisque c'est comme ça je vote FN ! »

D’abord parce que non, tous ne sont pas pourris (juste un bon paquet). Ensuite parce que cette décadence a démarré assez tôt dans l’histoire de l’humanité pour que les première valises aient été farcies aux os de poulet et aux silex taillés. Mais surtout parce que le passage du FN aux affaires (sic), à Toulon ou à Vitrolles, nous enseigne que les mycoses s’épanouissent fort bien sur l'humus de l’extrême droite (laquelle est par ailleurs xénophobe et grotesquement inculte en matière économique, mais ce n’est pas le sujet du jour et ne mélangeons pas tout).

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PS : Mais j'apprends après avoir terminé cet édito que Bourgi accuse également Jean-Marie Le Pen d'avoir porté quelques valises. Avouez que ce serait ironique...

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