Rencontres en ligne : tout ce que Happn, l’appli française qui monte, fait mieux que Tinder<!-- --> | Atlantico.fr
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"Happn comme Tinder exploitent la géolocalisation et donc la possibilité de se rencontrer rapidement" explique Catherine Lejealle
"Happn comme Tinder exploitent la géolocalisation et donc la possibilité de se rencontrer rapidement" explique Catherine Lejealle
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French lover

L'entreprise française Happn est en passe de détrôner Tinder dans le cœur des célibataires. L'application séduit grâce à une recette simple : permettre de retrouver quelqu'un que vous avez croisé dans la rue... à l'aide de votre smartphone.

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Tinder c'est un jeu, aux règles simples. Un lieu virtuel de rendez-vous qui affiche des renseignements puisés sur votre profil facebook. Votre smartphone vous propose ensuite les photos de célibataires à quelques kilomètres de vous. Un simple geste de l'index vous permet de liker ou non les profils, en fonction des interets communs, mais surtout du visuel. 

Happn surf sur la fantasme de retrouver la personnes que vous auriez croisé dans le metro, le bus ou même votre boulangerie de quartier. Grace à un service de géolocalisation, l'application permet de rencontrer d'autres célibataires qui fréquentent les mêmes lieux que vous.Un concept novateur qui palie en quelque sorte aux éventuelles "occasions manquées"

Atlantico : Si Happ promet la rencontre physique avant toute mise en contact virtuel, dans les faits qu'en est-il réellement ? Est-ce réellement différent de ce que Tinder propose déjà ? 

Catherine Lejealle : Happn comme Tinder exploitent la géolocalisation et donc la possibilité de se rencontrer rapidement parce qu’on habite ou fréquente le même quartier. Les deux formes de mise en relation sont ludiques et se jouent sur un mobile. La différence est que Happn vous propose des profils de personnes qui fréquentent les mêmes lieux que vous et avec qui vous avez a priori potentiellement des points communs. Cette mise en relation induit du suspens supplémentaire : est-ce qu’on s’est déjà croisés et aperçus ? Il y a une excitation supplémentaire car on fantasme sur les personnes qu’on a en mémoire et à qui on n’a jamais osé parler.

Partir des lieux pour mettre en relation est donc intéressant et pertinent à trois titres. Premièrement, il y a déjà des centres d’intérêt commun car on a choisi le même bar ou la même salle de sport en encore le même fleuriste. Deuxièmement, cela amène un sujet de conversation immédiat pour rompre la glace lors de la rencontre : on va essayer de deviner où on aurait pu se rencontrer. Et la conversation sera fluide et naturelle. Troisièmement, cela entre en résonance avec un fantasme courant, celui de se dire que la bonne personne du moment est à deux pas mais qu’on arrive pas à la rencontrer. Il n’y a pas de lieu de mise en relation. Or, là c’est fait. C’est le ressort de tant de films. Dommage, ils se sont encore ratés à deux minutes, parce qu’elle a pris un métro d’après ou parce qu’il a baisser les yeux en regardant son mobile. Vous vous frôlez et vous vous manquez. Happn répond à cette attente.     

Revient-on, grace à cette application vers les rencontres plus traditionnelles / liées au hasard ou s'agit-il plutôt d'une illusion ? 

Catherine Lejealle : Oui parce que à travers ce lieu mystérieux qui nous a réuni ou à travers ce circuit parmi les commerçants de notre quartier, on partage déjà beaucoup mais il faut deviner quoi ? D’autre part, quand on se croise, on n’a pas les signes extérieurs indiquant qui est libres et donc il est très difficile d’aborder quelqu’un. Il y a deux générations, les signes étaient clairs : on savait qui était marié. 

Tinder , va completement a contre conrant des sites de rencontre, en basant le dating presque uniquement sur la photo. Deprécie t-on d' autres attributs?

Catherine Lajealle : Tinder a fait un pari différent des sites de rencontres et ce pari mérite d’être tenté. Au bémol près que la cible est très jeune, entre vingt et trente cinq ans. La démonstration d’Happn sur leur site met en scène 4 femmes qui ont entre 23 et 26 ans.

Le dating repose sur la géolocalisation et sur le mobile. On part d’une photo et non de critères de matching et de goûts partagés. L’idée est que si on se plait, si le feeling passe, on trouvera bien des centres d’intérêt commun voire on peut s’enrichir mutuellement en se faisant découvrir d’autres musiques ou goûts. Le postulat est qu’on peut très bien adorer le jazz et vivre avec un fan de house mais que c’est impossible de partir uniquement de goûts communs si l’attirance physique n’est pas au rendez-vous.

De plus, en communication, le verbal ne représente que 30% et le non verbal 70%. Sur une photo, on a déjà plein d’informations et en passant en visio encore plus, On voit l’énergie que dégage la personne, son enthousiasme, comment elle bouge et donc le feeling.

Est ce à l'image des relations actuelles?

Catherine Lejealle : Certes, l’image est devenue importante mais pas seulement. Partout, on se met en scène, on poste des selfies ou usies ou betfies (photos de l’avancement de la musculation de nos fessiers !). On documente notre quotidien à partir de photos, de ce qu’on mange, ce qu’on  achète… On se décrit à travers cette mosaïque d’informations en images et vidéos. C’est le nouveau format narratif. Il est alors assez logique que pour la relation amoureuse on fasse de même. C’est l’extension naturelle.

Je pense qu’il ne faut pas étiqueter ces rencontres comme des relations jetables ou des achats compulsifs. C’est vraiment un nouveau format narratif et le domaine amoureux est en continuité. Les rencontres peuvent être durables.  

A l'heure ou 1 relation sur 3 nait sur internet, le hasard a-t-il encore sa place dans les relations amoureuses?

Catherine Lejealle : Oui plus que jamais les personnes veulent du hasard et pas un choix rationnel reposant sur un portrait robot. Partir de la photo ou des lieux répond à cette attente finalement romantique : je vais découvrir l’autre autour d’un verre et d’une rencontre dans un lieu hors du clavier. Et je laisse toutes possibilités que l’autre aime ceci ou cela. La découverte de l’autre se fait progressivement et non selon des critères imposés à remplir et à choisir. On va tomber amoureux des différences, de l’imprévu, de ce qu’on découvre. C’est une ouverture, une tolérance, une mixité. C’est utiliser Internet pour augmenter les possibilités et rencontrer au delà de son réseau amical. C’est plutôt chouette non ? Moi je le pense.   

On disait à nos grands mères "marie toi dans ta rue". On revient donc à cela. On se ressemble forcément puisqu’on a choisi le même quartier ! Est-ce si révolutionnaire que cela finalement ou une bonne vieille recette qui fonctionne encore ?  

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