Hollande à Angoulême pour renouer avec les Français : mais qu’attendent-ils le plus, qu’il vienne les voir ou qu’il fasse quelque chose pour eux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande est en déplacement à Angoulème ce jeudi
François Hollande est en déplacement à Angoulème ce jeudi
©Capture d'écran

Rapprochement

François Hollande effectue un déplacement pour se rapprocher de ses administrés et tenter de rétablir un lien distendu, pendant que son Premier ministre incarne l'action et le volontarisme. Cette stratégie en duo est un marqueur fort de la Ve République.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Jacques Julliard

Jacques Julliard

Jacques Julliard est journaliste, essayiste, historien de formation et ancien responsable syndical. Il est éditorialiste à Marianne, et l'auteur de "La Gauche et le peuple" aux éditions Flammarion.

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Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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Atlantico : François Hollande est en visite aujourd'hui à Angoulême pour aller "à la rencontre des Français". Une visite symbolique qui marque un peu plus la stratégie du duo de l'exécutif articulé entre un Manuel Valls "dans l'action quotidienne" et un François Hollande qui "fait le lien avec les Français". Concrètement comment s'y prend le couple exécutif pour mettre en oeuvre cette stratégie, courante dans la Ve République ? Et quels sont les avantages qu'elle présente ?  

Jacques Julliard : François Hollande comprend avec beaucoup (trop) de retard qu'il doit prendre du recul. IL a trop souvent joué un rôle de Premier ministre "bis". Il y a là une situation qui n'était pas normale. Qu'il prenne donc du recul, c'est une bonne chose. Est-il encore capable de le faire ? C'est une autre affaire. En tout cas je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il a trop de pouvoir. L'opinion pense même le contraire, personne ne trouve qu'il gouverne trop ! Il y a un vrai fossé entre la classe politique qui rêve en partie de revenir à la IVe République avec un nouveau gouvernement tous les six mois (comme ça tout le monde aurait sa chance...) et la population. De ce point de vue, je pense que le choix de Manuel Valls est un bon choix car il permet une répartition des rôles plus "habituelles". 

Vincent Tournier : On semble effectivement percevoir une volonté de retrouver un contact direct avec les Français. Cela reste toutefois de la communication. Le but est d’avoir des images du président avec les Français de façon à atténuer une impopularité qui bat tous les records. Mais ce genre d’opération n’est jamais sans risque. Le moindre grain de sable peut tout faire basculer. On se souvient de la visite de François Hollande à Carmaux en avril dernier où il venait commémorer le centième anniversaire de la mort de Jean Jaurès. Le président avait été hué par la foule avant d’être apostrophé par une habitante. L’exécutif voulait jouer sur les symboles, entretenir l’idée d’une certaine continuité avec le socialisme des fondateurs, mais il a suffi de cet échange spontané et poignant pour que tout s’effondre, avec cette dame qui disait simplement "monsieur le président, pensez à nous. Jaurès il ne parlait pas comme vous". C’était désastreux pour le président. Angoulême vise sans doute à effacer cette image, mais on peut quand même se demander s’il est vraiment très adroit de consacrer cette visite présidentielle au thème de l’autisme.

Concernant la dissociation des rôles entre le président et le Premier ministre, on peut en effet y voir un retour aux fondamentaux de la Vème République, à savoir un premier ministre qui assume le rôle de fusible, pendant que le président prend un peu plus de recul, voire se concentre sur les enjeux plus consensuels (ici l’autisme, comme Chirac jadis avec le cancer et la sécurité routière). Si tel est le cas, cela veut dire qu’un deal a été passé. Cela pourrait expliquer pourquoi Manuel Valls a réussi à obtenir la tête de ses opposants  : il obtient d’avoir les coudées franches pour mener sa politique, quitte à en assumer les conséquences, mais sans doute avec l’idée qu’il pourra en tirer profit à terme. De son côté, François Hollande cherche à se préserver. Cela signifie qu’il veut regagner une certaine popularité, donc qu’il entend être candidat en 2017.

Laurent Chalard : En théorie, les avantages de ce mode de fonctionnement de l’exécutif sont de deux ordres pour le Président. Le premier est le partage des tâches, qui lui permet de se décharger d’une partie du travail. Il n’est pas obligé d’être à l’origine de toutes les réformes, ce qui lui permet de se concentrer sur son rôle de représentation, moins risqué politiquement. Le second est que le Président laisse son premier Ministre prendre les décisions difficiles, en particulier concernant les réformes économiques, et peut, lorsque ces dernières ne fonctionnent pas, s’appuyer sur le fait qu’il n’est pas à l’origine des décisions de son premier Ministre. Ce positionnement constitue donc une certaine assurance pour le Président.

Pourtant, la cote de popularité de François Hollande avoisine les 19% selon le dernier baromètre Ifop pour Paris Match. Pourquoi cette recette ne fonctionne-t-elle pas ? Comment expliquer une telle rupture entre les Français et la classe dirigeante ? 

Laurent Chalard : François Hollande est un Président qui a été élu dans un contexte particulier, dans le sens qu’il a plus été élu par rejet du Président en place, Nicolas Sarkozy, que par adhésion à son programme ou à sa personne. Les français ne supportaient plus l’hyper présidentialisation et souhaitaient revenir à un régime politique reposant sur un partage des fonctions entre le Président et le Premier Ministre, ce qui est désormais effectivement le cas.

Cependant, l’incapacité des dirigeants socialistes à régler le moindre des problèmes des français, les différents scandales politico-financiers, le manque de leadership, les castings gouvernementaux parfois étonnants avec un manque d’expérience certain de nombreux ministres, les nombreux couacs, dans un contexte économique particulièrement maussade, avec une politique d’austérité à la clé, sont un cocktail explosif, à l’origine d’un mécontentement généralisé des français, qu’ils se positionnent à gauche ou à droite sur l’échiquier politique. Etant donné le contexte économique très difficile, François Hollande n’avait pas le droit à l’erreur, or, jusqu’ici, il a raté toutes ses réformes, ce qui entraîne le renforcement d’une rupture, déjà bien engagée depuis les années 1990, entre les français et la classe dirigeante, jugée dans son ensemble incompétente et corrompue, image qui ne doit malheureusement pas être totalement fausse puisque c’est celle que nous renvoie le reste de l’Europe. 

Jacques Chirac était déjà un habitué de cette stratégie. Pourtant, alors que la cote de popularité de l'ancien président était aussi assez faible, et que ses deux mandats déchaînaient peu l'enthousiasme, il excellait dans l'exercice. Qu'avait Jacques Chirac que François Hollande n'a plus ? Qu'est ce qui a changé ? 

Jacques Julliard : J'ai toujours éprouvé pour Jacques Chirac une certaine sympathie – sans être proche de lui politiquement – car il a toujours su privilégier ce qui pouvait rassembler les Français. Il avait un style plus direct. François Hollande reste un homme du parlement et des partis. Jacques Chirac avait plus de hauteur, et avait en même temps un style plus populaire. 

Vincent Tournier : Il est vrai que Jacques Chirac était très bon dans l’exercice du bain de foule. Ses passages au salon de l’agriculture resteront par exemple parmi les grands moments de la communication politique. Cela dit, l’efficacité de ce genre de manifestation reste assez limitée, même si cela a probablement contribué, dans le cas de Chirac, à forger l’image de l’homme politique "sympa", image qui a été un atout non négligeable dans la compétition avec Edouard Balladur en 1995. Après Chirac, tous les présidents, que ce soit Sarkozy ou Hollande, tentent de jouer le même créneau, au point que l’on peut se demander si ce n’est pas symptomatique d’une évolution plus générale du statut présidentiel, comme une sorte d’aveu de faiblesse, que l’on cherche à compenser en sur-jouant dans le registre de la proximité.

Le problème est que cette stratégie de communication est fragile  : je l’ai dit pour Hollande, mais Sarkozy a eu un problème comparable avec le "casse-toi pauvre con", même si les conséquences ont été probablement moins importantes que pour Hollande puisqu’il ne s’agissait pas d’une mise en cause venant de son propre électorat. Quant à savoir en quoi Hollande est différent de Chirac, la réponse est difficile. Il me semble que la grande différence, c’est que Chirac savait s’arrêter de faire des blagues pour prendre une posture dramatique quand il le fallait. Hollande a moins le sens de la dramaturgie, peut-être aussi parce que les affaires concernant sa vie privée ont pris une telle importance qu’elles empêchent d’écouter sereinement le personnage. Chirac avait aussi une vie privée tumultueuse, mais cela ne n’est pas su.

Laurent Chalard : La principale différence tient au rapport à la fonction présidentielle. Jacques Chirac a hérité du prestige que son prédécesseur, François Mitterrand, avait assuré à la fonction, qui fait que même s’il était critiqué, il était aussi respecté par les français en tant que Président. Or, aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Nicolas Sarkozy par son comportement impulsif a totalement banalisé la fonction, et le citoyen n’a plus de respect pour le Président, jugé comme un citoyen comme un autre. Donc, ce n’est pas tant Jacques Chirac qui avait un plus que François Hollande, que l’époque qui n’est plus la même. L’un des meilleurs exemples de cette nouvelle donne concerne le fonctionnement du binôme de l’exécutif. Le relatif retrait de François Hollande sur les grands débats d’orientation politique lui est défavorable car cela renforce son image de président inactif, ce que lui reprochent les français. Par contre, pour Jacques Chirac, son retrait lui a plutôt été favorable sous la cohabitation car il l’a protégé des reproches faits à l’action du gouvernement de Lionel Jospin.

Les exécutifs de gauche ont-ils plus de mal dans l'idée de créer un lien avec le peuple, ou d'apparaître à l'aise au milieu de la foule, alors même que la gauche justement se veut plus proche du "peuple" ?

Vincent Tournier : Je ne suis pas sûr que le clivage gauche-droite soit très opérant pour analyser le rapport au peuple. Un signe ne trompe pas  : le recours au référendum, ou plutôt le non recours. Il est en effet frappant de constater que la gauche comme la droite ne veulent plus y recourir. Nicolas Sarkozy a certes affirmé qu’il ferait des référendums s’il était élu (c’est aussi ce qu’il avait promis pendant la campagne de 2012), mais est-il sincère  ? Il ne l’a pas fait entre 2007 et 2012, alors qu’il avait de belles occasions, sur l’Europe ou sur la révision de la Constitution. Quant aux socialistes, ils n’ont même pas osé parler du référendum sous la forme d’une vague promesse. C’est dire si la question du rapport au peuple est devenue problématique pour les partis de gouvernement.

Laurent Chalard :Plus que les exécutifs de gauche, il faudrait plutôt parler des exécutifs socialistes. En effet, de par sa sociologie, le parti socialiste est aujourd’hui composé de cadres essentiellement issus des classes moyennes supérieures, voire de la bourgeoisie (pensons à Laurent Fabius), ce qui n’a pas toujours été le cas. Par exemple, l’ancien premier ministre, Pierre Bérégovoy, avait des racines populaires. En conséquence, il s’est produit une déconnexion réelle entre le PS et le « peuple », les socialistes étant aussi mal à l’aise avec les ouvriers que n’importe quel bourgeois du 16ème. En effet, les élites socialistes résident dans les beaux quartiers, mettent leurs enfants dans les écoles privées parisiennes favorisées, ne connaissent pas grand-chose à la banlieue ou à la France industrielle en crise. La proximité du parti socialiste avec le peuple relève donc plus du mythe que de la réalité, cela faisant bien longtemps que ce n’est plus le cas, ce dont les dirigeants socialistes ont d’ailleurs pleinement conscience, à défaut de réellement l’assumer.

Au vu du contexte actuel, le président peut-il encore espérer renouer avec le peuple ? Le divorce entre la gauche et le peuple est-il définitivement consommé ? 

Jacques Julliard : C'est difficile à dire. Il est à la merci d'événements qui lui permettrait de la faire. Si nous étions par exemple mencé par un djihadisme actif en France, le réflexe serait de se regrouper autour des autorités légitimes. Mais pour l'insatnt François Hollande n'a pas encore trouvé son style. Charles De Gaulle avait un style "gentilhopmme campagnard" qui ne cherchait pas à ressembler aux Français. A l'inverse Jacques Chirac, lui, était spontanément populaire et capable de mêler facilement à la population et était capable de parler avec des mots simples de problèmes compliqués. François Hollande a une vraie éloquence face à des assemblées ou dans une conférence de presse, mais face à la population, il est à la fois trop familier et pas assez. Il n'a pas trouvé son style présidentiel, réellement.    

Vincent Tournier : Le divorce ne concerne pas que la gauche. Aujourd’hui, c’est la captation de l’électorat populaire qui est devenue quasiment impossible pour les partis de gouvernement. Il suffit de regarder le discours politique  : qui parle aujourd’hui aux classes populaires  ? Quelles sont les grilles de lecture ou les projets de société qui incluent les milieux modestes  ? La mondialisation et l’Europe sont certes de beaux projets, mais les milieux modestes peuvent-ils s’y projeter facilement  ?

Dans le cas de la gauche, le cœur de cible n’est plus le prolétariat traditionnel. La gauche actuelle a recomposé son imaginaire autour d’un nouveau prolétariat, qui englobe les étrangers, les immigrés, les femmes, les minorités ethniques et sexuelles. A l’égard de ces catégories, la gauche dispose effectivement d’un corpus idéologique prêt à l’emploi, bien rodé, soutenu par une large partie de l’intelligentsia culturelle et médiatique, et qui se structure autour de la lutte contre les discriminations. Ce "nouveau prolétariat" offre un avantage considérable  : c’est qu’on peut lui proposer des réformes qui sont en partie déconnectées du programme fondateur du socialisme, donc des droits sociaux et de l’Etat-providence. On l’a vu avec le mariage gay. Je vais prendre un autre exemple  : la récente annonce sur la réforme du congé parental. Cette réforme vise à obliger le père et la mère à partager les congés. Or, on sait très bien que les pères ne prendront quasiment pas leur congé. Résultat  : l’Etat va pouvoir faire des économies, tout en se présentant comme l’instrument de l’égalité entre les sexes. Autre exemple  : les économies qui vont être réalisées dans le domaine de la santé.

Le gouvernement commence à annoncer des réformes qui vont être douloureuses. Mais curieusement, ces réformes ne concernent pas l’aide médicale d’Etat (AME), qui couvre l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière. Cette AME va même être augmentée en 2015 alors que son budget a d’ores et déjà explosé en raison de la hausse de nombre de clandestins. Mais là aussi, le discours reste cohérent  : le gouvernement va expliquer aux Français que c’est la crise et qu’il faut se serrer la ceinture, mais qu’on ne peut décemment pas demander le même effort à une population qui est déjà très en difficulté. Cette politique risque toutefois d’être difficile à justifier, même si elle vise aussi un objectif qui se défend, auquel s’ajoute d’ailleurs un objectif implicite : préserver la paix dans les quartiers sensibles, déjà chauffés à blanc par les conflits du Proche-Orient.

Laurent Chalard :A  court terme, cela paraît compliqué. En effet, l’illusion, qui a perduré pendant plusieurs décennies, qu’une élite issue de milieux favorisés, mais se définissant de gauche, puisse être la représentante des intérêts des catégories populaires est en train de s’évanouir définitivement dans l’électorat concerné, qui n’y croit plus et préfère se tourner vers l’extrême-droite, bien que ses dirigeants soient aussi issus des classes favorisées d’ailleurs…, ou l’abstention. Le seul socle populaire sur lequel François Hollande peut encore espérer conserver des voix aux élections présidentielles sont les catégories populaires issues de l’immigration, mais plus par défaut, par peur du discours trop droitier et identitaire de certains candidats de la droite républicaine, et encore sous réserve que ces populations ne choisissent pas de s’abstenir comme cela a été le cas aux élections municipales de 2014. Par exemple, si Nicolas Sarkozy se présente, il y a de fortes chances pour que ces populations votent pour les socialistes par rejet viscéral du personnage, alors que si c’est Alain Juppé, plus conciliant avec les populations issues de l’immigration nord-africaine, cela sera moins évident.

Le divorce est donc bien engagé. Par contre, le parti socialiste ne représentant pas l’ensemble de la gauche, s’il venait à s’effondrer politiquement dans les urnes lors des prochaines élections, il est possible qu’un autre parti de gauche réussisse à récupérer une partie des voix dans les classes populaires, sous réserve d’une adaptation du discours aux revendications de cet électorat, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle des formations existantes. 

Quand situez-vous cette rupture de la gauche avec le peuple ? 

Jacques Julliard : Je dirais que cela a toujours existé. Le parti socialiste n'a jamais été un parti ouvrier, à la différence de la social-démocratie ou du Parti travailliste anglais. Par peuple, j'entends évidemment la classe ouvrière, les travailleurs manuels, les "gens qui se lèvent tôt" comme disait Nicolas Sarkozy. Il s'agit ici de la plèbe et non du peuple dans son ensemble.

Le Parti socialiste est un parti qui a toujours été à gauche politiquement mais pas dans sa composition sociale. Il était composé de bourgeois, d'intellectuels, mais assez peu d'ouvriers. Il faut d’ailleurs noter qu’en France, gauche et monde syndical sont restés indépendants l’un de l’autre.

Dès le début, les rapports du peuple et du parti socialiste ont été ambigus. Dès qu'il s'est créé, la CGT qui était anarcho-communiste ne manquait pas d'être critique à son égard. Et tout au long de son histoire, le PS a pâti de son insuffisance, voire de son absence de racines populaires. Il n'en a jamais eues. Citez-moi un député ou leader socialiste d'origine populaire. Ni Léon Blum, ni Jean Jaurès, ni Guy Mollet (certes pion dans un lycée), ni François Mitterand. C'est un parti socialement petit bourgeois, et aujourd'hui il est constitué majoritairement de fonctionnaires, de bobos, de permanents syndicaux, de quelques intellectuels, et de peu d'ouvriers.

Se réclamer du peuple, prétendre représenter des milieux sociaux qu'ils ne connaissent pas, qui ne sont pas les leurs, voilà toute l'hypocrisie de ce parti. Il est certes louable de se mettre au service des plus démunis... Vouloir soutenir le peuple c'est une chose, venir du peuple pour le soutenir en est une autre. Le seul parti prolétarien fut un temps le parti communiste.

Historiquement, la gauche a toujours eu une direction bourgeoise en France. Mais pendant la Révolution, le peuple ou Tiers Etat adhérait à cette gauche. Ils ont été ennemis par la suite à plusieurs reprises, en juin 1848, au moment de la Commune, quand la bourgeoisie tirait sur le peuple. Mais ce dernier est brave, il a pardonné et continué de voter pour la gauche durant tout le XIXe siècle, à partir du suffrage universel en 1848. 

Mais gauche et peuple n'étaient pas unis. Le peuple fournissait simplement des troupes à la gauche, à grand renfort de voix. Désormais, le peuple a des moyens d'expression qu'il n'avait pas au 19e siècle. Il n'a donc pas besoin de déléguer sa souveraineté aux partis de gauche. Il n’en a plus besoin, et certainement pas envie. Le fossé entre lui et la gauche est abyssal.   

Est-il temps pour la gauche de lever l'ambiguïté et de se renouveler en s'enracinant dans les classes populaires ? 

Jacques Julliard : J'irai plus loin, il serait temps que la classe politique de gauche s'auto-dissolve pour se renouveler en profondeur. Le peuple n'a pas besoin exclusivement de bourgeois pour le représenter. Cette classe politique n'a qu'une idée en définitive, rester aux commandes. Au lieu de parler de VIe République, il serait plus simple pour rapprocher le peuple du système politique de défendre l'idée du mandat unique. Les élus ne seraient plus rééligibles.

Toutes les assemblées qui ont pesé en France étaient des assemblées nouvelles, constituées par gens qui n'avaient aucune expérience politique. C'était le cas en 1789, en 1848 ou en 1945. Aussi longtemps que la classe politique aura le monopole de la représentation, le peuple ne se sentira pas représenté par elle. Et c'est le cas pour la gauche dans son ensemble, comme pour les autres. Cela fait la part belle au FN, malheureusement.

Le système des partis est un système de confiscation de la représentation. Il faut que la gauche aille chercher au sein du peuple les nouveaux cadres et représentants politiques si elle veut en être la représentante effective. Il faut en finir avec la logique du reclassement. A peine une élection perdue, il se pose la question de recaser les perdants. La reproduction doit être remise en cause dans la classe politique. 

Il y a des ambitions contradictoires. Mais la gauche de la gauche n'est pas composée d'une manière très différente du reste du PS, M. Macron certes vient de chez Rotschild, mais M. Emmanuelli fut lui-même banquier... Et les cas sont nombreux. Martine Aubry était dirigeante sein du groupe industriel Pechiney. Je ne prends que ces deux exemples. Mais cela résume assez bien mon propos.

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