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Le député UMP Julien Aubert s'est fait sanctionner pour avoir interpellé la présidente de Séance Sandrine Mazetier en préférant l'usage du masculin "Madame le président".
Le député UMP Julien Aubert s'est fait sanctionner pour avoir interpellé la présidente de Séance Sandrine Mazetier en préférant l'usage du masculin "Madame le président".
©Wikipédia commons

Plus-que-parfait

"Madame la présidente" ou "Madame le président"? Pour avoir choisi la dernière formulation à l'adresse de la socialiste Sandrine Mazetier lundi 6 octobre, le député UMP Julien Aubert a été sanctionné par l'Assemblée nationale.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico : Le député UMP Julien Aubert s'est fait sanctionner pour avoir interpellé la présidente de Séance Sandrine Mazetier en préférant l'usage du masculin "Madame le président", contrairement à ce que prévoit le règlement de l'Assemblée nationale. Que vous inspire cette sanction ? Fallait-il aller jusque là ? 

Jean-Paul Brighelli : Le prof de Lettres que je suis trouve assez drôle que les disputes de l'Assemblée nationale s'ancrent dans des débats déjà anciens entre les décisions politiques de féminisation et les positions théoriques de l'Académie française, qui a toujours refusé les féminisations imposées non sanctionnées par l'usage, qui est depuis le XVIIème siècle l'arbitre de la langue. Mais le citoyen que je suis aussi trouve un peu déplorable que des députés, en ce moment où les gens souffrent, n'aient rien de plus urgent à régler que des querelles linguistiques animées par des principes idéologiques. Quant à la sanction, elle est absurde, bien digne d'un gouvernement qui aime frapper à la caisse. Un peu d'humour à l'Assemblée ne serait pas plus mal.

Aller jusqu'à la sanction relève-t-il en un sens de la police de la pensée ? 

Pas même — c'est de l'idéologie à la petite semaine, inutile de convoquer George Orwell pour commenter une histoire aussi dérisoire. Juste de la guéguerre entre deux députés, de droite et de gauche mais adeptes au fond de la même politique, qui n'ont vraiment rien d'autre à faire.

Qu'est ce qui aurait représenté à vos yeux une réaction plus appropriée ? 

Deux doigts d'humour ?

Nombreuses sont les femmes mais aussi les hommes à choisir le féminin, estimant qu'il s'agit d'une démarche que l'on pourrait qualifier de féministe. L'usage du féminin pour les fonctions de ministres, de présidentes ou encore pour les écrivains, relève-t-il réellement d'un combat féministe ? 

Le vrai féminisme, celui que je pourrais revendiquer, consiste à former des hommes et des femmes, indifféremment, pour les amener au plus haut de leurs capacités afin qu'ils occupent les postes les plus éminents pour lesquels ils sont faits. La politique des quotas est une absurdité sans nom : je n'ai aucune objection à avoir un gouvernement essentiellement ou totalement féminin, dès lorsque les femmes choisies seront plus compétentes que les hommes. Le vrai féminisme consiste à avoir des femmes compétentes à de vrais postes de présidents (et elles se ficheront pas mal, alors, d'être appelées présidentes), et non des guignols de sexe féminin à des postes pour lesquels elles ne sont pas faits — ni, d'ailleurs, leurs adversaires mâles. Ce que cette histoire déplorable illustre, c'est l'incompétence absolue de nos élus — autant cesser de les élire d'ailleurs. Autant en chercher d'autres.

Pour quelles raisons l'Académie française préconise quant à elle encore l'usage du masculin ?

"Le maître de la langue, c'est l'usage", disait très bien Vaugelas, le fondateur de la grammaire moderne. Et le bon usage, c'est "la façon de parler de la plus saine partie de la cour, conformément à la façon d'écrire de la plus saine partie des auteurs du temps" ÷ ainsi pensait-on au milieu du XVIIème siècle, peu après la fondation de l'Académie. Ce qui était vrai alors l'est toujours aujourd'hui — sauf qu'il faut replacer "cour" par "élites" (un gros mot, sous ce gouvernement), et que les auteurs les plus sains ne sont pas forcément ceux qui ont du succès. L'Académie attend qu'un nouvel usage s'impose pour l'entériner : si dans cinquante ans les féminins malsonnants qui ont aujourd'hui cours ("auteure", "professeure, ", et "madame la ministre") se sont imposés, l'Académie les promulguera dans l'édition de son dictionnaire de 2064. D'ici là, c'est au peuple de dire son sentiment — pas à des politiques dont les trois-quarts parlent un français qui aurait étonné Vaugelas — et qui nous fait honte.

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