Cette autre infidélité qui monte : les couples face à des tromperies d'un nouveau genre<!-- --> | Atlantico.fr
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L'argent est au coeur des tromperies d'un nouveau genre dans les couples.
L'argent est au coeur des tromperies d'un nouveau genre dans les couples.
©Flickr/educationdynamics

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Dépenser 200 euros sur Internet sans prévenir son conjoint, s'ouvrir un compte en banque "secret", s'adonner de manière excessive aux jeux : pour beaucoup de couples, l'argent peut devenir une source d'angoisse voire de disputes.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Partager son argent avec l’être aimé est un signe de confiance et une représentation de l’intimité. Que se passe-t-il quand l’un des deux partenaires se livre au mensonge sur ce terrain ? Ce type de mensonge est-il assimilé à une tromperie ?

Michelle Boiron : On part du postulat selon lequel dans le couple il y a partage. Mais doit-on tout partager ? Depuis la brosse à dents jusqu’au lit conjugal en passant par le compte en banque et les valeurs communes. Quand il s’agit d’argent, tout devient très compliqué. On est alors dans de beaux draps !

L’égalité homme/femme vers laquelle la société tend à évoluer ne nous a pas débarrassé du rapport à l’argent, y compris et surtout dans le couple, même si les deux travaillent et assument. L’argent a une valeur et son usage est soumis d’une part à des conduites héritées  des parents, grands-parents, à la transmission qui est l’héritage, et d’autre part à une part archaïque en nous : l’inconscient infantile lié à la phase anale. Il renvoie à l’estime de soi, à sa valeur et aux affects qui nous débordent. C’est pourquoi lorsqu’il est question d’argent on est dans l’intime.

Si l’argent a une valeur absolue force est de constater que chaque homme et chaque femme en a une représentation différente et un « bon usage ». L’argent est par nature tabou, on n’en parle pas ou peu.

Les questions d’argent ne sont pas assez évoquées lorsque l’on décide de s’engager dans un couple, sauf chez le notaire sous forme d’un contrat de communauté ou de séparation de biens : ça en dit long sur l’accord initial mais rien sur l’évolution du couple. La question du rapport à l’argent et sa gestion dans le quotidien n’arrive que bien après. C’est souvent une source de conflit. Dans un couple, on est deux et il est souvent difficile de s’accorder sur ce sujet-là. Comme s'il y avait une bonne et une mauvaise manière de le dépenser. L’argent est sale et parfois suspect, son usage est parfois associé à un interdit. Si l’on doit rendre des comptes sur ses dépenses c’est que le deal n’est pas clair au début. Si son utilisation ne représente pas un intérêt commun ou une dépense utile, la culpabilité n’est jamais loin !

Alors compte commun ou compte à part ? La deuxième hypothèse serait un peu comme se poser la question de faire chambre à part ? A chacun donc sa façon de jouir de l’argent. Ensemble ou séparément ? Mais dans quelles proportions ?

Comme on est dans l’ère de la transparence ! Il faut être transparent. Depuis la sphère de l’intime jusqu’à son compte en banque, en passant par les pensées les fantasmes et les rêves !

Alors voyons : « Dis-nous ce que tu dépenses on te dira qui tu es vraiment !

Quelles formes cette tromperie financière peut-elle prendre ?

Elle prend souvent une forme puérile pour les uns (achat de jeux vidéos, BD) ou  une forme qui joue avec la séduction (escarpin, fourrure, parfum) et le soupçon de la tentation de l’infidélité n’est pas loin alors qu’il s’agit la plupart du temps juste de se faire plaisir. Il existe par contre des formes graves d’escroquerie où l’un des deux partenaires s’est servi de l’amour de l’autre pour le déposséder de son argent de ses biens. Il existe aussi une forme pathologique qui est celle des achats compulsifs et qui doit faire l’objet d’une thérapie. On voit bien que ce n’est pas dans le même registre.

En revanche le fait même de dépenser à sa façon sans demander le consentement de l’autre rend coupables ceux qui sont victimes d’interdictions : celle de l’autre ou de celle qu’il s’impose parfois à eux-mêmes.  Dépenser représente alors une transgression et ils se sentent coupables.

On est alors dans la position d’un enfant qui aurait fait « une bêtise » et ne veut pas se faire « gronder ». C’est un peu puérile comme position et n’est pas sans rappeler la conduite de l’enfant face aux adultes, les parents. Ce sont les traces indélébiles de l’enfance qui se manifestent sous cette forme-là et qui font que l’on « dépense en cachette ». Certains ne diront pas simplement leurs dépenses pour s’économiser une scène de ménage !

Quelle est la symbolique de l’argent dans le couple ?

L’argent est un symbole de puissance. C’est le « phallus ». L’argent est fait pour circuler, c’est une monnaie d’échange. Alors, comment peut-il « être » dans le couple alors qu’il s’articule sur l’« avoir » ? L’argent sert inconsciemment à colmater les failles que l’être humain condense dans les autres domaines et qu’il pense pouvoir racheter. Penser que l’argent pourrait jouer dans le couple, quand il y en « a », un rôle de facilitateur de la paix des ménages est bien souvent un leurre.

Alors oui, il serait idéal que l’argent puisse circuler au sein du couple comme le phallus dans l’acte sexuel ! Il se joue toujours dans cet échange, et ce malgré la parité tant recherchée dans le couple, une histoire de domination et de soumission. Affects et fantasmes y sont rattachés. L’argent est toute puissance : c’est le grand fantasme !

C’est pour cela que l’argent est très souvent une source de conflit entre l’homme et la femme. Si le couple a vocation à durer, il y a quelques renoncements incontournables et ils ont un prix. Mais le montant de ce prix ne rentre pas dans un tableau Excel. Aucune objectivité ne peut en venir à bout ! La plupart du temps, il sert à régler des comptes.
D’après Freud, c’est en partie fondé sur une organisation archaïque du petit de l’homme lié à la phase anale. C’est le moment où il découvre sa première liberté : sa première prise de pouvoir sur celle qui le gère.  Faire plaisir ou pas à maman en retenant ou donnant les fèces comme cadeau au moment de l’apprentissage à la propreté. Alors je maitrise ou je lâche ? Radin ou généreux ?

A l’âge adulte, cela se traduit différemment selon les caractères. A chacun de dépenser son argent et d’en jouir à sa façon : seul(e) ou accompagné(e) ? Alors le trop ou le pas assez ? Il est corrélé à la névrose que l’on partage, aux manques et aux frustrations, aux désirs, à la séduction toujours à l’œuvre dans le couple. Il est comme on l’a vu une vraie monnaie d’échange dans le couple et vient signifier notamment dans les cadeaux que l’on s’offre dans un couple combien « je vaux ». La publicité « parce que je le vaux bien » vient dire combien les sommes dépensées traduisent la valeur d’un amour !

Comment la tromperie financière est-elle vécue ? Quelles sont les points communs et les différences avec la tromperie amoureuse ou sexuelle ? Quels chocs traversent une personne qui serait victime de tromperie financière de la part du conjoint ?

Le terme de tromperie financière n’est peut-être pas le bon terme car il renvoie à la sexualité et à l’infidélité. C’est plus une attitude irresponsable, individualiste par rapport à la notion de couple et aux dépenses inhérentes à son bon fonctionnement. L’argent dépensé, qui serait affilié à une trahison dans le couple, sous-entend qu’il a servi à des fins à connotations sexuelles non avouables ou interdites.

Au sens commun, tromper quelqu’un a toujours une connotation sexuelle et l’on parle alors d’infidélité. Le fait que cela soit caché, non-dits, prend un air de « pas tout dit » donc « pas très net » et de transgressions.

La personne trompée le vit toujours comme une trahison quand il s’agit d’infidélité et souvent de dépossession quand il s’agit d’argent. Il y a toujours une notion de confiance rompue, de naïveté, de temps passé (le temps c’est de l’argent), et d’un partage qui sort du cadre que l’on s’était fixé et auquel on croyait. Comment refaire confiance est le point capital.

L’infidélité financière est-elle répandue, en expansion ?

De nos jours, il y  a une conjugaison entre la tentation à acheter tout et n’importe quoi et l’hyper-sexualisation dans laquelle nous évoluons du matin au soir. On est dans l’air de l’avoir, poussé par une sollicitation quasi permanente à posséder des objets. Plus de tentations donc plus de dépenses forcément ! On peut penser que certaines dépenses non dites sont équivoques, inutiles, puériles et sont à finalités sexuelles et soumises à un jugement. Elles sont de ce fait cachées, elles obligent au mieux à ne rien dire à l’autre au pire à lui mentir.  Or la montée de l’individualisme est difficilement compatible avec le partage de tout ce qu’exige le couple en général et plus particulièrement dans ce domaine. 

L’argent sert à séduire, à se faire plaisir,  à entretenir, à s’entretenir, à construire ou à tout détruire. Si l’un des  deux  dépense au-delà d’une certaine limite, c’est pour qui pour quoi, avec qui? Ce n’est pas la même chose d’entretenir une danseuse ou d’acheter un robot ménager !

Quelles sont les bonnes questions à se poser quand cela se produit ? Et comment la prévenir ?

Comment ai-je pu lui faire confiance ? En était-il digne ? Comment ne m’en suis-je pas aperçu ? Et puis il y a des degrés et cela exige un minimum de discernement.

Pour prévenir éviter cela il est indispensable de se mettre d’accord avant de partager son intimité et son compte en banque !  Il parait nécessaire d’avoir un compte commun pour le bon fonctionnement du couple et  ses dépenses classiques et un autre compte pour maintenir une autonomie financière. Elle est indispensable pour ne pas avoir à rendre des comptes. Comme on l’a vu, il n’y a rien d’objectif dans le rapport à l’argent et les préventions sont nécessaires mais hélas pas suffisantes ! Les bons comptes font les bons amis mais peut-être pas les bons amants ?

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