Bientôt en résidence secondaire sur Mars ? Pourquoi une civilisation multi-planètes est beaucoup plus proche de nous qu'on ne l'imagine<!-- --> | Atlantico.fr
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La conquête de Mars est l'un des objectifs des astronautes
La conquête de Mars est l'un des objectifs des astronautes
©Ross Lockwood

A l'attaque de Mars

Grand monsieur des nouvelles technologies, le milliardaire sud-africain Elon Musk entend partir à la conquête de Mars. S'il est optimiste sur les chances d'envoyer des hommes à court-terme, installer une colonie de Terriens sur la planète rouge n'est pas encore pour tout de suite.

Francis Rocard

Francis Rocard

Francis Rocard est responsable du programme d'exploration du système solaire au CNES depuis 1989. Astrophysicien, il s'est beaucoup intéressé à l'exploration de planètes comme Mars, Saturne et Titan. Il a notamment écrit Mars, une exploration photographique chez Xavier Barral en 2013.

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Atlantico : Le fantasque milliardaire sud-africain Elon Musk espère pouvoir envoyer les premiers Terriens sur Mars d’ici dix à quinze ans en travaillant sur un projet d’engin pour acheminer des humains. La conquête de Mars à court terme est-elle réellement possible ? A quelle échéance serait-elle envisageable ?

Francis Rocard : Ce que je vais vous dire est basé sur un épais rapport du National Reserve Council américain datant de juin dernier. Il conclut que pour envoyer l’homme sur Mars, ce qui est l’entreprise la plus difficile à mettre en œuvre, ce sera plutôt vers 2050 -2060. La question est de savoir comment on va sur cette planète. Ce cheminement pourrait passer par une mission de rendez-vous avec un astéroïde - à ne pas confondre avec la mission qui consiste à mettre un astéroïde en orbite lunaire - ou par une base lunaire, et là il y a deux options : on reste longtemps ou pas. Il y a trois options concernant Mars : le survol de la planète sans s’arrêter, ce qui est le plus facile, la deuxième, c’est la mise en orbite, et enfin le projet de mission ultime avec un homme envoyé à la surface, et là on cumule toutes les difficultés.

Il est vrai qu’Elon Musk peut se targuer d’avoir fait des choses par ailleurs. C’est indéniable que cette arrivée du Falcon dans le paysage des lancements provoque un bouleversement mondial, et ce n’était pas gagné. Elon Musk a un business plan très différent des autres grands industriels américains et européens. Il est donc crédible, ce n’est pas un rigolo qui raconte n’importe quoi. Néanmoins quand on se projette plus loin, c’est différent. Quand il parle d’homme sur Mars dans 15 ans, qu’est ce qu’il met derrière ? Un survol de mars sans s’arrêter ? C’est possible et envisageable techniquement dans 10 ou 15 ans, mais en revanche imaginer dans 10 ou 15 ans des gens sur la planète rouge, je n’y crois pas une seconde.

Où en est-on actuellement au niveau technique dans cette volonté d’aller sur Mars ? Quelles sont les avancées majeures récentes et les difficultés rencontrées ?

Il n’y a pas eu énormément d’avancées majeure dans la mesure où depuis la mission Apollo nos fusées utilisent les mêmes propulsions. Tout reste à faire… Les difficultés sont de plusieurs ordres. Le premier problème, c’est de faire atterrir des gens sur Mars. Aujourd’hui ce qui se fait de mieux au monde c’est le robot Curiosity qui pèse une tonne. Cette technologie n’est pas extrapolable à un véhicule habité dont la masse est de 40 tonnes. Il faudrait donc développer un véhicule de 40 tonnes.  Il partirait donc un engin de 100 tonnes, et un plus petit véhicule de 40 tonnes se poserait sur Mars avec un équipage de 4 à 7 personnes. Curiosity a une précision de 2 km mais pour Mars il faut une précision d’atterrissage de 100 mètres et en plus il faudrait que ça soit tout près de l’infrastructure mise en place au préalable. Tout ceci n’est pas insurmontable mais il faut le faire. Par ailleurs un voyages sur Mars durerait minimum 6 ou 7 mois voire un an. Pour vraiment changer la donne il faudrait passer par le nucléaire, là on pourrait envisager des voyages de deux ou trois mois.

Autre point préoccupant sur le papier, c’est le problème des radiations. Il y a deux types de radiations, le rayonnement cosmique de la galaxie et les éruptions solaires. Si une éruption solaire arrive en croisière sur Mars il faudra que les êtres humains se réfugient pendant 48 heures dans un module spécialement protégé pendant 48 heures. Les rayons cosmiques arrivent tout le temps et on ne sait pas s’en protéger. Par ailleurs rappelons que pour les radiations la dose maximale admissible par l’homme dans l’espace est de 6 mois. On enverra donc des hommes de 50 ans et pas des jeunes ni des femmes plus sensibles  aux radiations que les hommes. Les hommes prêts à aller sur Mars sont des kamikazes capables de prendre des risques importants, mais la Nasa doit rendre ces derniers acceptables sur un plan éthique et au niveau de l’opinion publique américaine.

Elon Musk estime qu’il faudrait envoyer un million de personnes sur Mars pour garantir l’avenir de l’humanité et éviter l’extinction de notre civilisation. En quoi peut-on dire qu’il est difficilement imaginable de pouvoir envoyer autant de personnes, même à très long terme ?

On est dans des considérations plus philosophiques. Certains pensent que la solution n’est pas la fuite mais la préservation de la planète pour pouvoir y vivre, d’autres estiment le contraire, ce qui pose un problème à mon sens. Elon Musk parle de terraformation mais ce n’est pas crédible. Cela consiste à augmenter les effets de serre sur Mars avec, donc, une augmentation de la température puis une augmentation de la pression, ce qui entraîne création du liquide. En extrapolant on ne pourrait vivre qu’avec un masque à gaz puis en faisant pousser des plantes cela donnera de l’oxygène et l’on pourra ensuite respirer sur Mars. Mais ces projets de terraformation mettront un siècle avant de se concrétiser. Cela va coûter très cher, des milliards de dollars et je ne vois pas des politiques dépenser cette somme avec des bénéfices qui retomberont dans un siècle.

Elon Musk évoque un coût d’un demi-million de dollars par personne mais on ne sait pas trop. Le coût de l’ensemble des missions habitées  serait de 500 milliards de dollars comme pour Apollo, il faudrait donc un million de personnes pour rentabiliser. En tout cas il faudrait que les gens soient très motivés pour dépenser un demi-million de dollars et soient aussi pressés de quitter la Terre.

Dans l’hypothèse où des êtres humains arriveraient sur Mars, quelles difficultés pourraient-ils rencontrer ? Combien de temps pourraient-ils rester sur place ?

Les difficultés seraient de vivre avec une combinaison d’astronaute. Il faut bien évidemment bénéficier des moyens techniques qui permettent d’extraire de l’eau. Il faudrait aussi faire des cultures, or le sol martien n’est pas une terre, c’est de la poussière et du sable et il n’y a donc pas de nutriments pour les cultures.Tout serait importé de la Terre, donc dès qu’un système tombera en panne on ne sera pas capable de le réparer sur place. Cela ne peut pas être durable car on est totalement dépendant de la terre. Voilà pourquoi la colonisation de Mars au sens d’installation sur le long terme n’est pas réaliste à mon avis.

Toujours d’après le milliardaire, si l’on arrive à aller sur Mars on réussira aussi à se rendre dans l’ensemble du système solaire. La civilisation multi-planètes évoquée par Elon Musk est-elle la prochaine étape ?

C’est un peu le problème des Américains avec cette notion d’avenir. Il n’y a pas beaucoup de destinations où l’on pourrait aller : un saut de puce vers un astéroïde, retourner sur la Lune ou donc aller sur Mars. On peut imaginer aller plus loin mais c’est encore plus difficile.  Il n’y a pas d’autre endroit que Mars accessible par l’homme dans le système solaire. Venus est un enfer, Mercure, c’est totalement impensable car il y fait 400 degrés, et sur Jupiter il fait très, très froid. Des plus l’environnement de Jupiter est terrible, a cause des radiations un être humain serait grillé en 6 semaines. Je ne vois donc pas beaucoup de destinations possibles. On peut se promener, faire des voyages mais c’est plus de l’ordre de l’exploration scientifique qu’autre chose.

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