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Pourquoi la couleur de la nourriture est souvent plus importante que son goût
Pourquoi la couleur de la nourriture est souvent plus importante que son goût
©REUTERS/Alessandro Garofalo

La langue dans les yeux

Burger King a fait les gros titres après avoir dévoilé ses KURO Black Pearl et KURO diamant burgers, faits de petits pains noirs et d'une sauce au fromage également noire... La réaction des Américains ne s'est pas fait attendre, et l'adjectif "dégoûtant" est celui qui revient le plus.

Muriel Jacquot

Muriel Jacquot

Muriel Jacquot est  Docteur de l’Institut National Polytechnique de Lorraine, Maître de conférences HDR à l’ENSAIA (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires), Directrice Scientifique de myrissi et Membre du Centre Français de la Couleur.

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Atlantico : De nombreuses études démontrent que la couleur d'un aliment influe sur sa perception gustative mais aussi sur l'envie... Mais dans quelle mesure ?

Muriel Jacquot : L’information visuelle est la première information sensorielle que notre cerveau reçoit. A ce titre, elle va orienter et, quelquefois, conditionner toutes les autres réponses sensorielles de notre corps. Une information colorée va entraîner automatiquement des phénomènes d’attente vis-à-vis du produit sur son goût, son odeur, sa texture en bouche et ce sont tous ces éléments combinés qui vont nous donner l’envie de goûter ou non le produit.

La couleur rouge d’un fruit bien mûr signifie pour nous tous la promesse d’un fruit sucré, juteux et savoureux qui nous apportera énergie et vitamines. Au contraire si le fruit est noirci, nous allons interpréter cette couleur noire comme un signe de décomposition, de dégradation qui nous alertera sur une possible toxicité du fruit. Instinctivement, nous allons donc rejeter le produit pour éviter tout risque pour notre organisme. Le phénomène est totalement inconscient et repose sur des milliers d’années d’évolution au cours desquelles nous avons appris à reconnaître au premier regard ce qui est bon pour nous de ce qui ne l’est pas.

Ce phénomène inconscient, naturel et universel a été nommé "transfert de sensations" par Louis Cheskin dans les années 50. Cheskin était un chercheur américain en psychologie. Il fut un pionnier dans la recherche des motivations chez le consommateur et la mise en évidence de l’importance de la représentation mentale qu’un individu se fait du produit à partir d’informations visuelles. Cependant, aujourd’hui encore, ce phénomène reste mal connu et mal maîtrisé par le marketing.

La couleur des aliments est-elle en cela plus importante que le goût ?

Il est difficile d’être si tranché. La couleur des aliments est un élément déterminant pour faire acheter un produit et le faire consommer. Par contre, le goût reste la clé de la satisfaction et pour le marketing du ré-achat du produit. Une bonne maîtrise des couleurs employées pour un produit ou son emballage assure une conceptualisation, c'est-à-dire une représentation positive du produit. Ainsi, couplé à une expérience sensorielle agréable, les deux informations (inconsciente et consciente) auront un puissant effet synergique et augmenteront significativement la satisfaction du consommateur.

Les burgers précités connaissent a contrario un accueil favorable au Japon. Entre couleur, goût et envie, le facteur culturel entre donc en jeu... 

On ne peut pas parler couleur sans parler de culture. Les sociétés se construisent avec des histoires différentes qui impactent les symboliques associées aux couleurs. En Asie, le noir est une couleur que l’on retrouve dans plusieurs produits alimentaires (champignons noirs, sésame noir ou autres algues). Le rejet naturel de cette couleur pour l’alimentation est donc probablement moins fort qu’aux Etats-Unis. Ce phénomène a donc contribué à une meilleure acceptabilité du burger.

Quelles sont les couleurs plébiscitées par les consommateurs occidentaux ? Et qu'évoquent-elles ?

Les couleurs plébiscitées pour les aliments sont bien évidemment les couleurs naturelles du produit qui seront le signe d’une authenticité et d’une qualité. Toute nouveauté dissonante, même si elle est totalement naturelle comme les carottes rouges ou les tomates violettes, mettra plus de temps à se faire accepter par le consommateur.

Auriez-vous des exemples d'études précédemment conduites qui étayent ces constats ?

La meilleure étude est le suivi de l’évolution des ventes des légumes anciens. Depuis de nombreuses années ces produits, souvent de couleur surprenante, sont proposés aux consommateurs et ce n’est qu’aujourd’hui que nous voyons leurs ventes décoller. Il a fallu du temps pour apprendre à connaître et accepter ces produits et leur succès actuel est souvent dû aux restaurateurs qui les ont "habillés" pour laisser les consommateurs se faire séduire par leur goût.

Pensez-vous que le Burger de couleur noire puisse un jour faire valser les cœurs en Europe ?      

Quick a fait l’expérience du burger noir en 2012 à l’occasion d’une série spéciale Star Wars. L’accueil qui lui a été réservé était mitigé mais cependant l’effet de nouveauté et la surprise de ce burger qui casse les codes en place a offert à l’entreprise une belle campagne de communication, c’était donc une réussite. Cependant, passé cet effet de surprise, le burger noir ne sera probablement pas la success story alimentaire de demain.

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