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Montebourg, Hamon... ou Aubry : qui pour ravir la gauche de la gauche ?
Montebourg, Hamon... ou Aubry : qui pour ravir la gauche de la gauche ?
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

Qui de nous trois...

Les deux ministres sortis du gouvernement, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, font leur retour politique ce week-end à l'occasion d'universités d'automne. Si les ambitions nationales sont plus ou moins assumées, les divergences doctrinales restent fortes. Mais Martine Aubry reste dans les têtes et dans les cœurs.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Laurent Bouvet

Laurent Bouvet

Laurent Bouvet est professeur de science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié Le sens du peuple : La gauche, la démocratie, le populisme (2012, Gallimard) et L'insécurité culturelle (2015, Fayard).

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Atlantico : Les deux ministres sortis du gouvernement, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, font leur retour politique ce week-end à l'occasion d'universités d'automne. Martine Aubry a également poussé de la voix au cours d'une conférence de presse. Mais qui de ces trois protagonistes peut espérer ravir la gauche de la gauche ?

Eddy Fougier : Les frondeurs ont été clairs, ils ne veulent pas de dirigeants. Et Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon ne semblent pas vouloir jouer ce rôle-là. Bien évidemment, les mouvances de l'aile gauche de la gauche ne se limitent pas aux frondeurs.

Et dans ces mouvances, c'est Martine Aubry qui me paraît la mieux placée. D'un point de vue charismatique et intellectuel, elle est la plus légitime. Elle a une véritable crédibilité : elle obtient 45% aux primaires contre François Hollande, elle a été ministre et ne s'est pas fait sortir du gouvernement... Qui plus est, pour les sympathisants comme pour les militants, elle incarne la dernière gauche à l'origine d'avancées sociales.

Elle jouit donc d'une légitimité à la fois politique et historique.

Laurent Bouvet : Pour le moment, il me semble que personne ne le peut ! Les différentes composantes de l'aile gauche du Parti socialiste ne sont pas prêtes à se ranger derrière le leadership d'un seul. Ensuite, ils ont des divergences flagrantes.

Il y a donc un problème de personne, et une absence totale de convergence sur les idées.

Reste que certains de ces protagonistes - notamment Montebourg - croient en leur destinée nationale, avec dans le viseur les présidentielles de 2017. Or, il semble difficile de l'emporter, sans gagner l'assentiment de cette aile gauche de la gauche...

Eddy Fougier : Il a fait une campagne efficace par rapport à Jean-Michel Baylet ou Manuel Valls lors des dernières primaires socialistes. Son ambition est inchangée mais son point faible, c'est lui-même. C'est sa personnalité fougueuse et emportée qui déroute.

Qui plus est, il n'a pas de troupes, de clan, de groupe. Il manque de relais au sein même du parti et de ses cadres. En définitive, il n'est pas suffisamment politique. Il s'en est pris à Jean-Noël Guérini, à François Hollande, il ne fait pas de compromis, pas de synthèse, et il est finalement seul au sein du parti.

Arnaud Montebourg a des fans mais pas de troupes.

Laurent Bouvet : Arnaud Montebourg a une autre dimension que Benoît Hamon, et une ambition présidentielle avouée. Il a été candidat aux primaires pour les présidentielles de 2012, et le sera vraisemblablement de nouveau pour celles de 2017. Son positionnement est clair. Il veut être candidat pour jouer un rôle plus important que lors des dernières primaires, peser. En a-t-il la capacité et les ressources à l'intérieur du Parti socialiste ? Cela reste à déterminer...

En effet, il devra négocier avec les courants de Benoît Hamon (un monde d'avance) et celui d'Emmanuel Maurel (maintenant la gauche), s'il veut être leur candidat. Et rien ne l'assure. Ils le trouvent trop présidentiel au sens personnel, il n'a jamais vraiment joué de rôle collectif. Et ces courants ne se sont jamais rangés derrière lui. 

Enfin, une partie des cadres à gauche du parti préféreraient vraisemblablement appeler une autre personnalité, comme Martine Aubry par exemple.

Quelles ambitions pour Benoît Hamon qui assure pourtant représenter tout le monde, de Montebourg à Emmanuel Maurel, et qui ne cache pas son intention de partir à la conquête des cadres apparatchiks ? 

Eddy Fougier : Benoît Hamon sent qu'il y a une opportunnité d'influencer le parti. Son fond de commerce, c'est de s'opposer à la ligne du gouvernement, en perspective du congrès pour prendre le parti. Mais il n'est pas certain qu'il ait la carrure ou l'ambition de se présenbter aux primaires.

Mais n'oublions pas que le Parti socialiste souffre du syndrome Eva Joly. Le candidat désigné n'est pas celui qui emporte l'assentiment général, mais celui des militants. Et au parti socialiste, l'élu c'est celui qui peut gagner les présidentielles. L'exemple en a été donné avec Ségolène Royal et François Hollande. Si le coeur des sympathisans était sondé, c'est vraisemblablement Martine Aubry qui arriverait en tête.

Il en ressort un candidat qui est en décalage avec le souhait des Français, mais qui correspond à 100% à l'idéologie du parti. L'exemple est probant avec Nicolas Sarkozy aussi.

Laurent Bouvet : Je ne pense pas que Benoît Hamon veuille se présenter à la primaire. A la présidence du parti, c'est une autre histoire.

"Un monde d'avance" s'est divisé, pour créer le courant "Maintenant la gauche", parce qu'ils ne voulaient pas rejoindre la majorité. Difficile dans ce cas, de les imaginer se ranger derrière un leader. Mais en même temps, s'il ne s'est pas présenté lors des dernières primaires, c'est parce que Martine Aubry s'était engagée...

Peut-on imaginer qu'après l'ère Ségolène Royal et François Hollande, l'aile gauche de la gauche soit désireuse de défendre ses convictions plutôt que de voter utile ?

Eddy Fougier : Quitte à faire l'élection, ils préféreront peut-être préserver leurs convitions plutôt que de voter utile.  Et si le candidat utile était Manuel Valls, il est impossible de les imaginer voter en sa faveur. L'aile gauche de la gauche peut avaler des couleuvres, mais pas le vivarium !

Laurent Bouvet : Dans le PS, il y a des oppositions doctrinales très fortes, sur l'économie ou l'Europe par exemple. Mais ils sont contraints bon gré mal gré de se ranger derrière un leader. Si le parti devait se diviser sur une candidature à la présidentielle en 2017, il signerait son arrêt de mort. Notamment parce que le PS ne tient plus que par cette idée du point de mire électoral, celui de la présidentielle. Et ce depuis Miterrand en 1971. Sans cela, le parti socialiste n'existe plus. 

Et qui serait le mieux placé pour emporter les soutiens de Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon ?

Eddy Fougier : Arnaud Montebourg ne le peut pas. Les sujets qui fâchent, notamment sur le nucléaire avec les écologistes, sont trop nombreux. 

Martine Aubry et Benoît Hamon sont au contraire "Duflot et Mélenchon" compatibles. Et il est possible d'imaginer une coalition large de la gauche de la gauche. C'est d'ailleurs le grand fantasme de Jean-Luc Mélenchon !

Avec le vote du budget 2015, il y aura des mécontents, des frondeurs... Cela alimentera les critiques de l'aile gauche de la gauche, qui déplore qu'il n'y ait que des inconvénients : la rigueur et l'absence de résultat. Ils vont pousser leur jeu de posture en gardant en tête le congrès et les primaires. C'est un jeu par étape.

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