3,7 milliards de dotations en moins : les collectivités locales (enfin) mises au pied du mur ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Etat versera 3,7 milliards d'euros de moins aux collectivités territoriales l'année prochaine.
L'Etat versera 3,7 milliards d'euros de moins aux collectivités territoriales l'année prochaine.
©Reuters

Au régime sec

L'Etat a confirmé mardi 30 septembre la baisse des dotations aux collectivités locales de 3,7 milliards en 2015 relativement à 2014. Une baisse qui s'ajoute aux difficultés d'emprunts et à la sensibilité accrue des contribuables quant à l'augmentation de la fiscalité locale et qui pourrait bien forcer les forcer à innover en matière de budget.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Le gouvernement a annoncé mardi 30 septembre que l'Etat versera 3,7 milliards d'euros de moins aux collectivités territoriales l'année prochaine. Cette baisse des dotations est-elle suffisante notamment au regard de ce qu'elles engloutissent ?

Jean-Luc Boeuf : Le chiffre de 3,7 milliards d'euros doit être analysé de deux façons, selon que l'on se place du côté de l'Etat ou des collectivités territoriales. Pour l'Etat d'une part, cela signifie que, en 2015, le coût pour ses finances du poste "collectivités locales" sera moindre qu'en 2014. En pourcentages de ses dépenses, le chiffre peut paraître faible. En réalité, il s'agit de la deuxième baisse consécutive. Pour les collectivités locales, l'impact est particulièrement fort. Rappelons que trois éléments représentent en effet plus de 95% des recettes des collectivités territoriales : les dotations de l'Etat, la fiscalité locale et l'emprunt. L'emprunt est contraint depuis la crise de 2008. Quant à la fiscalité, le contribuable local n'accepte plus les hausses inconsidérées. Et l'Etat vient d'annoncer une nouvelle baisse de ses dotations. Les budgets cumulés des collectivités territoriales s'élèvent à plus de 230 milliards d'euros. La baisse annoncée représente donc une baisse d'environ 1,6% des recettes alors que les dépenses augmentent de 2% par an. Cela fait un décalage de 3%, ce qui est considérable.

Quel impact aura concrètement cette mesure sur les collectivités territoriales ?

Cet impact sera salutaire pour les collectivités territoriales. Pour la première fois de leur histoire, elles se retrouvent à devoir véritablement innover dans leur façon de construire leur budget. Naguère, les choses étaient plus simples. C'était le niveau de dépenses voulues qui déterminait les recettes puisqu'il suffisait d'ouvrir le robinet fiscal alors que les dotations de l'Etat augmentaient généreusement chaque année. Quant à l'emprunt, personne ne s'en souciait : si une collectivité souhaitait emprunter 100, les banques lui proposaient 300 ou 400. En réalité, le modèle est à inventer. Les actions entreprises vont devoir être pesées. Ceci explique certainement la raison pour laquelle les maires sont en train de reculer la date du vote de leur budget. Les nouvelles équipes municipales rencontrent les grandes structures, dont les associations, pour expliquer que, les recettes baissant, les dépenses vont devoir suivre le même chemin. C'est une question de mathématiques.

Alors que les associations d'élus locaux portées par la puissante Association des maires de France (AMF) critiquent cette décision, le gouvernement va-t-il tout de même tenir son engagement ou sera-t-il contraint de renoncer totalement ou partiellement notamment lors du prochain Congrès de l'AMF fin novembre ?

Le gouvernement ne lâchera pas. Pour la simple et unique raison que les finances de la France se portent tellement mal qu'un relâchement dans ce domaine signifierait l'abandon des efforts de maîtrise des comptes publics. Il est temps que les acteurs économiques, dont les collectivités territoriales au premier rang, se rendent compte que la situation n'est plus tenable. La dette publique, composée à 90% de dette de l'Etat, vient de franchir les 2.000 milliards d'euros. Des lors, on assistera certainement à des joutes oratoires durant les congrès des associations d'élus, avec en point d'orgue celui de la puissante association des maires de France. Mais l'on restera dans la posture ! Il n'est pas anodin de constater que, concrètement, il est des équipes municipales qui refusent de rentrer dans le jeu selon lequel "nous trouvons des comptes dégradés et ce n'est pas de notre faute mais de celle de nos prédécesseurs." Au contraire, il est des maires élus en mars dernier qui endossent un discours responsable quant à la nécessité de participer à un effort collectif, celui du redressement des comptes publics. D'ailleurs de nombreux maires ont refusé de cautionner le texte présenté par les associations départementales des maires relatif au refus de la baisse des dotations en provenance de l'Etat.

En quoi peut-on dire que la droite ne devrait pas cette fois s'opposer à la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales ?

La droite ne devrait pas s'y opposer pour trois raisons. La première tient à la nécessité de venir un discours de responsabilité en raison de la situation des finances de la Nation. La deuxième raison est que la droite voit l'alternance se profiler en 2017, ou peut-être avant en raison de l'impopularité sans précédent de l'équipe "Président de la République - Premier ministre". La troisième est ce constat de l'impossibilité de conduire des réformes achevées et cohérentes, avec au premier rang la réforme territoriale. On est en train de se retrouver avec des régions dont les dirigeants cherchent aujourd'hui davantage à sauver le maximum de postes dans les fusions annoncées, que ce soit au niveau politique ou administratif. Pour ce qui est des départements, la date des élections n'a changé "que" quatre fois depuis 18 mois ; pour arriver - si tout va bien - à trois types de départements. Quant aux intercommunalités, il y a à chaque tour législatif un type de structure de plus. Sans compter le "Grand" Paris, qui n'a de grand que le nom, il se retrouve avec des compétences tellement microscopiques qu'il ne s'occupera ni de l'assainissement, ni des ordures, ni des transports ni du foncier... Toutes compétences exercées dans tous les autres points du territoires par la moindre communauté de communes de quelques milliers d'habitants et que le gouvernement oblige d'ailleurs à se regrouper à marche forcée.

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