La politique monétaire ne sert à rien pour relancer l'économie ! Vraiment ? Quand le déni économique persiste et signe<!-- --> | Atlantico.fr
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La politique monétaire peut relancer l'économie.
La politique monétaire peut relancer l'économie.
©Reuters

Mise au point

L'euro baisse et l'économie ne repart pas. Voici le dernier argument qui permettrait d'invalider l’efficacité de toute relance monétaire. Mais dans la réalité, aucune relance n'a eu lieu en Europe. La baisse de l'euro est en grande partie la conséquence de la politique américaine et non européenne. Le débat entre offre et demande peut donc continuer.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Après 6 années de crise, les membres du culte exclusif de l’économie de l’offre sont encore sur le pont. Ce qui constitue une sorte d’exploit face à une réalité qui ne cesse de détruire un par un leurs arguments. Le dernier cheval de bataille à la mode repose sur la « baisse » récente de l’euro qui ne permettrait aucune amélioration sur le font économique. Ce qui constituerait une sorte de preuve absolue de l’inefficacité de toute relance monétaire.  Une analyse qui, à son tour, mérite d’être oblitérée.

L’euro baisse !

Depuis son plus haut du mois de mai dernier, l’euro a perdu environ 10% de sa valeur par rapport au dollar. Cette situation serait à même de mettre en avant l’activisme de la Banque centrale européenne.  Le problème est que malgré une baisse effective de l’euro par rapport au dollar, l’euro n’a, dans le même temps, baissé que de 2% par rapport au yen Japonais, ou de 4% par rapport à la livre sterling.

Toujours dans le même temps, l’indice dollar, c’est-à-dire un indice permettant de constater l’évolution du dollar par rapport à l’ensemble des devises mondiales, progresse de son côté de 8%. Ce qui, en d’autres termes démontre une chose : la baisse de l’euro de ces derniers mois ne correspond pas à un ajustement qui serait la conséquence de la politique de la BCE, mais à un ajustement provoqué par la situation américaine. En d’autres termes, ce n’est pas l’euro qui baisse, mais c’est le dollar qui monte. La politique menée par la FED explique environ 75% du mouvement enregistré depuis le printemps. Pourquoi ? Parce que Janet Yellen, Présidente de la Réserve fédérale, est en train d’en finir avec le plan d’assouplissement quantitatif, dit QE3. Le mois d’octobre 2014 devant marquer la fin officielle du programme. Il reste que les déclarations de Mario Draghi à la fin août, lors de son discours de Jackson Hole, peuvent expliquer le reste du mouvement. Après 5 ans d’une politique de croisement de bras, la BCE envisage désormais de copier ce que font les Etats Unis. Les derniers chiffres de la croissance américaine à 4,6% pour le deuxième trimestre 2014, un taux de chômage à 6,1% peuvent en effet donner quelques regrets aux idéologues de la BCE.

La BCE fait tout ce qu’elle peut !

Un autre sujet de discussion est l’action, ou l’inaction de la BCE. Mario Draghi userait à tout va de la planche à billets depuis quelques mois. Pour vérifier cette affirmation, il suffit de comparer l’évolution des bilans de la FED et de la BCE. En effet, dès lors qu’une banque centrale recourt à la planche à billets, elle se voit obliger d’acheter des actifs et de les déposer dans son bilan.

Bilans de la FED (bleu) et de la BCE (rouge). Evolution en % depuis août 2007



Au cours des dernières années le bilan de la FED a été gonflé de 412%, contre 64% pour la BCE. Il est à noter que le bilan de la BCE avait progressé au cours des années 2011 et 2012, mais cette progression n’était que temporaire, puisque la baisse qui a suivi a totalement effacé le travail effectué. Pour parler montant, si la BCE voulait suivre ce qu’a fait la FED, c’est-à-dire rejoindre la ligne bleue dans le graphique, elle se verrait contrainte de procéder à des achats d’actifs pour un montant supérieur à 4000 milliards d’euros. C’est-à-dire l’équivalent de 40% du PIB européen. Le 2 octobre prochain, Mario Draghi annoncera le plan d’assouplissement quantitatif européen, et le montant qui sera annoncé pourra alors être comparé à ce qu’a fait la FED. Mais à priori, c’est une déception qui s’annonce, même si le principe est positif.
Si la BCE fait mieux que la FED, c’est uniquement dans sa capacité de déni et dans son refus de reconnaître toute responsabilité.

Il n’y a aucun problème de demande en France et en Europe ! C’est l’offre !

C’est quoi la demande ? La demande est la somme de la croissance et de l’inflation. Pour la France, la croissance est à 0, et l’inflation est à 0,5%. La demande est donc la somme des deux et atteint le chiffre désespérant de 0,5%. A titre de comparaison, la France bénéficiait d’une « demande » de 4% entre 1996 et 2008. Il y a donc bien un déficit de la « demande » en France, mais également en Europe (croissance 0% et inflation de 0.4%).

L’autre argument serait de dire que les Etats Unis et le Royaume Uni seraient parvenus à sortir de la crise grâce au « courage » de leurs réformes structurelles. Le Royaume Uni affichait un déficit public de 6.1% en 2013, et sera de 5.8% en 2014. Pour les Etats Unis, les réformes de l’offre n’ont pas eu lieu, en réalité, la seule décision qui a été prise est celle de la mise en place de l’Obamacare, c’est-à-dire un plan de redistribution sociale. Question déficit, même chose, il a été de 4.1% en 2013. En revanche, les gigantesques plans de relance monétaire sont ce que les deux pays ont en commun. Le résultat est que ces deux pays affichent tous deux des croissances fortes et des niveaux d’emplois record.

Mais il est possible d’inverser le problème. Quel serait le symptôme d’une crise de l’offre ? Si l’économie française était totalement bloquée par un problème exclusif de l’offre, cela se traduirait de la manière suivante : la demande serait donc à 4%, comme entre 96 et 2008, mais cette demande se décomposerait en une faible portion de croissance et une forte portion d’inflation. Disons 0,5% de croissance et 3,5% d’inflation. Dans de telles conditions macroéconomiques, il serait naturel de poser un diagnostic simple : l’offre. C’est-à-dire que le pays serait incapable d’absorber correctement la demande qui lui est octroyée. Le problème pour ce diagnostic est que l’inflation est aujourd’hui à 0,5% et que la croissance et à 0. C’est donc tout l’inverse qui est aujourd’hui en place.

Une politique de l’offre peut permettre d’enrichir la « demande » en croissance, c’est à dire qu’elle permet une ventilation de la demande en plus de croissance et moins d’inflation, par exemple 2,5% de croissance et 1,5% d’inflation. Au cours des années précédents la crise, la France connaissait une ventilation de la demande entre 2% de croissance et 2% d’inflation. Alors oui, une amélioration est possible. Mais aujourd’hui, lorsque la demande est si faible, ces réformes sont tout bonnement inutiles parce qu’il n’y a rien à ventiler du tout. Autre exemple. Le chômage constitue une réserve de main d’œuvre, c’est à dire une offre de travail non satisfaite. L’offre de travail est donc supérieure à la demande de travail de la part des entreprises, ce qui provoque le chômage. A moins de considérer que les chômeurs sont des fainéants et qu’ils ne veulent pas travailler, il devient impossible de soutenir que c’est l’offre le problème.

Dès lors que la croissance française sera revenue à son niveau potentiel, c’est-à-dire entre 1,5% et 2%, il sera alors temps de proposer des réformes « de l’offre »,  qui permettront de faire évoluer ce potentiel vers le haut. Car en raison de sa démographie, et des possibilités de gains productivité, la France a tout en mains pour parvenir à un taux de croissance annuel de 2,5% à 3%. Mais pour que cela soit possible, il faudra avant tout régler le problème structurel de la zone euro : le refus absolu de la BCE de venir soutenir la demande. Si personne ne veut acheter les biens que produisent les entreprises, il est peu probable que celles-ci se mettent à investir en masse, embaucher, innover, etc.. C’est à dire tout ce qui permet une réelle amélioration de la croissance française sur le long terme.

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