Quand les coupes budgétaires dans la Défense se heurtent au mur de la réalité de l’engagement français dans la coalition anti-Califat islamique <!-- --> | Atlantico.fr
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Le budget de la Défense est au régime sec mais les forces françaises continuent d'intervenir en opérations extérieures
Le budget de la Défense est au régime sec mais les forces françaises continuent d'intervenir en opérations extérieures
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Du budget au terrain

Le budget de la Défense est au régime sec mais les forces françaises continuent d'intervenir en opérations extérieures. La coalition anti-califat islamique va peser encore plus lourd dans des dépenses qui doivent pourtant se restreindre.

Etienne  de Durand

Etienne de Durand

Etienne de Durand est directeur depuis 2006 du Centre des études de sécurité de l'IFRI.

Il traite régulièrement des questions liées aux politiques de défense française et américaine, ainsi qu’aux interventions militaires récentes.

Il écrit par ailleurs pour le blog Ultima ratio.

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Atlantico : Le budget de la Défense a connu des coupes sévères avec la LPM (loi de programmation militaire) qui prévoit 6 milliards d'euros en moins d'ici 2019. Le budget alloué pour 2014 est-il adapté à la participation de la France aux frappes de la coalition en Irak ? A-t-on une estimation de ce que coûte ce type d'intervention ? 

Etienne de Durand : Il n'y a pas de réponse dans l'absolu, tout dépend de la durée des frappes et de leur intensité. Les opérations viennent de commencer et n’impliquent pour l’instant qu’un nombre limité d'avions et de frappes. Ces avions sont normalement basés aux Emirats Arabes Unis, donc pas très loin, bien qu'il faille quand même un tanker. En conclusion, le coût actuel n’est pas très important. En revanche, si nous sommes censés continuer ainsi pendant des mois et peut-être avec plus d'avions, forcément les coûts vont fortement grimper. Une intervention aérienne intense ou longue est toujours coûteuse. Il faut multiplier le nombre de sorties par la durée des opérations, et rajouter en outre le coût des munitions. Pour l'instant donc, et qu’il s’agisse du nombre d’avions impliqués ou des munitions tirées, c'est très limité, mais rien ne dit qu’on en restera là.

Les opérations extérieures bénéficient-elles d'un financement spécifique ? Quels type et durée d'interventions ce financement permet-il ? Que se passe-t-il quand la limite a été atteinte ?

Il n’y a pas de réponse générique. Le coût d’une opération dépend normalement du nombre d'hommes déployés, du type de matériels utilisés, enfin et surtout de l’intensité et de la durée des opérations. Avec les provisions généralement allouées en début de cycle budgétaire aux opérations extérieures (OPEX), les forces française peuvent conduire soit une opération intense mais courte, soit une opération longue et à faible niveau, à petite échelle. On ne peut pas avoir une opération intense et qui dure, en impliquant beaucoup d'hommes et d'équipements. Cela coûte cher, car il faut renouveler les équipements, les pièces détachées, assurer la logistique (carburant, munitions, vivres…).

Pour 2014,  la provision initialement prévue et inscrite dans le budget était de 450 millions d'euros – limite que nous avons déjà largement dépassée, puisque les OPEX ont déjà coûté 1 milliard depuis le début de l’année. Tout ce qui dépasse les 450 millions initialement prévus devrait normalement être financé au niveau interministériel, ce qui implique une participation de la Défense à hauteur de 20% de ces surcoûts. Il risque donc de ne pas y avoir d'autre choix que de le prendre sur le budget d'équipement.

Dans ce contexte, la multiplication de la présence française en zones de conflit est-elle tenable?

La réponse est évidemment non. On ne peut pas d'un côté rogner les budgets de Défense, ce qu'ont fait à peu près tous les gouvernements successifs depuis 1995, et continuer d'intervenir à un rythme très élevé. Et même si on payait pour avoir les pièces détachées, le carburant, on serait rapidement confronté à des limitatives quantitatives. Nous n’avons plus assez d'hommes, plus assez d'avions, de ravitailleurs en vol, de véhicules terrestres et autres plateformes…. Aujourd'hui, nous nous heurtons à la fois aux limites financières et aux limites quantitatives. En conséquence, l’essentiel des moyens financiers est consacré à ce qui est nécessaire au déploiement et aux OPEX, et ce sont les budgets "normaux" d'équipement et d'entraînement qui sont amputés. On sacrifie ainsi l'avenir pour payer le présent. On ne recapitalise pas nos forces, on ne les entraîne pas suffisamment, parce que tout l'argent passe à soutenir la fraction de nos forces qui est en train d'intervenir quelque part. Ce n'est évidemment pas tenable dans la durée. Combien de temps va durer l'intervention en Irak ? Il y a des impondérables mais il est sûr qu'en 2013 il y a eu Serval au Mali puis, à la fin de l'année, Sangaris en Centre-Afrique. Les forces sont soumises à un "tempo opérationnel" très élevé, qui va rapidement devenir insupportable à l’heure où l’on coupe les crédits et où l’on réduit les effectifs.

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