Jean-Pierre Raffarin, candidat à la présidence du Sénat : "Chez les élus, la grogne s'est transformée en colère !"<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Pierre Raffarin, candidat à la présidence du Sénat.
Jean-Pierre Raffarin, candidat à la présidence du Sénat.
©Reuters

Le Sénat en quête de respect

La deuxième fois sera-t-elle la bonne ? L'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui brigue ce dimanche un nouveau mandat de sénateur dans son département de la Vienne, est également candidat à la présidence du Sénat. Comme en 2008, il sera face à Gérard Larcher et Philippe Marini dans une primaire interne à l'UMP, dont le vainqueur devrait être élu à la tête de la deuxième chambre du Parlement.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Anita Hausser : Les menaces djihadistes et surtout l'assassinat d'Hervé Gourdel suscitent une vive émotion en France. Est-ce de nature à créer une situation politique nouvelle ?

Jean-Pierre Raffarin : Nous avons franchi un nouveau degré de gravité de notre situation et de notre engagement contre le terrorisme. Dans ce contexte, l'exigence d'unité nationale n'en est que plus forte ; il ne faut surtout pas donner à nos adversaires djihadistes l'image d'une France divisée ou apeurée.

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Est-ce que cela va modifier l'attitude de l'opposition dans la période qui vient ?

Sur les questions graves, nous avons toujours prouvé notre sens de l'intérêt national et nous devons rester sur cette ligne. Nous veillerons à ne pas diviser les Français. Cela ne veut pas dire que sur les autres sujets, nous ne dirons pas franchement ce que nous avons à dire.

Et ces autres sujets sont assez nombreux !

Il est clair que le sujet de préoccupation numéro un des Français, c'est l'emploi ; nous attendons toujours ce que le président nous a annoncé le 14 janvier dernier, une politique de l'offre, c'est-à-dire une politique de l'entreprise. Notre économie de proximité se détériore gravement, c'est celle constituée par l'agriculture, l'artisanat et les PME. Ce tissu économique local se déchire profondément actuellement et les conséquences seront sévères. Nous ne sentons pas le gouvernement suffisamment mobilisé sur ce sujet.

Est-ce le principal enseignement de votre campagne ?

Ce que les élus locaux me disent, c'est essentiellement le manque de soutien pour les entreprises et pour cette économie de proximité. Dans les petites communes, le désordre de la réforme territoriale vient se greffer sur l'inquiétude provoquée par les difficultés de l'agriculture et l'artisanat .

On vous connaissait plutôt régionaliste ; aujourd'hui êtes-vous devenu départementaliste ? D'après vous, le département en tant que tel est-il sauvé?

J'ai présidé la mission sénatoriale d'information sur le sujet et nous avons complètement dépassé la vieille querelle opposant départementalistes et régionalistes. La pensée moderne des territoires est tout autre ; nous avons fait le choix de la proximité avec le département et de la puissance avec les grandes régions. Ce qui nous parait absurde aujourd'hui dans le projet gouvernemental, c'est qu'il propose simultanément la création de grandes régions et la suppression des départements. Or, la grande région n'est possible que si le département est maintenu.

Le projet prévoit trois formules différentes pour les départements. Est-ce une solution viable?

Cette orientation est illisible. Personne ne sait actuellement quel schéma s'appliquera à son département. D'une manière générale, cette réforme territoriale est terriblement improvisée et elle génère une profonde colère chez les élus locaux. Durant l'été, avec la réforme des rythmes scolaires, nous sommes passés de la grogne à la colère, ce qui, je crois, se répercutera sur le scrutin. J'ai rarement vu un gouvernement aussi peu populaire chez les élus locaux en raison d'un désordre de ces projets territoriaux. Le Parti Socialiste rencontre de très grandes difficultés dans cette campagne et les électeurs socialistes sont particulièrement inquiets et démobilisés .

Que compte faire le Sénat pour "remettre de l'ordre" dans tout cela, et quelles initiatives prendrez-vous si vous êtes élu président ?

Le Sénat doit stopper le lent déclin qui le caractérise depuis plusieurs années ; il s'est accentué ces trois dernières années à cause des divisions de la majorité socialiste, et, comble de l'impuissance : un sénat de Gauche incapable de voter un budget de Gauche. Si je suis élu président du Sénat, je demanderai rapidement à rencontrer le président de la République pour construire avec lui un rapport de force républicain et loyal. Nous exigerons en effet que le Sénat soit respecté et la manifestation de ce respect devra être que le président de la République accepte quelques corrections au projet de réforme territoriale.

Quelles corrections ?

Par exemple le maintien des départements, la révision de la réforme des rythmes scolaires et aussi la remise en cause de l'intercommunalité forcée à 20.000 habitants. Nous discuterons de ces sujets de manière très ouverte et très républicaine, mais si le président veut une contribution positive du Sénat, il devra montrer concrètement son respect pour la Haute Assemblée...

Est-ce qu'aujourd'hui le président de la République a besoin du Sénat ?

Évidemment ! Sa majorité a l'Assemblée Nationale est instable. Notre sagesse pourra lui être utile. Mais, s'il n'est pas respecté, le Sénat trouvera les moyens de se faire respecter.

C'est menaçant !

Il n'y a pas de menace de la part d'un républicain ; il y a simplement la manifestation de la culture d'indépendance du Sénat.

Quelles innovations apporteriez-vous si vous êtes élu président du Sénat ?

La stratégie que je propose est 100% nouvelle. Elle sera fondée sur la résistance et sur la préparation de l'alternance. Nous conduirons une "auto-réforme" du Sénat. Je développerai la transparence par exemple pour la réserve parlementaire.

Le sénat doit-il devenir un laboratoire ?

Le Sénat sera le laboratoire des politiques nouvelles ; il pourrait notamment travailler à la préparation d'un grand plan national pour les PME , à une réforme de l'Education Nationale ou au partage numérique.

Sur l'échiquier politique, est-ce que vous vous réclamez exclusivement de Nicolas Sarkozy ?

Les trois co-présidents de l'UMP ont décidé d'un commun accord de respecter une certaine neutralité dans la campagne qu'ils sont chargés d'organiser. Donc je respecterai cette éthique de responsabilité, ce qui ne met en cause ni ma relation personnelle avec Nicolas Sarkozy, ni celle avec mes deux collègues Alain Juppé et François Fillon.

Il se raconte que Nicolas Sarkozy fait campagne pour Jean-Pierre Raffarin...

C'est une bonne nouvelle, mais les rédactions bruissent de tant de rumeurs ! Toutefois, je dois vous confier que l'élection du Sénat ne se fait pas a l'extérieur du Sénat. Elle n'est pas dépendante de la vie des partis politiques. Je considère que l'analyse faite par Nicolas Sarkozy est juste ; il faut crédibiliser l'alternance en refondant la Droite et le Centre en France ; c'est un travail nécessaire qui exigera du Leadership, mais le Sénat se tiendra en marge de cet effort.

Cela veut dire que l'UMP a échoué puisqu'il faut la refonder ?

L'UMP est convalescente. L'UMP ne constitue pas suffisamment un espoir pour les Français désespérés par la manière dont M.Hollande exerce ses responsabilités. Déception vis-à-vis de la gauche, manque d'espoir vis-à-vis de la Droite. Il est nécessaire de crédibiliser un nouveau projet et c'est à cela que doivent s'atteler ceux qui vont s'impliquer à la refondation de la Droite et du Centre.

Si vous êtes président du Sénat, resterez- vous à l'écart de cette refondation?

En toutes circonstances, j'ai fait preuve de mon caractère indépendant. J'étais l'une des personnalités qui disait les choses directement au président Sarkozy, et mes messages n'étaient pas toujours dociles ! Notre relation a toujours été directe, elle est confiante. J'ai oeuvré comme médiateur au règlement de plusieurs conflits à l'intérieur de  l'UMP. Je serai donc attentif à ce qui se passera dans ma famille politique, mais si je suis président du Sénat, je veillerai à ce que le travail de fond pour l'alternance soit préparé et je ne l'impliquerai pas dans les tactiques personnelles.

Les primaires au sein de l'UMP au Sénat ne laisseront-elles  pas de traces ?

Ce n'est pas la première fois que l'on procède ainsi ; c'est l'honneur de notre démocratie interne. Pour  cela, je salue le travail de mon ami Jean-Claude Gaudin. 

En conclusion, c'est peut-être "le tour" de mon projet puisque, lui n'a jamais été essayé, et je fais confiance aux sénateurs pour s'y intéresser. La réponse que j'apporte à "la crise" (selon l'Express) du Sénat est aujourd'hui particulièrement crédible.

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