Bière ou pastis : nos préférences en matière d'alcool sont-elles inscrites dans nos gènes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une moindre sensibilité à l’amertume de la solution alcoolisée pourrait favoriser sa consommation.
Une moindre sensibilité à l’amertume de la solution alcoolisée pourrait favoriser sa consommation.
©wikipédia

Le goût dans les gènes

Nos gènes jouent un rôle décisif dans notre appréhension du goût et du plaisir qu'on prend à boire comme à manger. Une étude du Journal de l'Alcoolisme met en évidence le rôle des gènes dans cette maladie.

Mickael Naassila

Mickael Naassila

Mickaël Naassila est professeur de physiologie et de biologie cellulaire dans le Groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

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Atlantico : Le facteur génétique peut influer sur nos goûts, c'est ce que rappelle une étude parue dans le journal de l'Alcoolisme particulièrement dans l'appréciation de ce qui est amer et donc dans nos choix de boissons. Comment fonctionne ce mécanisme d'appréciation, en quoi est-il lié à nos gènes?

Mickael Naassila : Notre patrimoine génétique programme notre réponse subjective à ce que nous consommons comme par exemple des solutions sucrées ou amères. L’alcool a la particularité d’être doux-amer et il a été montré par exemple que la mutation d’une seule base au niveau du gène codant le récepteur mu des opioïdes endogènes (OPRM1) modifie la libération de dopamine dans notre circuit cérébral de la récompense et la sensation de plaisir. Le plaisir lié à la consommation d’alcool est en effet relayé par la libération d’opioïdes endogènes et l’activation de leurs récepteurs mu qui augmente la libération de dopamine.

La gustation consiste en la stimulation de récepteurs sensoriels au niveau de la langue qui transmettent l’information jusqu’à notre cerveau à différentes structures de notre cortex et notre système limbique. Le fait de percevoir et d’apprécier le côté amer ou sucré de la solution alcoolisée consommée dépend de facteurs génétiques et la présente étude démontre que des variations génétiques concernant les gènes codant deux des 25 récepteurs du goût amer (TAS2R13 et TAS2R38) déterminent l’intensité de la perception de l’amertume.

Quel rôle joue l'amertume dans ce phénomène ?

Même si la plus grande sensibilité à l’amertume de la boisson alcoolisée pourrait constituer un facteur protecteur, ce n'est qu’un des très nombreux facteurs qui interviennent dans la vulnérabilité à l’addiction, qui est une maladie psychiatrique complexe dépendant de l’interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux. Ainsi, même des personnes très sensibles au goût amer pourront surpasser cet effet aversif de l’alcool et devenir alcoolodépendants. Cinquante pour cent de la variance du risque à développer l’addiction à l’alcool est expliqué par des facteurs génétiques mais c’est une maladie multigénique et de très nombreux gènes interviennent mais chacun sûrement de manière très modeste.

Ce genre de résultats pose la question de la stratégie qui vise à masquer le gôut amer de l’alcool notamment avec du sucre, ou encore de modifier les effets de l’alcool par exemple avec de la caféine dans les boissons énergisantes pour favoriser la consommation d’alcool et ainsi faciliter l’abus d’alcool. Tout cela est aussi beaucoup plus complexe quand on sait la multitude des sensations gustatives qui peut être obtenue avec la richesse des différentes boissons alcoolisées à disposition et l’inventivité des alcooliers.

Dans quelle mesure ces informations confirment ou infirment-elles le déterminisme héréditaire en matière d'alcoolisme?

Les sensations gustatives dépendent donc des gènes hérités de ses parents et peuvent influencer la préférence et l’appétence envers l’alcool. Ainsi une moindre sensibilité à l’amertume de la solution alcoolisée pourrait favoriser sa consommation et pourquoi pas, constituer un marqueur prédictif dans la vulnérabilité à l’alcoolisme.

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